2. Instinct de survie (Dorian)
Ce mec est un putain d'inconscient.
Oser tromper une fille comme Amanda Vernin, c'est carrément du suicide. Cette nana est folle à lier. Aussi bandante que cinglée. Je m'en suis rendu compte à peine deux semaines après notre arrivée : elle avait ramené une petite poupée qui ressemblait étrangement au gars qu'elle embrassait sur la photo de son bureau. Même couleur de cheveux, de minuscules yeux bleus faits avec des têtes d'épingle... c'était plutôt bien réussi. Sauf qu'elle lui a enfoncé un crayon dans le cul, fait ressortir la pointe par son front, et qu'elle l'a laissé ainsi pendant trois
jours, bien en évidence à côté de son ordinateur. J'en avais des frissons rien qu'en passant à côté, tous les matins. Et pire encore, elle a brûlé la photo dans sa poubelle et manqué de foutre le feu à tout l'étage.
Cette femme est la version féminine de Satan. Je n'ai aucune autre explication.
Mais je ne peux pas lui enlever qu'elle fait du très bon boulot, par rapport à la merde que nos prédécesseurs nous ont laissée. Tout était à refaire : les contrats à honorer, les partenaires à convaincre, les clients à rassurer... Notre réputation était si mauvaise que je ne sais même pas comment on s'en est sorti. En six mois, on a redoré notre image et c'est en grande partie grâce à elle.
Amanda aurait vraiment pu être quelqu'un de sympathique, si elle n'était pas insupportable. Indiscrète. Malpolie. Vulgaire. Agaçante et bruyante. Tout ce que je déteste. D'ailleurs, si elle n'était pas aussi efficace, cela ferait longtemps que je l'aurais mise à la porte.
J'ouvre le dossier qu'elle a bouclé en moins de deux heures. Très impressionnant.
***
Je n'ai pas beaucoup dormi, j'arrive au travail avant tout le monde, comme d'habitude. Mon café dans une main, mon ordinateur portable dans l'autre, je traverse le couloir du troisième étage jusqu'à mon bureau. Une routine que j'apprécie : la climatisation qui ronronne, le soleil qui s'engouffre au travers des grandes baies vitrées et la ville qui se réveille, dix mètres en dessous. Profiter de quelques heures au calme, avant d'affronter les petits tracas du quotidien.
Et les assistantes déséquilibrées.
Un vacarme épouvantable m'oblige à sortir de mon antre pour vérifier que le sol ne s'est pas écroulé sur l'étage du dessous.
Non, évidemment. C'est juste Mlle Vernin qui s'installe à son poste de travail. Je souffle. Cela ne fait pas deux minutes qu'elle est là que, déjà, elle m'exaspère.
Elle se penche par-dessus son bureau pour attraper je ne sais quoi derrière l'écran de son ordinateur. Sa jupe crayon lui remonte à mi-cuisse, c'est un spectacle qui vaut le coup d'œil. Son cul est ferme et rebondi... une merveille !
J'ai envie de la fesser. De voir comment sa peau réagit aux caresses. Aux morsures.
Ses jambes remuent, cherchent un équilibre. Elle ne m'a pas encore remarqué, alors j'en profite pour l'imaginer, elle et ses sept bons centimètres de talons aiguilles, s'enrouler autour de ma taille et me supplier de la prendre plus vite, plus fort.
Oh ! Redescends, mec !
Ma main se perd dans mes cheveux et je reste quelques secondes à chasser ses pensées. Comment peut-on désirer une personne aussi fort qu'on la déteste ?
Elle jure, se tord la cheville, s'étale à plat sur son bureau et balaie l'écran de son ordinateur qui se fracasse sur le sol.
Jesus.
– Et merde !
J'avance pour évaluer l'ampleur des dégâts et me dévoile.
– Dites-moi, mademoiselle Vernin, est-ce que vous êtes née pour me pourrir la vie ?
C'est forcément ça. Elle a été conçue pour faire de mon existence un véritable enfer.
– Pitié, ne vous donnez pas autant d'importance, gémit-elle en se relevant.
Elle contourne le bureau, s'arrête à ma hauteur.
– Je crois qu'il est cassé.
– Sans blague ! Je retiendrai l'achat d'un nouvel écran sur votre salaire.
– Commencez par me payer mes heures supplémentaires.
Touché.
Je croise son regard. Sa mine est sombre, ses yeux rougis de larmes. Elle a tenté de le dissimuler derrière un maquillage un peu plus soutenu que d'habitude. Ses paupières sont gonflées, ses cernes creusés, sa mâchoire tendue. Elle est belle, dans sa tristesse. Ça la rend moins cinglée, plus humaine. Je tombe sur ses lèvres, sa moue boudeuse, adorable.
Je souris ; elle part au quart de tour.
– Je ne vois pas l'intérêt de dépenser des centaines d'euros pour des machines qui n'ont pas de connexion USB ! Franchement, même le vieux fax de ma grand-mère est plus évolué.
Ses bras gesticulent autour d'elle et sa voix monte dans les aigus.
C'était donc ça.
Je suis tenté d'aller me pendre avec un des câbles qui gît sur le sol, histoire d'abréger mes souffrances.
– Oh, Amanda... soufflé-je, désespéré. Le branchement USB ne se fait pas sur l'écran, mais sur la tour de votre ordinateur ; ce gros bloc juste là, en dessous de votre bureau.
Ses dents malmènent sa lèvre inférieure, je m'y perds quelques instants.
Cette femme est une plaie. Un putain de boulet qui ne sait même pas utiliser un ordinateur. C'est la base pour une assistante, non ?
Un minimum de bon sens, enfin !
– Et je suppose, grincé-je en fermant les yeux, que l'avenant est sur cette clé USB ?
Je n'ai pas lâché l'arête de mon nez. Ça m'aide à ne pas péter les plombs. Elle brandit le petit objet devant mon visage.
– Absolument !
Je le lui arrache des mains, m'enferme dans mon bureau, enfonce cette putain de clé dans cette putain de machine, et je patiente. Le silence derrière ma porte est suspect. Je tends l'oreille pendant que mon ordinateur détecte l'objet. Je déteste ne pas l'entendre ni savoir ce qu'elle fait. J'ai lu que les psychopathes aiment frapper dans l'ombre, au moment où on s'y attend le moins. C'est juste de l'instinct de survie.
Une fenêtre s'ouvre sur mon écran, des dizaines de dossiers apparaissent. Je clique sur « CARVALHO », le nom qui m'intéresse. Une demande de mot de passe s'affiche.
Qu'est-ce que c'est que cette merde, encore ?
Qui met des mots de passe sur ses clés USB ?
Je me relève, une nouvelle fois. Il n'est pas huit heures, et j'ai déjà l'impression de porter toute la misère du monde sur mes épaules.
Cette femme aura ma peau.
J'ouvre ma porte à la volée. Elle est debout, face à moi, les fesses sur son bureau, ses jambes interminables croisées devant elle.
Putain, elle a mis ses Louboutin.
Ses chaussures sont le mal incarné : affolantes, dangereuses, sexy... Le fantasme absolu ! Je n'arrive pas à détourner le regard. Des images s'imposent à mon esprit : ses talons dans mon dos, mon visage entre ses cuisses, en train de lui bouffer sa chatte de mal baisée.
Putain de merde.
La dernière fois, j'avais au moins tenu jusqu'à la pause déjeuner avant d'aller me branler dans les toilettes.
Il n'y a rien besoin de dire. Elle sait pourquoi je suis là, je le vois à son sourire triomphant et à ses sourcils relevés. Amanda s'engouffre dans mon bureau, et je sens mon corps qui la cherche, l'appelle, la désire.
– Vous ne faites jamais rien comme tout le monde, m'agacé-je en la suivant jusqu'à mon ordinateur.
– Je prends cela comme un compliment, monsieur Evans.
Ce n'en était pas un.
Elle sourit, bascule sa tête sur le côté et me sonde de son incroyable regard. Et par incroyable, j'entends pas humain. Aucune personne normale n'a les yeux si translucides. J'aurais dû me méfier au premier coup d'œil.
Je contourne mon bureau pour la rejoindre. D'un geste vague, je l'invite à entrer son foutu mot de passe, qu'on en finisse avec tout ce merdier. Mes doigts s'accrochent au dossier de ma chaise, en attendant qu'elle s'y assoie. Elle ne le fait pas. Au lieu de ça, elle se penche en avant, les coudes sur la table, une main sur la souris, l'autre sur le clavier. Elle marmonne quelque chose, je n'entends rien. Je suis happé par ce corps incroyable qui fait vibrer le mien. Et par incroyable, j'entends spectaculaire, prodigieux, parfait.
Putain, j'aurais vraiment dû me méfier...
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