5. Peur
Angélique se tenait dans son salon, tournant et retournant dans ses mains les lettres qu'un habile malfrat avait dérobées chez Dakota et chez la femme qui lui avait écrit. Elle n'avait eu aucun scrupule ni remord à utiliser les services d'un vulgaire voleur pour parvenir à ses fins. La blonde continua sa lecture, le front plissé de dégoût. Les lettres étaient débordantes de mots amoureux, qui dégoulinaient sur les pages et noyaient tout sous un flot de mièvreries insupportables et horribles. Jamais elle n'aurait pensé le brun capable d'un tel sentimentalisme. Les feuillets étaient adressés à une femme qui lui était inconnue, mais cela lui importait guère. Le but était de feindre la trahison. Enfin, de l'éprouver de nouveau. Et ces lettres et réponses étaient idéales pour cet objectif.
Elle vérifia d'un geste machinal que sa tenue était parfaite. La robe rose lui donnait un air délicat, soulignant sa minceur et sa beauté. Ses cheveux étaient négligemment coiffés et relevés en un chignon, et elle portait de discrets bijoux. La blonde se pinça les joues pour les colorer, puis se replongea dans la lecture de ces lettres d'amour. Son nez se fronçait inconsciemment tandis que ses yeux accrochaient certains passages. « Mon adorable danseuse passionnée », « Mon prince de l'ombre » et d'autres surnoms bien trop niais.
Soudain, elle se sentit faiblir, et tituba jusqu'au sofa. Jamais elle n'aurait le courage d'aller au bout de sa folle entreprise ! Mais aussitôt, elle se ressaisit violemment. Elle devait réussir ! Il était hors de question que Dakota et Ambre s'en sortent ainsi ! La blonde inspira profondément, puis se releva. Elle entendit la sonnette retentir, et aussitôt, elle se pinça avec force. Des larmes lui montèrent aux yeux, et elle renifla. Angélique se plaça ensuite dos à la porte, attendant que Dakota entre dans la pièce. Elle lui avait fait parvenir un billet, dans lequel elle lui demandait de venir de toute urgence. Elle le connaissait si bien qu'elle savait qu'il allait venir. Un sourire sans joie fleurit sur ses lèvres. Oh oui, elle le connaissait bien. Trop bien même.
La porte s'ouvrit, puis se referma, et la voix de Dakota résonna dans la pièce :
« - Angélique ? J'ai reçu votre billet. Qu'y a-t-il ? »
La jeune femme renifla, puis se retourna, les lettres à la main. En la voyant ainsi, les yeux humides et un éclat mystérieux au fond de ses prunelles, il fronça les sourcils, puis avisa les feuillets. Aussitôt, son visage se décomposa, et elle passa à l'attaque d'un ton faussement hésitant et incertain :
« - Je vois que vous reconnaissez ces lettres !
- Angélique. Où les avez-vous eues ? »
Il semblait lui aussi furieux. Elle répliqua, essayant de réfréner sa rage :
« - Eh bien figurez-vous qu'une danseuse de cabaret est venue chez moi, et me les a remises, en me disant qu'elle voulait m'éclairer sur votre vraie personnalité.
- Que... Comment ?! »
Son visage se recouvrit d'un masque de rage, et elle recula d'un pas en mimant à moitié la peur. La blonde lâcha les lettres, les mains tremblantes, puis demanda d'une voix ténue :
« - Pourquoi réagissez-vous ainsi ?
- Ne faîtes pas votre mijaurée, Angélique ! »
Elle ouvrit la bouche sous l'insulte, mais continua à feindre l'ignorance :
« - Mais...
- Taisez-vous ! Je sais très bien que vous les avez lues ! J'imagine que personne ne vous a ainsi écrit, n'est-ce pas ? Vous pensez être au-dessus de tout ça, et jamais vous n'avez reçu de mots doux ! Maintenant, rendez-moi ces lettres ! »
Elle porta une main à sa bouche, des larmes roulant sur ses joues. Mais ce n'était plus des sanglots feints qui l'agitaient. Non, elle était réellement peinée, folle de chagrin. Mais la rage prit rapidement le dessus. Comment osait-il lui parler ainsi ?! Comment osait-il lui dire cela, à elle, après tout ce qu'il avait fait ?! Elle se rapprocha de lui et le souffleta avec force. Il porta une main à sa joue avec surprise, mais bien vite, devint furieux.
Dakota se saisit son bras avec violence, et le secoua :
« - Venez-vous vraiment de me gifler, espèce de garce ?
- Lâchez-moi ! »
Réellement effrayée, elle essaya de se dégager, mais il agrippa brutalement son visage et siffla :
« - Quel est votre but, cette fois ? Me mettre hors de moi ? Eh bien vous avez réussi !
- Laissez-moi, Dakota ! »
Elle tenta de se libérer, mais il resserra son étreinte sur son bras, la faisant gémir de douleur. Elle n'avait jamais pensé qu'il puisse être aussi violent, ce n'était pas prévu ! Sans réfléchir, elle essaya de lui donner un coup de pied, mais il la repoussa avec tellement de force qu'elle s'écroula à terre en hurlant. Alerté par le bruit, Kentin ouvrit brusquement la porte du petit salon, et resta un instant immobile, surpris. Mais il accrocha le regard suppliant d'Angélique, et aussitôt ordonna à Dakota d'un ton froid :
« - Monsieur. Je vous prie de bien vouloir sortir. »
L'aristocrate se redressa lentement en lançant un regard sombre au valet. Puis, il se baissa pour ramasser ses lettres, et susurra à Angélique :
« - Je vous conseille d'oublier cet épisode ma chère, sinon...
- Monsieur. le coupa Kentin. »
Après un dernier regard d'avertissement pour la blonde, Dakota sortit de la pièce.
Aussitôt, le domestique brun se précipita vers la jeune femme, et s'agenouilla à ses côtés :
« - Madame... Allez-vous bien ? Vous a-t-il fait du mal ? »
Encore choquée par ce qui venait de se passer, elle mit un instant avant de comprendre le sens de sa question. Alors, elle hocha la tête, et fondit en larmes. Cela faisait tellement longtemps qu'aucun homme n'avait levé la main sur elle ! Kentin posa une main hésitante sur son épaule, qu'elle repoussa aussitôt. Elle devait être forte ! Et c'était le meilleur moment pour mettre en place la deuxième partie de son plan. Elle se releva, les yeux brouillés de larmes, et ordonna :
« - Appelle Ambre Spencer-Brown et dis-lui de venir. Tout de suite. »
Il se releva à son tour, la considérant d'un regard inquiet. Elle le pressa :
« - Appelle-la ! Et laisse-moi seule. Que personne ne me dérange. »
Le valet hocha la tête, et sortit de la pièce.
Aussitôt, elle s'écroula sur le sofa en se prenant le visage entre les mains. Jamais elle n'aurait cru Dakota capable d'une telle violence ! Elle laissa libre court à ses pleurs, se sachant seule. Elle avait pensé pouvoir jouer les victimes, les femmes blessées, mais... Pas souffrir réellement. La jeune femme se massa le bras en grimaçant, et passa une main délicate sur son visage meurtri. Il lui avait fait mal. Mais malgré tout, elle ne pouvait s'empêcher de l'aimer ! Elle poussa un cri de rage et de douleur, et fondit en larmes.
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Lorsqu'Ambre fit irruption dans le salon, elle s'arrêta en voyant l'état dans lequel était son amie. Angélique releva la tête vers elle, puis se releva et tendit les bras vers elle. Aussitôt, l'autre blonde se précipita vers elle et la prit dans ses bras. La jeune de Turenne sentit son cœur se soulever en repensant à la trahison de cette parvenue, mais se serra contre elle en reniflant. Elle balbutia :
« - C'est... C'est Dakota Ellison, il est venu ici, et... Oh mon Dieu, jamais je ne l'avais vu comme cela ! »
De fausses larmes coulèrent sur ses joues, et Ambre l'aida à se rasseoir. D'une voix hachée par des sanglots feints, Angélique raconta, fidèle à la version qu'elle avait donnée à Dakota :
« - Une femme de petite vertu est venue ici, et m'avait donné un paquet de lettres échangées entre elle et monsieur Ellison... Je n'avais pas osé les lire, mais je l'avais convoqué pour qu'il puisse m'éclairer sur leur contenu, et... Quand il a vu les lettres, il est entré dans une colère noire ! »
Elle se prit le visage entre les mains tandis qu'Ambre lui frottait doucement le dos. Tant de sollicitude l'écœurait, mais elle continua son récit :
« - Je ne sais pas pourquoi il a réagi comme ça, et quand j'ai tenté de m'expliquer, il m'a insultée ! Alors... Elle fit mine d'être honteuse. Je l'ai giflé. Et là... Il a été violent ! »
Elle releva le visage vers l'autre blonde, qui eut une moue choquée en voyant l'ecchymose qui zébrait sa mâchoire :
« - Bon Dieu, Angélique !
- Je sais, Ambre ! Je le déteste tellement, et j'ai eu si peur ! J'ai vu dans ses yeux qu'il aurait pu me tuer ! »
Elle essuya ses larmes d'un geste tremblant, et souffla :
« - Il n'y a que vous à qui je puisse me confier, vous êtes ma seule véritable amie...
- Oh, Angélique... »
Ambre avait l'air émue, et la jeune femme sauta sur l'occasion :
« - Je suis sincère. Il n'y a qu'à vous que je puisse raconter cela, car je sais que vous croirez. Les autres...
- Je vous crois, Angélique. Et je suis navrée pour vous... Si seulement je pouvais faire quelque chose... »
La jeune de Turenne ne laissa pas passer sa chance. Elle renifla, et balbutia :
« - Comme j'aimerais tellement partir loin d'ici, loin de lui ! J'ai tellement peur qu'il ne revienne, qu'il... Qu'il recommence ! Si seulement mon père n'avait pas vendu notre demeure de campagne pour fiancer ses maîtresses...
- Angélique...
- Non, vous avez raison. Je devrais mieux rester ici, mais... »
Elle eut une moue terrorisée, et Ambre n'hésita pas :
« - Ecoutez... Vous savez que j'ai une demeure de campagne, alors... Nous pourrions partir quelques temps là-bas...
- Oh, Ambre ! »
La blonde fit mine d'être surprise, puis fondit en larmes dans les bras de l'autre jeune femme :
« - Vous êtes si gentille ! Mais je ne voudrais surtout pas vous déranger, et...
- Et rien du tout. J'imagine que vous vous souvenez de cet épisode désagréable et durant lequel vous avez été un précieux soutien pour moi. C'est donc à mon tour de vous aider. »
Angélique acquiesça, stupéfaite de la vitesse à laquelle cette parvenue avait gobé son mensonge et l'avait invitée. Mais elle comptait bien en profiter. Alors elle réprima un frisson, et demanda d'une voix mouillée de larmes :
« - Quand partons-nous ? Car... J'ai peur qu'il ne revienne, et...
- Demain, si cela vous convient. Ou... Ce soir. Quand vous préférez.
- Ce soir ! Oh, Ambre, merci ! Vous êtes vraiment une personne en or ! »
Elle la serra dans ses bras, puis lui adressa un sourire ravi :
« - Jamais je n'aurais cru un jour avoir une amie comme vous !
- C'est tout naturel, voyons ! Et puis, vous pourrez ainsi oublier le comportement de... Cet homme, et aussi vous reposer.
- Merci, Ambre. »
Elle essuya ses larmes, et réprima un sourire satisfait. Tout était parfait.
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