2. Plaisir
Le soir venu, elle attendait impatiemment dans sa chambre. Pour tromper l'ennui de l'attente, Angélique feignait de lire. Mais ses yeux étaient fixés sur la même phrase depuis une éternité, et elle était attentive au moindre bruit de pas. Plusieurs fois, déjà, elle avait cru qu'il était arrivé. Mais ce n'était que les domestiques. Pressée qu'il n'arrive, elle abandonna son livre pour s'asseoir devant sa coiffeuse. Elle vérifia que sa coiffure, un simple chignon qui laissait échapper plus de mèches qu'il n'en retenait, était toujours parfaite. Elle pinça ses joues pour leur donner de la couleur, puis se plaça devant son grand miroir. Sa robe d'intérieur dissimulait une simple chemise, mais épousait ses courbes.
Son inspection terminée, elle retourna s'asseoir avec impatience sur son fauteuil. Que faisait-il ? Pourquoi n'était-il toujours pas là ? Après une si longue attente, il était hors de question qu'elle s'offre à lui tout de suite. Il allait pouvoir attendre ! La blonde croisa les jambes, triturant le bout de sa manche, quand soudain, on gratta à la porte. Aussitôt, un sourire fleurit sur ses lèvres, qu'elle réprima pour aller ouvrir. Un homme se glissa dans la pièce tandis qu'elle verrouillait la porte, puis elle se retourna pour lui faire face. Il avait un visage très agréable à regarder, où l'on ne voyait presque que ses yeux d'un vert saisissant. Toute sa figure semblait avoir été taillée par le sculpteur le plus doué. Son nez était fin, ses lèvres charnues, son front haut, et un air malicieux éclairait son visage. Angélique savait également, par expérience, que son corps était parfait. Lorsqu'il parla, sa voix chaude sembla emplir la pièce :
« - Pourquoi n'étiez-vous pas là lorsque je suis venu, aujourd'hui ?
- J'étais chez Ambre Spencer-Brown. »
Il haussa un sourcil surpris tandis qu'il enlaçait doucement sa taille :
« - Jamais je n'aurais pensé que votre amitié était véritable.
- Et pourquoi donc ? »
Elle avait parlé d'un ton sec, énervée. La croyait-il à ce point hypocrite ? Elle ouvrit la bouche pour répondre vertement, mais il posa ses lèvres sur les siennes avec un sourire. Aussitôt, tout son corps s'embrasa, mais elle se laissa embrasser sans réagir. Elle voulait une réponse. Dakota s'écarta d'elle, la considérant d'un regard intelligent :
« - Tout simplement parce que vous vous ressemblez trop pour vous supporter.
- Mais... Pas du tout ! »
La jeune femme était offusquée. Comment osait-il la comparer à cette petite-fille de parvenu ? Ambre ne portait que le nom d'un vulgaire homme ayant épousé une duchesse, et ainsi sa fortune ! Alors qu'elle, Angélique de Turenne, portait le patronyme, de chevaliers, de conseillers royaux et de riches nobles, qui remontait à des dizaines de générations ! Aussitôt, elle se dégagea de son étreinte et recula en croisant les bras :
« - Et puis-je savoir pourquoi vous pensez cela ?
- Vous êtes toutes les deux très belles, vous avez le même sens de l'observation et de la moquerie, vous savez parfaitement dissimuler vos émotions. Et vous êtes riches. »
La blonde haussa le menton, le fixant sans rien dire. Ses arguments étaient fondés, elle était forcée de l'admettre. Jamais elle n'avait remarqué ces similitudes, se contentant d'apprécier la compagnie d'Ambre. Malgré ses origines douteuses, elle avait un sens des mondanités hors-pair, et aussi beaucoup d'humour, ce qu'appréciait l'aristocrate.
Finalement, elle haussa les épaules avec grâce :
« - Nous croyez-vous si semblables ?
- Oh, vous êtes bien plus intéressante qu'elle, Angélique. »
Elle avait conscience que c'était sûrement de la flatterie, mais ne put s'empêcher de sourire. Elle le laissa s'approcher de nouveau, l'enlacer, et l'embrasser. Les mains du jeune homme lui ôtèrent sa robe d'intérieur, puis il lui embrassa le cou avec désir. Et malgré tout ce qu'elle s'était promis, elle se laissa déshabiller sans protester.
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« - Dieu que ce trajet est long...
- Je suis d'accord, Ambre. »
Elles avaient été conviées à une réception chez le comte de la Motte, et avaient décidé d'y aller ensemble. Les deux blondes se trouvaient dans une calèche, qui roulait en direction de la demeure de l'aristocrate. Pour l'occasion, Angélique avait revêtu une robe vert-d'eau, qui mettait sa pâle carnation et sa chevelure en valeur. Ambre, quant à elle, avait opté pour un rouge profond qui soulignait ses yeux. Mais malgré tous ses efforts, l'héritière Spencer-Brown n'avait pas cette désinvolture, ni cette grâce innée qu'avait Angélique. Et cela faisait sourire la blonde. Le commentaire de Dakota lui revint en mémoire, et elle sentit ses joues rosir. C'était stupide de sa part de s'attacher à lui à ce point.
Avant qu'elle ne puisse penser davantage au beau jeune homme, la calèche s'arrêta. Un valet ouvrit la portière, et Angélique descendit la première avec grâce. Elle fut suivie par son amie, et toutes deux pénétrèrent dans la demeure du comte. La jeune femme se retint de plisser le nez devant la décoration surchargée de bibelots. Vraiment, ces parvenus étaient incapables de faire preuve de bon goût... Leur hôte vint à leur rencontre, et elle se composa un sourire amical tandis qu'il les saluait :
« - Mademoiselle de Turenne... Et mademoiselle Spencer-Brown. Je suis ravi de vous voir. »
Elles inclinèrent la tête, puis elle prit la parole d'un ton badin :
« - Nous avons appris vos fiançailles avec mademoiselle de la Baume. Nous voulions vous féliciter.
- Comme c'est aimable à vous. »
Son ton était chaleureux, mais Angélique lut dans son regard tout le dédain qu'elle lui inspirait. Cela lui était égal, elle ne l'appréciait pas non plus. Elle coula un discret regard vers Ambre, et vit qu'elle aussi avait remarqué le mépris de l'homme. D'ailleurs, elle eut un sourire glacial :
« - Mais nous ne voulons pas vous déranger, vous avez sûrement d'autre invités à accueillir. Allons saluer Iris, n'est-ce pas Angélique ?
- Bien sûr. »
Sans le saluer, elles le contournèrent pour se rendre au cœur de la réception.
Sitôt éloignées, Ambre persifla :
« - Quel affreux bonhomme... Oser nous regarder comme si nous n'étions que de vulgaires domestiques ! »
La jeune femme se contenta d'acquiescer, car elle avait remarqué Rosalya Fitzroy. Aussitôt, elle se redressa imperceptiblement pour faire ressortir sa gorge. Tandis qu'elles évoluaient avec aisance parmi les invités, elle ne pouvait pas s'empêcher de lorgner discrètement sur sa rivale. Vraiment, elle ne comprenait pas ce que pouvait lui trouver Dakota. Certes, elle avait une magnifique chevelure blanche, ainsi que de beaux yeux topaze, mais c'était strictement tout ! Elle camouflait son manque d'esprit sous une joie presque indécente, et n'avait pas un beau corps. Non, elle ne pouvait pas rivaliser avec Angélique. A cette conclusion, un léger sourire hautain fleurit sur ses lèvres.
Soudain, une personne se matérialisa devant elle. Surprise, elle s'arrêta, et reconnut Dakota. Son pouls s'emballa, mais elle affecta l'indifférence, comme il était recommandé de le faire. Il s'inclina devant elle tandis qu'elle le saluait d'un léger mouvement de la tête. Il engagea la conversation sur un ton de circonstance :
« - Je ne m'attendais pas à vous trouver ici, mademoiselle de Turenne.
- Que voulez-vous, nous ne pouvons résister à un comte... »
Elle haussa une épaule, et vit à travers ses cils qu'il la dévorait des yeux. La satisfaction l'envahit. La blonde ne put retenir un léger sourire, qu'il remarqua. Aussitôt, elle changea de sujet d'un ton qu'elle espérait dégagé :
« - Connaissez-vous Rosalya Fitzroy ? Il me semble ne lui avoir jamais parlé...
- Oh, c'est une jeune femme très agréable. Il me semble qu'elle est fiancée à... Monsieur Balantyre. Leigh, le frère ainé. »
« Très agréable » ? La jalousie poignarda Angélique au cœur, mais elle réussit à affecter un intérêt poli :
« - Oh, je ne le savais pas. Puis elle reprit d'un ton excuse. Si vous voulez bien m'excuser, je vais saluer notre hôtesse. »
Elle se détourna avec un peu de dédain, releva élégamment sa jupe, tout en remarquant du coin de l'œil que le regard du jeune homme était fixé sur elle. Puisqu'elle avait dit qu'elle allait voir Iris, elle n'avait pas d'autre choix que de le faire. Elle se dirigea donc vers la rousse, tout en saluant avec grâce les invités qu'elle reconnaissait.
Enfin, elle arriva devant la fiancée du comte. A part sa chevelure rousse, elle n'était pas belle. Mais sa famille était très riche, ce qui avait dû influencer le choix de l'homme. Elles se saluèrent, puis la blonde eut un sourire de surprise :
« - Jamais je n'aurais cru que vous finiriez épouse d'un comte. »
Elle vit un éclair blessé dans les yeux d'Iris, et comprit que sa phrase avait été mal interprétée, ce qui était le but désiré. Aussitôt, elle ouvrit de grands yeux, affectant l'innocence :
« - Oh, je ne voulais pas insinuer quelque chose de blessant, ma chère. Mais je pensais qu'un homme de sa trempe se contenterait d'une femme superficielle, comme l'on en voit trop dans les réceptions mondaines. Ce que vous n'êtes pas, bien sûr. Je tenais également à m'excuser pour mon comportement, que vous avez sûrement dû prendre pour du dédain. Je serais bien incapable de mépriser une autre femme, surtout vous ! »
Elle eut un rire de gorge. La rousse se détendit visiblement, et lui adressa un sourire de remerciement :
« - Je vous remercie, Angélique. Il est vrai que j'ai pu mal vous considérer par le passé, mais je me rends à présent compte que vous êtes une personne de bien. Veuillez m'excuser pour la froideur que j'ai pu manifester à votre égard, et... Dont mon mari fait preuve.
- Oh, mais ce n'est rien, je vous assure...
- Si, cela me gêne. Vous être une femme recommandable. »
Elle eut le bon goût de rosir, tout en affectant un bonheur gêné. Mais c'était exactement le but désiré. Il n'était pas bon de se mettre à dos une future comtesse, alors autant lui faire croire qu'Angélique l'appréciait. Qui sait, peut-être serait-elle bien récompensée ? Puis, elle lui sourit avec connivence :
« - Je vous laisse, vous devez sûrement avoir d'autres invités avec qui converser... Si jamais l'ennui vous terrasse, n'hésitez pas à venir me voir. J'espère vous revoir, ma chère. »
Elle la salua, puis se détourna. Aussitôt, Ambre l'accosta avec un sourire satisfait :
« - Je ne vous pensais pas si habile, Angélique... »
La blonde se sentit offensée. Qui était cette fille de parvenus pour remettre son talent de la manipulation en cause ? Mais elle s'obligea à sourire à son tour, haussant les épaules avec grâce :
« - Oh, il était facile de lui faire dire ce que je voulais. »
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