La grotte, d'un noir de jais, est illuminée par des centaines de cristaux multicolores qui font luire la grotte dans l'obscurité. Au centre de la grotte, un lac parfaitement circulaire clapote et produit un gargouillis incessant. Sur les côtés de la grotte, des champignons fluorescents poussent. Un autel se situe au centre du lac, d'où une lumière claire et pure semble s'échapper.

-L'Autel Sacrificiel, murmure Orphée. Notre porte d'entrée vers le pays des Morts.

Un frisson secoue le trio. Comment un endroit si paisible et magique peut-il donner accès au lieu le plus sombre et triste du monde ? Le pays des peurs les plus sombres, le rendez-vous de tous les destins ?
Orphée tire de son sac la brebis noire. Il la passe à Danawhël en lui demandant de la recouvrir d'huile sacrée.

-Il faut que tu fasses des mouvements circulaires, tout doucement. Sa mort doit être douce, aussi douce que nos intentions. Vaëma, il faudrait que tu fasses une couronne avec les rameaux d'oliviers qui puisse aller autour du cou du sacrifié.

Les groupes se forment et commencent à se préparer. Pendant que les nymphes sont occupées par la brebis, Orphée tourne autour du lac en répandant du sable noir et en chantant une prière lugubre. Les mots sont durs, si durs que les parois de la grotte se fissurent. Les fissures traversent le sol et arrivent jusqu'au lac. Les nymphes, sans cesser leurs mouvements rituels, sont abasourdies par le spectacle qui s'offre à leur yeux : l'eau du lac s'engouffre dans les fissures et remonte les parois lentement. Orphée fait un signe aux nymphes comme quoi il leur faut se dépêcher.

-...ότι ακούς τις προσευχές μου...Ευχαριστώ Θεέ μου, finit Orphée.

Il accoure près des nymphes et jette un œil à l'avancée de leur travail, de même que l'avancée de l'eau du lac sur la grotte. L'eau atteint presque le sommet.

-Il doit nous rester encore quelques secondes, une minute maximum, prévient Orphée. Suivez moi rapidement en répétant : αποδεχτείτε αυτή την προσφορά.

Alors, le trio s'avance en répétant la prière. Orphée tient la brebis dans ses bras. Autour du cou de cette dernière, la couronne d'oliviers remue régulièrement. Orphée dépose la brebis sur l'autel. Calme, l'animal semble attendre son heure. L'eau se rassemble sur un stalactite très droit et pointu. Petit à petit, les gouttes se rassemblent et forment une grosse goutte, prête à tomber sur l'autel. Orphée place son couteau juste sous le stalactite et attend que la goutte tombe. Enfin, l'eau claire se détache de la roche et tombe, traversant l'air comme une flèche, brillant comme un diamant bleu. Elle entre enfin en contact avec la lame horizontale du couteau, éclatant en milliers de gouttes d'eau, humidifiant la lame. La lame, ainsi imbibée d'eau pure, tranche en longueur la gorge du sacrifié. Récoltant le sang sur la lame, Orphée la trempe dans le lac, provoquant de nouveaux clapotis dans l'eau. Le sang, mêlé à l'eau divine, provoque quelque chose d'étrange : Orphée tranche l'eau du lac comme du beurre et forme ainsi un large trou sans fin.

-Mesdames, l'entrée des Enfers !

Le trou, noir comme l'ébène, paraît infini.

-On doit faire quoi, maintenant ? On saute ? demande Vaëma. Si on saute, on se romps le cou !

Orphée regarde la nymphe dans les yeux.

-On... on verra bien.

Et le trio saute.

                           •~~~{Hermès}~~~•

Zeus n'a pas prononcé un seul mot durant le discours d'Hermès. Seulement, il parait très intéressé par la jeune Pi.

-Pi, la voleuse, la voyageuse, il se trouve que c'est une de mes filles...dit le roi des dieux.
Appelle Athéna. Il faut que tu lui expliques le sujet. Elle seule pourrait comprendre et éclairer notre chemin obscur.

Alors, suivant les conseils de son père, Hermès sort de la salle et se dirige vers le sommet du palais. Il arrive enfin devant une grande porte avec une Chouette gravée dessus. Dans les yeux de l'animal, deux diamants d'un bleu limpide sont incrustés. Hermès reprend sa respiration, fatigué de sa course, et frappe trois coups à la porte. Une voix forte et chaude se fait entendre de l'autre côté.

-Oui ? Entrez !

Hermès pousse la lourde porte et pénètre dans une pièce circulaire, avec en son centre une table de marbre, remplie de papiers et de pions.

-Je vois que je te dérange... excuse moi. J'ai un message important de Zeus.

-Hum... effectivement, tu me déranges, dit la déesse de la manière directe qui est la sienne. J'étais en train de travailler au meilleur positionnement stratégique pour attaquer les titans.

-Nous avons du nouveau concernant les Rubis.

Athena se fige et, immobile, elle écoute attentivement le récit d'Hermès. On voit presque les rouages de son cerveau s'activer.

-...et Zeus m'a dit de venir te conter toute l'histoire, ce que je viens de faire. Alors ? Tu as une idée de la voie à suivre ?

Interdite, immobile, elle se met enfin en mouvement et plante son regard dans celui d'Hermès.

-C'est on ne peut plus simple. Le Rubis Noir doit se trouver dans les Enfers, et le Rubis Blanc, quelque part où il y a de l'eau. J'opterai pour l'océan ou une rivière. Il nous suffit de faire quelques recherches avec les humains, les nymphes, et cætera. Au fait, a-t-on des nouvelles des deux naïades ?

-Oui, il parait qu'elles sont sur la route des Enfers. Après, elles iront voir l'Oracle de Delphes pour connaître le destin de cette guerre.

Athena acquiesce et se tourne vers sa table. Hermès comprend qu'il est temps pour lui de partir.

Le dieu sort du palais et s'arrête aux portes d'argent, entrée de l'Olympe. Il regarde en dessous de lui. Déjà, quelques fissures apparaissent, liées au tremblements. Les titans sont tous proches. Hermès se concentre. Grâce à ses pouvoirs, il parvient normalement à trouver la personne qu'il veut sur Terre. Seulement, il ne trouve pas les nymphes. Elles ne sont ni sur terre, ni sous l'eau. Hermès en conclut qu'elles sont déjà descendues aux Enfers. Il cherche alors quelqu'un d'autre : Pi.
Avec un sourire aux lèvres, il la trouve en train de commercer dans un village.

Personne ne se doute de l'importance de Pi dans cette singulière histoire.

Personne ne se doute de ce qui est inévitable.

A part la Pythie.