Chapitre 16
« - Mais qu'est-ce que tu fabriques encore ?? »
Cet éclat de voix vient fendre férocement l'air, se frayant un chemin à travers la brise environnante. Celle-ci se fait douce, entrant en paradoxe avec ce léger cri, qui ressemble surtout à un avertissement. Les feuillages des arbres évoluent au gré du vent, et se contentent de suivre les affres de la météo, qui reste malgré tout encore quelque peu capricieuse. Seulement, les habitants les plus chevronnés de l'île sont catégoriques : la saison des pluies va très rapidement toucher à sa fin. Tous les signes sont là pour présenter ce registre, et offrir un certain réconfort à tous ceux qui se sont retrouvés coincés durant ce temps.
Bien qu'ils soient, pour la plupart, familiarisés avec tout ce remue-ménage, une sorte d'euphorie étrange commence à s'immiscer dans les rues. Les résidents recouvrent petit à petit le sourire, en constatant que les activités de leur foyer vont pouvoir reprendre. Et puis, les quelques marins qui ont été bloqués sur la terre ferme respirent de soulagement à la simple évocation des voyages en mer imminents.
Au même titre que ces brins d'air qui virevoltent un peu partout, ces étincelles parcourent les lieux pour diffuser cette euphorie indéniable, qui s'empresse d'embarquer l'île entière dans son sillage afin de les encourager.
Seulement, l'un d'entre eux semble y être considérablement hermétique.
« - Franchement, Katsuki... Tu fais attention à rien là. »
Enchaînant face au manque de réponse de son capitaine, Eijiro soupire en se pinçant l'arête du nez de façon virulente. Comme un père qui devrait reprendre son bambin en passant derrière lui à chaque acte réalisé, il n'a de cesse de rappeler son meilleur ami à l'ordre depuis le début de la matinée.
Celui-ci, ne relevant absolument rien de ce qui lui est reproché, est muré dans un mutisme étonnant, tandis qu'il essaye maladroitement d'officier pour préparer au mieux leur future traversée qui demeure encore sans destination fixée. Mais Kirishima commence à en avoir par-dessus la tête, si l'on en juge par son regard qui transpire d'exaspération, et les muscles de sa mâchoire qui tressautent toutes les trente secondes.
Après tout, Katsuki est tellement déphasé qu'il ne remarque rien de tout cela ni qu'il recompte pour la dixième fois la même caisse de provisions posée juste devant lui. Les paroles d'Eijiro ne semblent pas l'atteindre non plus, ses pupilles se contentant de fixer fermement les conserves qui sont entassées là.
Le bras droit soupire une fois de plus, excédé de devoir tout gérer à sa place, et surtout de cette façon. Il sait pertinemment ce qui est en train de se produire, et ce qui peut bien lui passer par la tête. Leur conversation d'il y a seulement trois jours plane encore, tournant sûrement en boucle dans les pensées de son camarade maritime, qui n'a plus prononcé un mot ou presque depuis ce jour.
Sauf pour répandre des ordres à la volée, qui n'ont pas toujours grand sens, ni même un intérêt probant. Si bien que le second se voit obligé d'intervenir à tous les niveaux et de vérifier inlassablement le moindre de ses actes, pour être absolument certain qu'il ne vient pas de faire une quelconque bêtise à devoir rattraper plus tard. Et le summum paraît s'atteindre juste sous son regard, alors que Katsuki fronce les sourcils en réunissant toute sa concentration, en balançant une indication dans le vide.
« - Denki, avec Toga, allez au bateau avec les caisses de provisions.
- Bordel, mais...Katsuki ! Tu t'écoutes un peu ?? Lâche Eijiro.
- Mais quoi encore ? »
Le capitaine redresse la tête dans sa direction, et l'avise avec une expression témoignant de son incompréhension. Il ignore visiblement ce qui est à l'origine de l'agacement de Kirishima, ni pourquoi il s'assure de recueillir son attention avec insistance.
« - T'as déjà envoyé Denki au navire il y a une bonne heure maintenant, il n'est pas là. Et Toga est avec Momo, parti te chercher des suppléments de cordes. Ils ne sont pas ici, tu causes dans le vide. Tu me comptes la même caisse de provisions depuis tout à l'heure, et chaque fois que je te pose une question, soit tu me réponds pas, soit tu grognes à moitié comme une créature dans sa grotte. »
Katsuki observe autour de lui, comme pour confirmer les dires de son bras droit, et finit par se laisser tomber à même le sol en prenant sa tête entre ses mains. Son visage relate une expression à mi-chemin entre le désarroi et la contrariété, le tout saupoudré d'une nervosité évidente. Il ne s'aperçoit visiblement pas de ce qui est en train de se produire ni de la portée des événements sur sa personne.
Ce qui reste sincèrement problématique, si l'on s'arrête à l'impact désastreux que cela pourrait causer. Eijiro se félicite d'être un second pointilleux et attentif, présent pour s'assurer que la situation ne tourne pas au vinaigre. Il ne manquerait plus qu'ils se retrouvent à débarquer on ne sait où pour se ravitailler urgemment. Ou même pire, qu'ils soient complètement démunis en pleine mer.
Tout en regagnant son calme après cette légère réprimande envers son supérieur hiérarchique, Kirishima s'approche de lui. Il referme la caisse de provisions dont il connaît avec certitude le contenu et la quantité désormais, avant de se poser à hauteur de son ami. Autour d'eux, une modeste agitation retentit, tandis que l'île reprend le cours de son existence au même titre que la terre absorbe le surplus d'eau qu'elle vient d'emmagasiner. Cependant, personne ne leur porte aucune forme d'attention, tant ils sont focalisés sur leurs propres objectifs et aspirations.
« - Qu'est-ce qui t'arrive, Kat's ? C'est pas du tout habituel tout ça. J'ai jamais eu besoin de faire tout ça. Au mieux, je vérifie pour la forme parce que ça fait partie de mes attributions. Mais pour autant, j'ai jamais eu à tout reprendre derrière toi.
- T'essayes de me dire que t'es plus fort que moi ?
- Ne commence pas à jouer les mauvaises têtes. J'suis en train de te dire que je m'inquiète. C'est totalement différent. »
Le capitaine s'obstine à l'ignorer farouchement du regard, tout en fronçant fermement les sourcils. De visu, Eijiro serait tenté de croire qu'il est profondément vexé que l'on remette en considération ses capacités à diriger une équipe. Et surtout, que cela vienne de son propre bras droit et ami d'enfance. Eux qui ont tant traversé l'un à côté de l'autre... Il doit sans nul doute vivre cette remarque comme une trahison certaine. Ce n'est pourtant aucunement son intention. Kirishima a une confiance ferme et définitive en Katsuki, qui a toujours su quels étaient les meilleurs choix concernant les étapes à franchir. Bien qu'ils ne soient pas constamment en accord sur les registres à affronter, ni même au sujet des décisions prises, il n'en reste pas moins qu'il possède un profond respect envers son chef et son parcours.
« - T'as envie qu'on en parle ? insiste Eijiro une nouvelle fois.
- Depuis quand t'es aussi bavard, toi ? »
Cette remarque arrache un petit sourire au concerné, qui attend quelques secondes pour répondre. Il est vrai que la conversation n'a jamais été leur fort, et qu'ils préfèrent sans hésiter les actes aux mots. Surtout parce qu'ils ont chacun été habitués de cette manière, depuis leurs enfances respectives. Les gestes sont synonymes de survie, tandis que les paroles ne leur apportent strictement rien. Pas de quoi se nourrir ni espérer subsister de quelque façon que ce soit.
De là où ils viennent, nombreuses sont les progénitures de marins. De toutes les origines finalement. Que ce soit dans le monde de la piraterie, des entreprises privées, et parfois des flottes de la royauté. Tous ceux qui élisent domicile sur ces terres sont des personnes qui s'installent où elles peuvent, et cherchent à se sauvegarder, eux et leurs familles. Rares sont ceux qui possèdent assez de richesse pour s'évader ailleurs. Et, quand bien même cette situation se présentait, beaucoup n'en ressentaient aucunement l'envie. C'était le cas de Katsuki, qui y est resté avec sa mère autant qu'elle le désirait. Encore à ce jour, Eijiro sait qu'il s'assure régulièrement de lui envoyer assez d'or pour qu'elle puisse vivre confortablement. Sans doute sa manière à lui de la protéger, et de se faire pardonner de l'avoir laissée seule sur le continent, même si elle s'est toujours garanti de lui dire qu'elle est heureuse qu'il soit à la poursuite de ses rêves.
Mitsuki est une mère aimante et réellement encourageante, qui n'a jamais vu d'un mauvais œil que les deux hommes de sa vie se complaisent dans une existence nomade et complètement dédiée à la recherche des trésors les plus convoités du globe.
C'est l'un des éléments qui ont poussé Katsuki à partir à la suite de ses envies, sans se préoccuper des potentielles conséquences. Lui qui n'a jamais connu que le désir ardent d'écumer les mers, n'a pas été habitué à quoi que ce soit d'autre. C'est sans doute pour cela qu'il se retrouve tiraillé par des sensations étranges, qui ne trouvent aucune résonance dans son esprit.
« - Je l'ai toujours été plus que toi déjà.
- C'est vrai. »
Katsuki consent à donner raison à son camarade sur ce point, qui est difficilement contestable. Garder le silence s'est constamment avéré d'une simplicité enfantine. Ne pas s'étaler sur ce qu'il peut ressentir ou ce qui traverse ses pensées, pour ne pas s'encombrer de faiblesses inutiles qui pourraient certainement le desservir un moment ou un autre.
C'est forcément plus facile de ne rien énoncer, et de nier ce qui peut tourner inlassablement dans son esprit, de la plus atroce des manières.
« - Alors ? Tu vas te décider à parler maintenant ?
- Est-ce qu'il y a vraiment quelque chose à dire ? »
Dynamight a la douloureuse sensation de se répéter continuellement et de ne rien constater de plus que toute cette angoisse qui le submerge. Lui qui s'est toujours vanté de ne dépendre de personne, commence à voir ses certitudes éclater les unes après les autres, de la plus pathétique des façons.
Le sommeil le fuit désespérément, tandis qu'il tourne chaque nuit dans des draps terriblement froids à son goût, dénués d'une quelconque présence. La fatigue s'amuse à tirailler ses muscles sans discontinuer, le rendant irritable de surcroît, du moins davantage que d'ordinaire. Ses pensées sont centrées vers une seule et même présence, qui paraît visiblement décidée à l'ignorer autant que possible.
Izuku s'évertue à ne surtout pas lui adresser la parole, le peu de fois où ils sont amenés à se croiser. Ces opportunités restent relativement maigres d'ailleurs, puisque Deku semble avoir trouvé un endroit pour se cacher de lui et limiter leurs interactions.
Après une période à exister, accrochés l'un à l'autre, à passer un temps infini à progresser à deux, Katsuki supporte difficilement cette solitude imposée qui apparaît davantage comme un fléau qu'une délivrance.
« - Ça concerne encore Izuku ?
- C'est assez redondant. T'en as pas marre de m'écouter geindre comme une écolière ?
- Dit pas de conneries. »
Eijiro est surtout inquiet, plutôt qu'enclin à se moquer de son ami de toujours. Il perçoit à travers son regard la force de ses préoccupations, et de ces sentiments nouveaux ainsi qu'étrangers qui l'anime soudainement.
C'est incontestable que le jeune homme ignore dans quelle direction partir, ni même comment faire face à ce registre inédit, qu'il n'imaginait pas trouver une seule seconde lorsqu'ils ont jeté l'ancre dans le secteur. La situation semble lui avoir légèrement glissé entre les doigts, pour le mettre devant une évidence singulière et imprévue.
« - Ça concerne toujours Izuku.
- Et tu sais toujours pas où tu en es.
- Si, enfin. J'suis pas totalement crétin non plus, je pense que je peux pas nier les choses pendant mille ans.
- Ah ?
- T'attends que je le dise à voix haute ? »
Kirishima hoche la tête de haut en bas, pour signifier une réponse positive à son interrogation. Loin de lui le désir de se moquer de Katsuki, ou l'envie de le placer dans une situation inconfortable. Il n'est aucunement question de cela.
Cela dit, le forban est persuadé que prononcer ces mots de vive voix pourrait être d'une utilité indéniable. Et que cela s'avérerait peut-être suffisant pour le convaincre d'agir enfin, au lieu de se laisser ensevelir par ce qu'il ne comprend pas.
« - Pourquoi tu fais ça ? grogne Katsuki.
- Pour t'aider.
- J'vois pas en quoi ça va m'aider de faire ça, ou de dire ce genre de conneries.
- Tu vas finir par t'apercevoir que ce sont pas des conneries, comme tu dis. T'es tellement persuadé de pas mériter quoi que ce soit, ou que ce type d'émotions ne te ressemble pas.
- J'ai tort ?
- Mais bien sûr que oui, sombre crétin ! »
Dynamight hausse un sourcil devant l'agressivité soudaine de son second, qui prend quelques libertés dans leur conversation. Il croise ses bras sur son buste, sans répondre quoi que ce soit.
Sa propre agonie l'empêche d'être réceptif à cette hargne émanant d'Eijiro. Elle le fait suffoquer, l'entraîne au tréfonds d'une cavité maritime terriblement profonde, sans lui laisser une quelconque opportunité de remonter. Il est condamné à errer entre ces coraux et ces algues gluantes qui s'amusent à le ligoter, devenant ainsi sa potence.
Une prison de fortune, asphyxiante au possible et suffisamment solide pour ne lui offrir aucune échappatoire.
Et pour quoi ? Pour quel crime est-il confiné en ces lieux ? Simplement parce qu'il a commencé à éprouver des sentiments pour quelqu'un ?
C'est d'une ironie si brutale et atroce, que Katsuki a presque envie de pleurer. Lui qui a encouragé farouchement son second et meilleur ami à courir après ces ressentis, et cet amour si précieux. De son côté, il le perçoit tel un fléau épouvantable, qui va forcément avoir sa peau à un moment ou un autre.
Cette constatation lui arrache un léger rire, qui ressemble davantage à une crise de nerfs qu'à un réel désir de se moquer de tout ceci. Tout est d'une stupidité sans nom. Il se sent si épuisé et à fleur de peau. C'est une sorcellerie étrange qui se profile dans son existence, dont il ne comprend aucunement la portée ni la force. Dynamight va visiblement être écrasé par la ténacité de cet amour qui l'anime, cela ne fait aucun doute à ses yeux.
« - C'est difficile d'être...
- Amoureux ? Ouais, j'te le fais pas dire. C'est un calvaire. Ça t'incite à te poser des centaines de questions, sur des choses qui n'auraient même pas attiré ton attention en temps normal. Mais c'est aussi magnifique quelque part, tu trouves pas ? Paradoxalement, on aime subir ce calvaire-là. »
Katsuki croise le regard incandescent d'Eijiro, qui pétille d'une forme de malice. Celle qui l'oblige à sourire à son tour, et repenser à des détails que lui seul peut connaître. La teinte puissante des iris d'Izuku par exemple, ou encore la tonalité de son rire lorsqu'il passait la pulpe de ses doigts sur ses hanches. La douceur de son expression, quand ils s'observaient longuement après que l'excitation de leurs ébats soit retombée. Dans ces moments-là, Bakugo s'apaisait de la respiration sereine de Deku, tout en se plaisant à en découvrir autant que possible. Parce que la moindre broutille recèle une importance capitale à ses yeux.
Le goût de sa peau, si chaude sous ses lèvres à mesure qu'elle s'embrasait à chacun de ses passages. La moiteur de ce corps, quand il l'emmenait inlassablement vers la jouissance. La beauté de sa voix, lorsque le pirate s'emballait au point de venir lui chuchoter des mots doux au creux de l'oreille. Katsuki s'est épris de ça, et d'absolument tout ce qui peut le constituer. Il s'est paré d'un désir profond de pouvoir prendre soin de lui en toutes circonstances. De le chérir comme un joyau précieux, qui mérite réellement d'être cajolé.
Si t'en es qu'Izuku lui accorde ce droit, chose qui paraît relativement compromise.
« - Ouais... C'est vraiment beau... »
Le forban se sent terriblement partagé à cet instant. Entre cette honte qui essaye de lui dévorer les entrailles, face aux pulsions qui résonnent entre ses côtes, témoignant de cette attirance trop puissante pour être gérable. Mais également par le souhait de hurler à Deku sans détour qu'il ne désire que lui. Si fort qu'il est rongé par cela, et ne parvient plus à penser à quoi que ce soit d'autre.
Et si tout s'avérait d'une simplicité enfantine ainsi que d'une binarité évidente, Katsuki pourrait certainement s'empresser d'aller le voir pour lui avouer que son âme brûle d'amour pour lui. Seulement, rien n'est jamais aussi facile. Et leur situation ne fait pas exception à la règle, en se dévoilant sous un jour particulièrement rude et épineux.
Le silence d'Izuku rajoute une difficulté supplémentaire à tout ce beau bazar, sans laisser une porte de sortie. À tel point que Katsuki n'est pas certain de devoir franchement s'imposer, ou d'avoir une quelconque légitimité à quémander des explications au sujet de son comportement si changeant.
« - Alors t'attends quoi au juste ?
- Tu te payes ma tête là, j'espère ? Tu t'imagines que je vais me traîner vers lui pour réclamer quelque chose ?
- Et pourquoi pas ? Y a strictement rien qui t'empêche d'aller le voir, et de parler de tout ça. Et franchement, je pense que ça te ferait pas de mal.
- T'insinues quoi ?
- Que c'est en train de te ronger ! »
Katsuki vient faire claquer sa langue à son palet, en détournant violemment les yeux. En laissant ses pupilles scruter l'horizon, il remarque au bout du chemin le bras droit d'Izuku, qui remonte vers leur auberge. Instinctivement, l'apercevoir l'incite à se demander où peut être son capitaine, et ce qu'il fait à cet instant précis.
« - T'es absolument pas toi-même, Katsuki. Et ça n'a rien de honteux ou je ne sais quelle bêtise. Si t'as besoin d'en parler, c'est tout à ton honneur. Surtout si son attitude a changé brusquement.
- Il me doit rien.
- Mmh, je pense surtout que t'as peur de sa réponse. J'me trompe ? »
Dynamight continue de l'éviter soigneusement tout en gardant le silence. Sa mâchoire se crispe de façon visible, tandis qu'un certain tremblement vient animer son poignet droit. Il déteste farouchement cette optique. Mais il hait encore plus le fait que Kirishima puisse avoir raison avec ses affirmations.
Bien évidemment qu'il craint ce que pourrait dire Izuku de toute cette situation, ainsi que de toute cette horde d'émotions qu'il ne parvient pas à dompter de son propre chef. Malgré ce qu'il a pu lui dévoiler, Deku semble rester une personne diablement solitaire et paraît peu désireux de se révéler à qui que ce soit. Sinon, qu'est-ce qui pourrait bien justifier cette distance soudaine et sortie de nulle part ? A-t-il lui aussi été en proie à des ressentis nouveaux et terriblement effrayants, qui l'ont poussé à s'éloigner sans chercher outre mesure ?
À force de remanier sans relâche les événements, et de les passer en boucle dans son esprit pour en revoir chaque seconde, Katsuki se dit qu'il aurait préféré rencontrer Izuku ailleurs. Dans d'autres circonstances, et avec un cadre tellement différent. Sans la pression d'un accord dont il n'a strictement plus rien à faire, ou encore la gestion d'un départ urgent qui se profile à l'horizon. Il aurait voulu le découvrir patiemment, à l'orée d'une aube nouvelle leur appartenant entièrement. Pouvoir provoquer davantage de frissons sur cette peau, à chaque fois qu'il lui aurait pris l'envie de l'embrasser. Et jouir de la possibilité de l'aimer sans aucune limite ni craindre le courroux d'une situation qui n'aurait alors pas existé.
Totalement dépassé par tout ce qui est en train de le faire vibrer, Katsuki inspire difficilement en essayant tant bien que mal de faire abstraction de cette boule dans sa gorge. Celle qui vient lui obstruer les voies respiratoires, tandis que son regard s'humidifie progressivement alors que son esprit imagine un monde où il est forcé de repartir de ces terres, encore violemment bercé par l'ignorance de Deku.
Si le contexte reste ainsi, Dynamight devra affronter la cruelle perspective de quitter ces lieux sans aucune réponse, et l'optique d'un amour qui ne fera rien d'autre que terriblement l'éprouver. Bien plus qu'a pu le faire cette fichue cicatrice, qui a pourtant failli lui ôter la vie.
« - C'est pas grave d'avoir peur tu sais, poursuit Eijiro. Ça fait pas de toi quelqu'un de faible. Tout au plus un être humain, qui ressent des choses.
- J'arrive pas à comprendre pourquoi il s'est éloigné. Je retourne toute la situation dans ma tête, jour et nuit. Je déteste ça. Tout ce pouvoir qu'il peut avoir sur moi, juste en reculant en un claquement de doigts. Pourquoi j'ai l'impression qu'il m'a abandonné, hein ? On s'est jamais rien promis. C'était même pas une question de sentiments, au début.
- Ouais, au début. »
Parce qu'au départ, aucune émotion ne devait intervenir. Ce n'était qu'un jeu, stupide en sommes, qui leur coûte davantage que tout ce que cela devait pourtant apporter. Sa raison lui échappe complètement, glissant de ses mains comme les grains de ce sable qui ne cesse de s'écouler dès qu'il essaye d'en saisir une poignée. Son cœur cogne bien trop dur dans sa cage thoracique, lui mettant en évidence l'indéniable.
Si quelqu'un à ce jour lui promettait le jade shard et toutes les richesses de ce monde... Katsuki les échangerait sans remords. Tout, jusqu'à la moindre pièce, pierre précieuse ou statuette en or. Uniquement pour pouvoir passer un peu plus de temps avec Izuku, pour l'embrasser autant qu'il lui permettrait, et le chérir sans aucune mesure. C'est tout ce qu'il désire, et si ardemment qu'il sent son âme s'embraser dangereusement à chaque seconde.
« - Mais maintenant c'est différent. Les sentiments sont là, et j'ai pas l'impression que sa réaction soit anodine non plus.
- Tu...tu crois qu'il y a quelque chose ? Que lui aussi ? Se met à espérer Katsuki.
- Je peux pas parler à sa place, Kat's. Seulement, j'pense franchement que tu as le droit d'être honnête et d'exiger quelques réponses. Et que dire les choses va te permettre de te fixer. Alors, va le retrouver.
- Mais-
- Dégage. »
Eijiro l'interrompt avec le sourire, son ton est dénué de toute animosité. Son unique inspiration étant de pousser son meilleur ami dans ses choix.
Son capitaine le regarde quelques secondes, faussement choqué de le voir employer un tel timbre à son égard. Il finit cependant par baisser les yeux, et rire doucement. Katsuki sait à quel point Kirishima peut avoir raison en cet instant. Son seul moyen de comprendre et d'avoir le fin mot de toute cette histoire est de confronter Izuku.
Et sans plus attendre.
Débordant d'un courage et d'une motivation inédite, qui parviennent à le sortir de sa léthargie, le forban se redresse sur ses deux pieds. Il protège ses pupilles de l'agression des rayons du soleil, en inspirant une grosse bolée d'air frais. Il a au moins besoin de ça pour affronter ce qui se profile à l'horizon.
C'est d'une nécessité absolue. Après ce court instant, Katsuki s'apprête à ouvrir une nouvelle fois la bouche afin de remercier son bras droit, mais celui-ci l'arrête subitement en levant une main.
« - Je sais. Maintenant, file, et magne-toi. »
Dynamight approuve et emprunte le sentier qui le conduit à l'auberge, en croisant fermement les doigts pour qu'Izuku soit là-bas. Après tout, il n'a strictement aucune idée de l'endroit où le pirate a pu passer ces derniers jours, afin de s'effacer à ce point-là.
Ses pas le mènent rapidement à la bâtisse, tandis que son esprit tourne en boucle, dans l'optique de rassembler ses pensées. Il essaye laborieusement de savoir quoi dire, quand il se retrouvera devant Deku. Par quel morceau commencer, ou même comment formuler ce qu'il a lui-même beaucoup de difficultés à qualifier ?
Sa respiration se fait petit à petit bien trop chaotique, alors que ses tempes sont martelées par le battement incessant de son muscle cardiaque. L'angoisse lui vrille l'estomac, à mesure qu'il progresse dans cet endroit qu'il côtoie depuis des semaines maintenant. Sa quête du trésor est terriblement loin dans ses pensées désormais. Il n'a que faire de cette caillasse qui ne présente plus aucune valeur à ce jour.
Izuku est son Jade Shard.
Le seul et l'unique, qui mérite qu'il se batte si violemment et y consacre son énergie. Peu importe le reste, ou ce qui peut bien exister en ce monde. C'est bien trop dérisoire pour être pris au sérieux, ou envisagé une seconde. Ses pupilles scrutent les environs, tandis que la panique le gagne à l'idée de ne pas dénicher Deku. Celui-ci paraît absent, comme toujours, et demeure introuvable. Katsuki passe une main tremblante dans ses cheveux, avant de palper sa poitrine avec sa paume pour s'assurer que son palpitant est encore à sa place.
Il a bien trop besoin de le voir... Alors, pour la première fois de sa vie, il se met à implorer une quelconque divinité de bien vouloir lui venir en aide. Usant de toutes ses forces, Dynamight continue à explorer les couloirs avec acharnement en marmonnant à voix basse des paroles sans réel sens. Jusqu'à cet instant, qui le heurte de plein fouet, l'obligeant à cesser tout geste. Izuku est là, auprès d'une des cheminées de la salle principale, les yeux cernés témoignant de toute sa fatigue. Quelques secondes lui sont nécessaires pour qu'il le remarque à son tour.
Et, sans doute parce que Katsuki craint fermement qu'il ne s'empresse de le fuir une nouvelle fois, se hâte de parcourir la distance qui les sépare. Le jeune homme parvient à l'attraper par le coude, avant que Deku ne réussisse à s'enfuir animé par une panique évidente.
Totalement essoufflé par cette folle course, ainsi que son corps qui l'éprouve terriblement, Katsuki met un moment avant de pouvoir prononcer ces quelques mots. Ceux qui attestent de ce besoin urgent et irrépressible. Ceux qui vont définitivement donner un tournant à cette étincelle qu'il n'a aucune envie de voir disparaître...
« - Faut que je te parle... »
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