Chapitre 19
Ce jour marque la veille de leur départ.
La belle saison est enfin de retour, définitivement cette fois-ci. Les pluies ont complètement cessé de s'abattre sur ces contrées, et ne sont plus qu'un mauvais souvenir jusqu'aux prochaines moussons qui reviendront, l'année suivante. Mais d'ici là, ils seront déjà bien loin de ces lieux, à la recherche d'autres territoires à découvrir, ou d'un trésor à aller conquérir peut-être. Il n'en est pas réellement sûr, lorsqu'il prend le temps d'y réfléchir. Le futur lui paraît soudainement très incertain, et ponctué d'un voilage amer, qui ne lui laisse qu'un goût âcre au fond de la gorge. Ses papilles y répliquent activement, amplement dégoûtées par cette saveur atroce qui s'immisce là, sans y avoir été invité. Seulement, voilà, son corps réagit ainsi et il ne parvient pas à asseoir le moindre contrôle sur ses actes. Il se contente de les subir, comme toujours finalement, en espérant que cette impression pourra s'envoler à un moment ou un autre.
Lorsqu'il observe autour de lui, ce port et cette mer qui n'en finit plus de s'étendre sous ses yeux cernés, le capitaine soupire. Il se demande réellement s'il est empli par le désir de fouler ces terres encore une fois, un jour prochain. Malgré la dimension de cet endroit, qui l'a tant accompagné depuis son enfance et dont les souvenirs sont rattachés à son père, il y en a également d'autres désormais qui ternissent tout particulièrement ces sensations. Qui porte la présence d'une tout autre personne, dont il n'arrive pas à se détacher, de quelque manière que ce soit. Peu importe la force de son souhait, ou sa maigre voix qui tente de répéter inlassablement que les choses sont ainsi et que rien ne pourra les changer, une once d'espérance continue de l'animer. Il a pourtant terriblement conscience de cette réalité qui a pris vie devant lui, sans lui laisser la perspective d'apercevoir une finalité alternative à celle qu'il connaît, ne faisant subsister qu'une unique affirmation aussi lourde que tous les fléaux du monde réunis en un seul.
Katsuki doit oublier Izuku.
Depuis cette altercation étrange, mêlant une conversation et des révélations dont il n'avait aucunement soupçonné l'existence, Dynamight n'a plus été en contact avec Deku. D'aucune façon que ce soit, et ce peu importe à quel point son cœur pouvait le désirer.
Tout ce qu'il a pu savoir à son sujet émane de son bras droit, Hitoshi Shinso, qui est venu à sa rencontre. Bien évidemment, aucun mot n'était nécessaire pour dépeindre la dureté de la situation. Seuls son air grave et ses traits tirés suffisaient à témoigner de l'état d'Izuku, ainsi que de ce qui pouvait bien se dessiner dans son esprit.
Grâce à lui, Katsuki a donc appris toute la réalité concernant celui dont il est épris. Ce profond besoin de vengeance, ancré dans ses veines à un point inimaginable, dictant le moindre de ses actes sans aucune hésitation. La terrible nuit qui l'a fait basculer dans les méandres de son désespoir également. Mais aussi l'implication de Toga dans cette tuerie sans égale, menant ainsi Deku à soupçonner que tout son équipage soit à l'origine de ce méfait d'une portée dévastatrice.
Dynamight était bien évidemment au fait des agissements de celle qu'il a recueillie. S'il y a quelque chose qu'il ne tolère pas parmi ses rangs, c'est sans aucun doute le mensonge et les cachotteries. Alors, quand il l'a soigné et est resté des semaines à son chevet en attendant qu'elle puisse se remettre, il s'est assuré de tout apprendre d'elle. Il a délibérément choisi de faire table rase de son passé, si celle-ci promettait de changer. En contrepartie, il lui offrait une place à ses côtés, pour lui inculquer le réel aspect d'une vie de pirate.
Et jamais la jeune femme n'a entaillé ce pacte qui avait été établi entre eux, sous l'œil attentif d'Eijiro, qui faisait office de témoin. Face à la conversation partagée avec Shinso, le capitaine a donc fait le rapprochement entre toutes ces situations, et ces destinées qui se sont croisées à un moment de leur existence. Bien sûr, il ne s'en doutait pas, de prime abord, oubliant complètement cet aspect-ci tant il était aveuglé par sa propre cupidité. Depuis son arrivée ici, la recherche du Jade Shard le menait par le bout du nez, lui imposant des œillères d'une taille sincèrement impressionnante, qui ont eu pour conséquence de le déconnecter de cette réalité.
Et puis, après cela, c'est son amour pour Izuku qui a dicté ses actes et la totalité de ses pensées. Il en a amplement conscience, et ne s'efforce aucunement de le nier. Katsuki s'imaginait naïvement que Deku n'était simplement pas intéressé par cette relation, ou qu'il cachait une blessure si grande qu'elle l'empêchait de voir au-delà de son mal. Quelque part, il n'avait pas tort finalement. Mais il n'a pas pensé une seconde de l'étendue de cette douleur et de ses failles.
C'est sans doute pour cela que les événements sont ainsi désormais. Qu'il se retrouve seul dans la cabine de son navire, qui est comme neuf, à terminer de fixer la trajectoire de leur traversée qui débutera le lendemain matin à l'aube.
Parce que le manque évident de dialogue les a entraînés sur une route sinueuse, imposant le courroux d'une finalité funeste, qui ne pourra rien lui offrir de plus que cette peine désastreuse l'angoissant désespérément. Eijiro lui-même l'a compris, abandonnant la perspective de le faire parler de ce qu'il peut ressentir. Si Katsuki a bien essayé de faire un effort et de se prêter au jeu les premiers temps, il n'en est à présent plus rien. La simple idée de quitter ces lieux le lendemain et de ne plus jamais revoir Izuku le dissuade de prononcer le moindre mot. Il désire uniquement purger sa peine et se murer dans sa solitude, en attendant que cette palette d'émotions aussi surprenantes que désagréables veuille bien à son tour prendre le large. Jusque-là, le forban préfère rester seul avec lui-même, en se contentant de repenser inlassablement à tout ce qu'il a perdu.
Néanmoins, même ses souvenirs semblent bien décidés à le faire souffrir également. Les quelques-uns, qui parviennent à se dessiner au milieu de ses songes ne sont que des bribes déplorables et débordantes d'affliction. Des morceaux de cette dernière conversation, entre autres, s'amusent à le narguer en se dévoilant à lui sans sommation. Ils lui chantent, tantôt en chœur, tantôt à la filée, cette naïveté d'avoir pu croire qu'il serait aimé.
Des notes d'une cruauté s'en égalent, jouant une mélopée aussi violente qu'étouffante. À tel point qu'il suffoque chaque fois que la partition prend vie, tandis que les larmes se mettent à couler brutalement. Parce que la vérité est ici, et qu'Izuku l'a prononcée sans aucune hésitation.
« - Je te déteste. »
À la façon d'un instrument de torture, ces quelques mots résonnent fortement sans jamais s'interrompre un seul instant. Le reste de sa mémoire semble salie par cette phrase terrible, qui a été dite dans une froideur si effroyable. Lorsque Katsuki repense la chaleur de leur baiser, la voix de Deku vient se greffer à la scène, le plongeant dans un gouffre qui l'oblige à serrer la mâchoire en réclamant à n'en plus pouvoir que tout ceci s'arrête une bonne fois pour toute.
Et puis, quand il est parcouru d'une seconde de répit, le jeune homme se rappelle d'un autre instant. Un moment qui s'est assuré de lui infliger le coup de grâce, lui confirmant qu'il ne pouvait plus rien attendre de cette présence ni même de cette existence.
Quelques jours plus tôt, tandis qu'il errait à la manière d'un ectoplasme à travers le bâtiment qu'est leur auberge, en écoutant d'une oreille les âneries de Kaminari qui répondait puérilement à Sero. Ce n'était qu'un événement sans importance. Plus personne ne prenait garde à sa neurasthénie. Ou alors, sûrement ont-ils fini par avoir la décence de lui « foutre la paix » comme il l'a tant réclamé jusque-là. Les coudes posés sur la table, retenant tant bien que mal sa tête qui semblait peser aussi lourd que le chargement de dix navires, Katsuki a soudainement redressé le visage. Sortant de l'un des couloirs, il a aperçu Izuku. Son inquiétude s'est renforcée, en constatant qu'Hitoshi n'avait bien évidemment pas menti concernant son état. Deku était empreint d'une mélancolie flagrante, parsemée d'une souffrance aucunement dissimulable et qui hurlait au monde entier ce qu'il tentait si difficilement de taire autant que possible.
Ses cernes n'en finissaient plus de s'étendre, lui mangeant la vie qui émanait pourtant de ses iris d'une pureté indéfinissable. Son sourire n'était plus qu'un vague souvenir qui persistait dans les rêves de Katsuki, sans que lui-même soit capable de déterminer s'il s'agissait de la réalité ou d'une perception biaisée de tous ces événements.
Et, au bord de ce précipice qui paraissait sur le point de les engouffrer dans un enfer à la hauteur de leurs pires cauchemars, leurs regards se sont trouvés. Ils se sont verrouillés le temps d'un instant. De là, bien qu'une dizaine de mètres les séparaient encore, il a pu retrouver toutes ces nuances qu'il avait déjà tant observées.
Lui a pu déceler ce vert unique en son genre, digne des plus grands joyaux de ce monde. Constellés d'éclats d'or purs, aussi sublimes que ces étoiles qui illuminent le ciel de leur présence. La forme si singulière de ses pupilles, également, se fondant pratiquement en un dégradé allant vers le noir, pour se mêler parfaitement à chaque fibre de son iris. C'était comme une bouffée d'air frais, d'apercevoir enfin ces nuances qui lui manquent terriblement. Katsuki sent cette absence le faire suffoquer un peu plus chaque seconde. Et à cet instant précis, c'était pire que tout. Il somnolait atrocement, à mesure que sa gorge se recouvrait d'une substance presque toxique, prête à l'empoisonner. Tout lui hurlait d'aller le retrouver, aussi rapidement que possible, pour ensevelir cette interminable liste de symptômes, témoignant de son mal-être.
Cet amour regorgeait de toute part, alors qu'ils ne parvenaient plus à se lâcher. Izuku semblait avoir quelques difficultés à s'évader d'ici également. Et, de là, un soupçon d'espoir a tenté de renaître de ses cendres. Tel un phénix qui cherchait à revenir à la vie, en défendant farouchement son droit d'exister dans ce monde.
Seulement, c'était une flamme bien trop fragile. Le jeune homme n'a pas pris le temps de l'attiser assez pour qu'elle puisse être viable. Alors, retombant dans le noir le plus complet, il a choisi de tourner le dos, abandonnant Katsuki à son triste sort. Sans chercher quoi que ce soit de plus, ni à véhiculer une information supplémentaire. Uniquement une distance infernale, qui lui a encore infligé une blessure béante à l'abdomen, faisant suinter un peu plus son sang qui commençait déjà cruellement à manquer.
Depuis cet instant, Katsuki s'est amplement et totalement résigné. Comprenant que plus aucune de ses convictions ne pourrait s'assouvir, il a dû accepter de les renier, bien que ça lui cause une douleur incommensurable.
Alors, désormais, ses journées s'écoulent à une lenteur désespérante. Uniquement ponctuées de ses réflexions, tandis qu'il les a passés isolé sur son bateau, à attendre le départ comme la sentence inébranlable prête à s'abattre sur lui. Les méandres de son esprit l'ont mené terriblement loin, à tel point qu'il a fini par saisir et déceler toutes les ficelles de cette relation.
Si Izuku l'a toujours cru responsable de ce massacre, il a certainement dû le soupçonner dès l'instant même où il s'est présenté à lui avec sa « preuve », en se pavanant dans cette auberge. De là, son raisonnement devait donc être de le faire tomber, et de chercher à démontrer que ses suspicions étaient avérées. Peut-être n'en sait-il pas plus que lui au sujet du Jade Shard non plus, d'ailleurs.
Seulement, ses interrogations l'ont mené un peu plus loin que ce fameux trésor, dont Katsuki n'a strictement plus rien à faire, de toute manière. Il s'est longuement questionné, concernant cette intimité grandissante qui a vu le jour entre eux, mais aussi sur la véracité de cette proximité. Deku a-t-il fait semblant à chaque instant ? Non, le forban refuse fermement de le croire.
Il réfute amplement cette hypothèse. Katsuki ne peut pas accepter de penser qu'Izuku n'a pas voulu s'abandonner dans ses étreintes, ou partager des baisers à ne plus savoir quoi en faire. Il se remémore sans peine les nombreuses fois où c'est cet homme, qui a initié leur lâcher-prise. Qu'il s'empressait de se réfugier dans ses bras, avant de quémander après sa bouche en lui murmurant sans s'en rendre compte un léger « Tu m'as tellement manqué », au creux de l'oreille.
Lors de ces instants clés, Katsuki ne pouvait rien faire de plus que frémir davantage, en lui donnant ce qu'il réclamait sans chercher plus loin. Parce que c'est tout ce qu'il désirait aussi.
Tout était terriblement décuplé, le percutant de plein fouet. Sa beauté écrasante le submergeait complètement, alors qu'il trouvait tous les jours un détail supplémentaire à observer et à adorer. Un souvenir de plus à ranger dans son esprit, simplement au même rang que tous les autres, tant ils possèdent tous un degré d'importance similaire à ses yeux.
Amplement dépassé par les événements, Katsuki soupire une nouvelle fois. Tel un enfant, il laisse sa tête rencontrer la surface de la table en s'entourant de ses bras, comme pour s'isoler du monde extérieur. La perspective d'être seul dans une pièce ne suffit plus désormais, il a besoin de bien plus que cela. De mettre une séparation véritable et tangible entre son âme meurtrie, et tout ce qui est autour de lui. Parce qu'il se sent bien trop heurté pour être capable de supporter la réalité. Sous son regard, danse une valse inarrêtable, qui n'en finit plus de prendre de l'ampleur. Elle continue sa course, tournant de plus en plus vite, sans lui laisser une seconde de répit.
Il repense à chaque moment qui a pu voir le jour, et la façon dont cela s'est immiscé. Leur toute première rencontre, et comment il a trouvé Izuku si beau et séduisant. Sa démarche assurée, et sa manière de lui parler, en faisant preuve d'une prestance si attirante. L'éclair dans ses yeux, lorsqu'il perdait patience devant lui, pour son plus grand plaisir.
Katsuki peut raconter tout cela sans la moindre hésitation et avec une précision déconcertante. D'ailleurs, il perçoit encore la fragrance si particulière du parfum de Deku. Il en reconnaît chaque note sur le bout des doigts, c'est indéniable. Cette touche fleurie, qui tranche tellement avec son mordant habituel. Mais aussi ce registre si boisé, parsemé d'un soupçon iodé qui accentue le tout, dont Dynamight a appris la composition à force de la rencontrer sur sa peau. Tandis qu'il embrassait la nuque d'Izuku, ou qu'il léchait sa gorge, à la découverte de perceptions nouvelles.
Il la sent si forte, envahissant son nez à tel point que c'en est insupportable. Pourquoi la réalité cherche-t-elle à l'éprouver à ce point ? Il souhaite simplement vivre sa pénitence, et retrouver sa paix d'antan. Mais rien ne semble possible.
Sa vue se brouille un peu plus, alors que ces arômes l'entourent désagréablement, lui donnant la lourde sensation que Deku est là. Seulement, Katsuki le sait. Ce ne doit être que le fruit de son imagination, une fois de plus. Il ne peut plus compter le nombre d'instants fantomatiques, où le spectre de l'être aimé s'est matérialisé devant ses yeux hagards, uniquement pour le narguer davantage en l'enfonçant dans sa détresse grandissante. Ces chimères le fatiguent terriblement, pesant fortement sur ses épaules usées, qui grondent de rendre les armes si tout ceci ne trouve pas une fin.
Alors il se contente de rester rivé sur son bureau, en essayant de sentir les ramifications du bois sur son front. Le pirate se raccroche à ces morceaux tangibles, simplement pour tenter de ne pas naviguer une nouvelle fois en eaux troubles, menaçant ainsi d'être percuté encore par ces démons qui l'assaillent sans cesser. Mais la sensation est trop puissante cette fois, continuant de l'enrober de sa douceur et l'incitant donc à s'y laisser glisser comme s'il découvrait le confort d'une couverture si chaude.
Cette odeur ne devrait pas être ici. Pas dans cette cabine, où Izuku n'a jamais mis les pieds. Si Katsuki est venu s'exiler entre ces murs, c'est bien parce qu'il s'agit là du seul endroit qui est pourtant neutre de cette présence.
Toutefois, elle perdure, encore et toujours, s'amusant à l'enivrer autant que possible. Alors, dans un geste purement désespéré, il s'accorde le droit de la savourer rien qu'une fois. Une ultime et dernière fois, pour supporter cette sensation atrocement douloureuse de manque. Il emplit ses poumons en appréciant l'accalmie qui en résulte, tout en gardant à l'esprit que cela sera terriblement court. Bientôt, son âme recommencera à se plier en deux, en pleurant qu'elle ressent le besoin abominable de retrouver ces notes. Trop obnubilé par ses émotions, Katsuki en oublie de se demander pourquoi il parvient à reconnaître ce parfum-là, à seulement quelques mètres de lui.
Jusqu'à cette seconde, où le craquement singulier de la porte qui est poussée pour être entièrement ouverte, retentit entre les cloisons.
Bakugo soupire, se préparant à pester contre Eijiro, qui doit être encore venu lui faire une leçon de morale. Ce n'est absolument pas le moment, et il n'a plus aucune envie d'écouter quoi que ce soit émanant de lui. Sa propre mère est déjà suffisamment douée dans ce domaine, sans qu'il accepte délibérément d'entendre un tel florilège de sornettes provenant de son meilleur ami.
Alors, bien décidé à le renvoyer dans l'auberge pour cadrer son équipage de gamins surexcités, qui doivent s'emballer à l'idée de reprendre la mer, il se retourne subitement.
Parés de son expression la plus dure possible, les sourcils froncés et la bouche grande ouverte prêtent à hurler son mécontentement.
Mais voilà, cette colère retombe tout aussi rapidement, tandis que son visage s'adoucit promptement. Un nouveau voile de tristesse et d'incompréhension s'empare de lui, alors que sa respiration s'accélère involontairement. Sa mâchoire est bloquée, ses cordes vocales demeurent absentes et sa trachée s'assèche considérablement.
Parce que ce n'est pas Eijiro qui est devant lui, mais bien Izuku.
Terriblement frêle, dans l'encadrement de la porte. Il lui donne une sensation tout autre que lors de leur première rencontre. Le jeune homme ressemble davantage à un garçon dénué de force, prêt à s'écrouler sur le sol en bois, et dont il faudrait prendre soin autant que nécessaire.
Et si Katsuki n'avait pas aussi peur de le voir faire demi-tour, ou n'éprouvait pas une crainte affreuse d'être en proie à une hallucination, il se serait sûrement rué sur lui. Simplement pour le cajoler et l'enfermer dans ses bras. Pour recouvrer ces sensations qu'il redoute d'avoir perdues, alors que le temps s'écoulait à une vitesse folle.
Il voudrait juste serrer Izuku contre lui, et le supplier de ne plus partir. Lui demander s'il a également ressenti cette fêlure dans sa poitrine, qui est devenue une plaie béante alors qu'ils s'ignoraient fermement. Seulement, les mots restent bloqués là, sans dénicher la moindre porte de sortie.
Deku initie un premier mouvement, qui regorge d'incertitudes. Il s'avance doucement en direction de Katsuki, qui referme enfin sa bouche en pressant ses lèvres entre-t-elle, ne pouvant rien faire d'autre que le regarder.
Même aux prémices de l'angoisse, il le trouve incroyablement beau. La moindre parcelle de sa peau le fait chavirer, l'animant d'un brasier insupportable. Ses taches de rousseur ne sont que des pigmentations qui parviennent à le sublimer davantage, comblant ce tableau de camaïeu de verts de la plus merveilleuse des manières. Et cette cicatrice sur son visage, ne l'enlaidit d'aucune façon que ce soit. Elle est cette signature qui fait sa force et sa puissance, tandis que ses ramifications dansent au gré de l'évolution de ses expressions. Du plus loin qu'il se souvienne, Katsuki a toujours tout chéri de lui. Le moindre détail trouvait grâce à ses yeux, devenant une raison de plus de l'adorer à un point presque inconcevable.
Lui qui n'a jamais connu l'amour avant ce moment, n'imaginait pas que ses sentiments seraient l'équivalent d'une bombe effroyable, qui exploserait devant son regard. Cela devrait être quelque chose à craindre, et à fuir autant que possible. Personne ne devrait vouloir subir ceci, à aucune seconde de sa vie. C'est bien trop dévastateur pour que l'on accepte délibérément de l'encaisser.
Et pourtant, si c'était à recommencer, Katsuki n'hésiterait pas un seul instant pour y replonger à corps perdu. Rien que pour connaître le bonheur intense et indescriptible de tomber amoureux de lui, une nouvelle fois.
Le silence continue d'emplir la cabine, sans qu'aucun mot ne parvienne à rompre ce cycle tumultueux. Le forban regarde Izuku s'approcher de lui, terriblement lentement, sans réussir à amorcer le moindre mouvement de son côté. Il a l'impression qu'un geste pourrait tout briser soudainement, et que Deku rebrousserait chemin sans demander son reste. Mais, égoïstement, il a besoin de le savoir près de lui et qu'il ne s'évade pas. Katsuki redoute sa propre réaction, si le garçon venait à le fuir une fois de plus.
Alors il se contente de demeurer-là, presque suffoquant à force de retenir son souffle, tandis que ses larmes continuent de perler aux abords de ses paupières rougies par le chagrin. Le pirate est si proche de lui maintenant, qu'il lui suffirait de tendre la main pour effleurer sa hanche. Et qu'une poignée de plus permettrait de l'attirer contre lui.
Izuku le surplombe de toute sa hauteur, dévoilant son état tout autant déplorable. Comme s'ils s'étaient mutuellement consumés, à rester si loin l'un de l'autre. La distance semble avoir un effet désastreux sur leurs corps, qui sont aussi meurtris qu'après une bataille acharnée. Et peut-être est-ce ce qui vient de se produire, finalement. Une guerre d'une atrocité sans pareille s'est déroulée, à la manière d'un jeu d'échecs.
Celui qui a débuté, le jour où ils ont commencé à déplacer leurs pions, dans l'optique de faire ployer l'autre sous leur coupe. Mais, à ce jour, qui est réellement gagnant ? Qui est seulement ressorti victorieux de cette partie sans fin, qui a connu des tournures si inattendues ? Aucun d'entre eux ne peut se vanter de cela, ni même réclamer ardemment la palme du vainqueur. Parce qu'ils se sont perdus à leur propre stratégie, et qu'ils n'en ont de toute façon plus rien à faire.
Katsuki le laisse faire à sa guise, appréciant de le savoir si près de lui, pour la première fois depuis si longtemps à son goût. Deku lève la main, enfin, et permet à sa paume de parcourir la joue de celui qui est assis face à lui. Un soupir de soulagement s'évade de chacun, comme s'ils retrouvaient instantanément un morceau qui leur a cruellement manqué. Seulement, Dynamight en a pertinemment conscience. Si Izuku part maintenant après lui avoir accordé cette miette, il n'y survivrait pas. Alors, malgré sa peur, il se risque à s'adresser à lui.
« - Deku ? Qu'est-ce que- »
Le susnommé pose un doigt sur sa bouche, lui intimant de se taire, tandis qu'il le redécouvre patiemment. Ses yeux de jade passent sur la totalité de ses traits, dessinant ce visage et la dureté de ses expressions. Mais aussi ce chagrin, qui s'est ancré sur son épiderme, pour en prendre le contrôle. Izuku s'approche encore, laissant ses mains redescendre dans la nuque de Katsuki, qui sent ses joues se réchauffer à la perception de ce contact. Il a tellement envie de le toucher à son tour, de pouvoir se remémorer ses courbes et retrouver ces monticules de détails qui lui manquent terriblement. Il rêve simplement de le prendre contre lui.
Et, lorsque cette voix s'adresse à lui pour la première fois depuis son entrée ici, il discerne son palpitant tirer une embardée ou deux.
« - S'il te plaît, Katchan... Ne dis rien... »
La douceur de cette intonation l'entoure à la manière d'un nuage réconfortant. Comme s'il recouvrait cette place qui est la sienne. Celle qu'on lui rend enfin, après lui avoir cruellement volé. Seulement, il n'a pas la possibilité de s'habituer à cette sensation qui revient à lui, parce qu'il est ensuite submergé. Izuku se penche en avant, soudainement hâtif, et vient lui dérober un baiser.
Si simple en apparence, juste le temps d'une petite seconde. Mais il est totalement suffisant pour provoquer un raz-de-marée subit, qui s'abat sur eux. Katsuki l'attrape alors par la taille, l'incitant à s'asseoir à califourchon sur ses cuisses, tandis qu'il le serre furieusement contre sa poitrine. Deku répond à l'appel sans se faire prier, respirant si fort contre sa bouche pendant que ses poumons menacent d'éclater. Il passe ses bras autour du cou du pirate, en le laissant amorcer une nouvelle série de baisers qui se succèdent sans en finir. Ils sont tous terriblement imparfaits, bien trop pressés et regorgeant du goût de leurs larmes.
Mais, curieusement, c'est certainement ce qui les rend parfaits à leurs yeux. Un paradoxe surprenant, qui signe un instant si fort et d'une puissance qui menace de les exterminer, pour ne laisser d'eux que le souvenir de cet amour qu'ils se portent. Et tout explose dans cette cabine qui était pourtant neutre de cette présence. Les fragrances se mélangent, les lèvres se découvrent encore, à mesure que Katsuki palpe la chute de rein d'Izuku. Comme s'il s'assurait par le toucher qu'il s'agit bien de lui, et pas d'une contrefaçon qui se jouerait de lui.
Mais non, c'est sa sirène qui est là, à l'enivrer une fois de plus. C'est l'homme dont il est éperdument amoureux. C'est bien lui qui plaque son buste contre le sien, attestant de son propre manque.
C'est Izuku, qui l'embrasse à en avoir le souffle coupé.
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