Chapitre 15
La chambre lui paraît étrangement vide.
Le lit est impeccablement fait, et rien ne dépasse. Ses propres affaires sont d'ailleurs rangées, et rien n'est étalé nulle part. Appuyé contre le bureau, il fixe avec insistance ce matelas, qui reste inoccupé depuis désormais plusieurs jours.
Après avoir tellement vécu entre ces draps, il a la légère impression que tout est en train de se disloquer curieusement, sans qu'il ne comprenne comment ni pourquoi.
Katsuki soupire sans douceur, les bras croisés sur sa poitrine.
Il n'a pas revu Izuku depuis sa fuite nocturne, il y a déjà quelques nuits de cela. Aucune trace de sa personne dans l'auberge ou à l'extérieur. Ils ne se sont pas croisés dans les couloirs, alors qu'ils avaient bien du mal à s'ignorer avant cela.
Et s'ils ont pu se retrouver à de nombreuses reprises dans une chambre ou dans l'autre, pour s'offrir un moment des plus intenses les enivrants sans aucune hésitation, il n'en est désormais plus rien. Katsuki n'a pas osé toquer à la porte de Deku, ne sachant pas s'il allait être le bienvenu, ou si le pirate allait violemment le rejeter, pour une raison qui paraît lui échapper.
Véritablement frustré et énervé, il serre vivement sa mâchoire et ignore tant bien que mal l'éclat virulent qui pulse dans son crâne. Observer cet espace vide et dans lequel il se trouve bien solitaire semble renforcer davantage sa colère sans que rien ne puisse apaiser ce ressenti, qui est terriblement lourd.
Pour autant, Katsuki n'est pas complètement idiot ni même franchement aveugle. Il a bien conscience de ce qui est à l'origine de ce déferlement d'émotion, qui résonne entre ses côtes, jusqu'à l'empêcher de penser à quoi que ce soit d'autre. Comme s'il était farouchement obnubilé par cette absence qui n'en finit plus, et dont il ne saisit pas l'origine.
Malgré tout, il essaye tant bien que mal de ne pas offrir trop d'espace à cette idée qui commence à germer dans son esprit. Celle qui paraît lui sous-entendre que ce manque est peut-être significatif de quelque chose...
Le regard férocement verdoyant d'Izuku, dont il connaît désormais chaque nuance et se sait capable de les retranscrire sans la moindre hésitation quant à la couleur ou la place de chacune. Les ramifications de ses diverses cicatrices, dont celle de son visage qui semble s'animer chaque fois qu'il parvient à lui arracher un soupir plus prononcé que les autres. La route que suivent ses taches de rousseur, qu'il a déjà retracées à plusieurs reprises du bout des lèvres, dans une caresse des plus aériennes. Il y a aussi sa manière de parler, qui évolue à chaque instant, pour s'adapter à la situation. Deku est d'une éloquence sans pareille, trouvant un vocabulaire plus cru lorsqu'il perd le contrôle et commence à se laisser aller. Il n'y a rien de plus plaisant que de le voir ainsi, aux portes d'un lâcher prise évident, à évader des brins de voix considérablement plus rauques et ensorcelants. Mais aussi cet apaisement qui est parfois visible, quand il profite sans retenue de l'instant présent et ne cherche rien de plus.
Izuku est véritablement magnifique, quand il le regarde avec ses iris pétillants de vie, avant de lui déposer un léger baiser à la commissure des lèvres, porteur d'un soupçon de quelque chose. Bribe qui reste désespérément impossible à identifier à ses yeux.
Tous ces détails, ainsi qu'une foule d'autres encore, ne cessent de tourner dans son esprit sans aucune pause.
Ses pensées ne sont constituées que de cette existence, celle qui s'est immiscée quotidiennement ponctuant ainsi ses habitudes. Elles ne paraissent subsister que pour lui. Pour cet homme qui s'est abandonné au creux de ses bras sans relâche, le séduisant avec son parfum voluptueux et sa voix mélodieuse.
Katsuki ne peut pas nier que les rumeurs à son sujet sont véritablement fondées, et qu'il est à la hauteur de celles-ci. Izuku est une sirène des lagons, dont les atouts ne sont plus à prouver.
Et le forban a été charmé par cette présence.
« - Et merde... »
Il marmonne doucement, grognant dans sa barbe de trois jours, en se redressant brutalement de son bureau. Ses nerfs sont à vif, menaçant de rompre d'une seconde à l'autre, tandis qu'il cherche à comprendre ce qui est en train de se produire.
Les raisons d'un tel éloignement entre autres, ou encore ce qui l'a mené à se laisser envahir par son tempérament ainsi que sa présence. Lui qui s'est toujours vanté d'être indépendant et de n'avoir besoin de strictement personne pour exister. Le voilà qui se morfond, uniquement parce qu'il ne l'aperçoit nulle part.
De plus, si cette constatation l'agace au plus haut point, c'est aussi à cause de cette mise en garde. Celle qui a émané de son bras droit quelques semaines plus tôt, au moment où cet arrangement a vu le jour. Quand il estimait encore naïvement avoir le contrôle sur tout ce schmilblick, qui a fini par lui glisser des mains, comme un verre plein de jus avant de s'éclater complètement sur le sol.
Lui est simplement là, à observer l'étendue des dégâts, tandis qu'il marche dans une multitude de morceaux irréparables qui laissent échapper un crissement sous ses chaussures. C'est tout ce qu'il reste. Ça et le « je te l'avais bien dit » qui va s'évader d'entre les lèvres de son crétin de meilleur ami.
La seule idée de devoir aller le retrouver et d'entendre ces quelques mots lui crispe un peu plus la mâchoire ainsi que la totalité des muscles, tandis qu'il chercherait pratiquement une excuse pour ne pas être obligé de le rejoindre. Cependant, son rôle de capitaine reste ce qu'il y a de plus primordial, et malgré son profond désir de tout brûler autour de lui avant d'aller s'isoler, il sort enfin de cette pièce. De toute manière, la simple vue de ces murs et de ce lit semble causer davantage de tourment qu'autre chose.
Une expression colérique greffée au visage, Katsuki s'éloigne du bâtiment prêt à rejoindre le port. Curieusement, un rayon de soleil particulièrement vigoureux l'agresse dès qu'il passe la porte, marquant l'amélioration des conditions météorologiques. Les éclaircies sont de plus en plus nombreuses, et durent chaque fois un peu plus longtemps, laissant penser que la saison des pluies ne sera bientôt plus qu'un malheureux souvenir, jusqu'à l'année prochaine.
Il progresse sur les sentiers d'un pas sûr, en évitant les flaques aux alentours. L'affluence d'eau est si importante, que certaines projettent certainement de devenir des mares. Les graviers regorgent d'humidité, tandis que les côtés des chemins demeurent relativement boueux. Ses bottes survivent tant bien que mal, alors que Katsuki se fiche royalement de tous ces détails superflus.
À vrai dire, le pirate se sent tellement tendu, que tout le reste ne présente réellement aucune forme d'intérêt. La chaleur environnante ne l'atteint pas, bien qu'elle soit sincèrement réconfortante et la bienvenue après cette froideur indéniable. L'engouement de la population qui se fait une joie de retrouver la belle saison, et les éclats de bonheur ici et là, n'ont pas raison de sa mauvaise humeur.
Il reste désespérément cantonné à cette ridicule boule de rage qui s'est installée dans son thorax, y creusant apparemment un nid réellement douillet. Comme si cet endroit n'était rien d'autre qu'une grotte confortable et accueillante pour ce petit monstre intenable, qui paraît vouloir faire sa loi comme bon lui semble.
Cette créature s'est tellement bien enracinée qu'elle n'en bouge plus depuis légèrement trop de temps au goût de Katsuki, qui peine à composer avec. Le jeune homme a l'impression de se traîner un boulet supplémentaire, et d'avoir à supporter un poids considérable, qui affecte réellement son souffle un peu trop régulièrement.
Les mains dans ses poches, pendant qu'il continue d'avancer jusqu'à apercevoir son navire, il grommelle quelques phrases sans sens notable. Ses pupilles fixent les pavés du port, qui construisent le quai, contre lequel sont agglutinés une dizaine de bateaux attendant le feu vert pour pouvoir reprendre la mer. D'ici là, ils patientent autant que nécessaire.
Sans s'attarder davantage, Dynamight approche de l'un d'eux et grimpe la rampe d'accès sans aucune hésitation. Le vaisseau a clairement fière allure depuis sa remise en état, et brille pratiquement. Ken a fait un travail d'une qualité indéniable, et ce vieux rafiot à recouvré sa splendeur d'antan. Une joie pour son propriétaire, qui désire qu'il puisse perdurer autant que possible.
Alors qu'il pose tout juste un pied sur le pont, en le traversant encore une fois d'un pas sûr et volontaire, Katsuki parvient à la hauteur de son second. Celui-ci est accroupi sur le sol, penché sur de multiples cordages qu'il est en train de ranger et de remettre à leur place.
D'un geste qui semble sorti de nulle part, Dynamight lève la main en arrivant dans son dos, et lui colle une claque derrière la tête, qui fait à peine hausser un sourcil à Eijiro.
Le garçon, trop familiarisé avec ce genre de réaction, se concentre sur sa tâche sans accorder un regard à son capitaine. Il patiente quelques secondes, qu'il vienne s'appuyer contre la paroi les séparant de la cabine.
Katsuki croise alors ses bras contre sa poitrine, comme à son habitude, avant d'aviser Kirishima avec un air colérique. Son second lève ensuite les yeux dans sa direction, avec un petit sourire en coin, plissant légèrement les paupières pour réussir à l'observer correctement malgré les rayons lumineux.
« - Qu'est-ce que j'ai fait encore ? »
Le blond grogne une nouvelle fois en levant les yeux au ciel, peinant apparemment à s'ouvrir quand à cette colère évidente. Malgré tout, il finit par s'accroupir, toujours le long de la cloison en bois et appuie sa tête contre la planche. Ses mains se croisent entre elles, tandis qu'il joue frénétiquement avec ses doigts, en cherchant quels mots utiliser pour évoquer sa situation.
« - Tu m'énerves. »
C'est tout ce qu'il parvient à articuler, en soupirant brièvement. Ses neurones partent dans tous les sens, pendant que sa mémoire se focalise uniquement sur Izuku, sans qu'il arrive à s'en détacher.
Eijiro perd son sourire, comprenant rapidement de quoi il en retourne. Ou du moins, il se rend compte que quelque chose ne va pas, menant son supérieur et ami de toujours à un désarroi largement perceptible. Il se redresse alors, avant de venir rejoindre Katsuki, à côté de qui il décide de s'asseoir aussi.
Le silence reste roi une minute ou deux, alors qu'ils savourent l'atmosphère marine qui les entoure. Tout ce pour quoi ils ont accepté cette vie, finalement. C'est l'un des attraits de cette existence qui leur plaît considérablement, et qui les a guidés à choisir cette voie.
Les étendues d'un camaïeu de bleu singulier, prenant chaque jour une teinte différente. Les effluves d'iodes au petit matin, parfum qui leur paraît terriblement enivrant. L'adrénaline de ces découvertes quotidiennes, qui offrent des perspectives nouvelles et marquantes dans une vie. Une destinée unique et inédite.
Après cet instant de flottement, Eijiro tourne vaguement son visage vers Katsuki, et demande d'un air franchement compatissant.
« - Tu veux qu'on en parle ?
- Pour t'entendre dire que tu me l'avais dit ? Non merci, tête d'ortie. »
Pourtant, le pirate brûle d'envie de se confier quant à tout ce bazar indéchiffrable qui s'empare de lui. De pouvoir dire ces choses, et réussir à apporter un peu de clarté dans ce qui paraît être sans issues. C'est même primordial s'il souhaite retrouver un peu de sommeil et un semblant de netteté.
Parce que tout se disloque autour de lui, ou peut-être en lui. Il est en train de se briser, morceau par morceau, sans aboutir à stopper le processus. Et tout va se détruire d'un moment à l'autre, il le craint.
« - Je le ferais pas, promet Eijiro.
- Pourtant t'as des raisons de le faire.
- J'imagine que si tu me dis ça, c'est que ça concerne Deku. N'est-ce pas ? »
Katsuki se mord frénétiquement la lèvre inférieure, sans douceur, et laisse planer quelques instants. Cependant, après cela, il décide finalement de hocher la tête de haut en bas, pour signifier une réponse positive à cette question.
« - Je vois... T'es certain que tu veux pas en parler ?
- C'est juste que c'est trop bizarre, et que ça me ressemble pas. »
Ce n'est pas lui d'attendre après une présence, et de râler sur une absence. D'ordinaire, il s'accommode bien vite de ce genre de situation, ne cherchant même pas à retrouver ses compagnies d'une nuit. S'ils veulent un peu plus, ce sont eux qui viennent le solliciter, et lui qui daigne en donner davantage ou pas.
Mais aucunement l'inverse, d'aucune façon.
Cependant, les choses paraissent bien différentes ici. Puisqu'il s'est longuement interrogé pour savoir s'il devait aller voir Izuku, afin de lui demander si tout allait bien. Avant de finalement conclure qu'ils ne sont strictement rien l'un pour l'autre, et qu'il n'en a certainement pas le droit.
Malgré tout, il a la désagréable sensation que Deku cherche à le fuir, l'obligeant à réviser au crible leurs derniers instants partagés, pour déterminer quel détail pourrait être à l'origine d'un tel revirement de situation.
« - Comment ça ?
- Deku m'ignore.
- Vous vous êtes encore engueulés ?
- Non, même pas. Il ne s'est rien passé. Il est juste parti au beau milieu de la nuit l'autre soir, et depuis aucune nouvelle. »
Comme promis, Eijiro s'abstient de tout commentaire et se contente d'attendre que Katsuki parle. Qu'il aille à son rythme, et détermine de ce qu'il désire dire ou pas.
Cela ne servirait censément à rien de commencer à être sarcastique, si ce n'est envenimer complètement la situation.
« - Vous vous êtes pas croisés du tout ?
- Non, et ça m'emmerde.
- C'est ce que je constate. »
Bakugo continue de regarder au loin, ignorant encore désespérément ce qui se joue dans sa poitrine, en peinant à décider si oui ou non il souhaite réellement s'épancher. Ou du moins, ce qu'il est censé dire ou pas. Cela demeure relativement compliqué, surtout pour lui qui a toujours été connu pour être un solitaire invétéré, ne dépendant d'absolument personne. Pourtant le voilà, à geindre de façon pitoyable que quelqu'un lui manque. Quelle ironie franchement déplaisante...
Malgré tout, Kirishima reste son meilleur ami, et celui qui pourrait probablement l'aiguiller. Même s'ils se cherchent régulièrement, et n'ont cesse de se chamailler comme des enfants, ils partagent un lien particulier, qui les a déjà sauvés plus d'une fois. Alors, il décide finalement de se laisser aller et de parler de ce qui l'encombre férocement.
« - Je sais que ça devrait pas m'affecter du tout, pourtant c'est le cas. J'aime pas cette distance et ne pas comprendre pourquoi elle est là. Je déteste qu'il m'ignore comme ça. Putain, ça m'énerve tellement ! C'est étrange de voir qu'il n'est pas ici, et qu'on se retrouve pas. Et bordel, j'ai conscience de ce que tu m'avais dit. T'aurais sûrement raison de me balancer que c'est bien fait pour ma gueule tout ça. Mais ça n'empêche pas que ça me gave, et je voudrais juste savoir ce qui se passe.
- Je vais pas te dire que tu l'as bien cherché non. Déjà ça va servir à rien, et... j'pense pas que ça dépende réellement de tout ça.
- Qu'est-ce que tu veux dire ? »
Eijiro le regarde un instant, feignant de réfléchir à ses propos. Il passe une main dans ses longues mèches de cheveux avant que son attention ne soit brièvement détournée par l'intervention bruyante d'une mouette, qui finit ensuite par s'éloigner, leur laissant finalement plus d'intimité.
« - Quand je t'ai parlé de tout ça, c'était surtout parce que je ne voulais pas que tu te vautres juste par vanité. T'avais l'air de penser que tout était à ta portée rien que grâce à ton charme. Et j'ai eu peur que ça te retombe dessus. Ça aurait pu avoir des conséquences franchement lourdes sur chacun d'entre nous. Mais au moment où je t'ai dit ça, c'était sincèrement qu'un jeu idiot entre vous, pour savoir qui était le plus fort ou une connerie de ce genre. J'ai pas l'impression qu'il est question de ça désormais.
- J'vois pas ce qui change entre ces deux situations.
- Beaucoup de choses. »
Katsuki fronce nettement les sourcils, témoignant de son incompréhension face à de tels propos. Il n'est pas sûr de ce que sous-entend son bras droit, ni même de ce que cela peut signifier exactement.
Celui-ci remarque à quel point il peut être perplexe devant ses affirmations, et surenchérit pour tenter d'apporter un peu de poids à ses arguments.
« - Ce que je veux dire, Katsuki, c'est qu'à ce moment-là il était uniquement question de faire ployer l'un de vous deux. Rien de plus. Tu cherchais juste à avoir l'ascendant sur la situation, pour que ça serve à tes objectifs. T'avais envie de t'amuser. Et maintenant...sans vouloir parler à ta place, ça m'a l'air bien différent. Il te plaît, mais plus dans le même sens. J'ai tort ? »
Le jeune homme grimace devant toutes ces remarques, qui le percutent un peu trop à son goût. Chacune d'elles semble faire mouche, et heurter un point sensible sans aucune hésitation. Résigné, le forban laisse sa tête tomber en avant, tout en songeant à ce qui vient d'être énoncé.
Il est vrai que les circonstances ont considérablement évolué, pour passer à un registre bien plus intime. Katsuki s'est dévoilé à bien des égards, conversant quelquefois au sujet de son enfance, ainsi que de ses rêves. Ou encore des événements plus traumatisants de son existence, tels que l'apparition de cette cicatrice qui est porteuse d'un souvenir trop lourd à son sens pour être supportable.
À l'inverse, Izuku a lui aussi parlé de bien des choses sans pour autant être forcé. Il s'est confié sur cette enfance difficile, faisant de lui un orphelin qui devait se débrouiller coûte que coûte pour survivre. Tous les choix qui en ont découlé, afin de permettre qu'il s'en sorte, jusqu'à rencontrer son mentor et père d'adoption. Les rêves qui l'accompagnent, et lui mettent parfois encore des étoiles dans les yeux.
Une multitude de détails en tout genre, qui font incontestablement de lui cette personne qu'il est. À plusieurs reprises, Katsuki a senti que cette retenue entre eux commençait progressivement à s'évaporer. Qu'il pouvait traverser un peu plus le mur qui les sépare, afin de découvrir le véritable Izuku, avec son cœur pur.
Alors oui, peut-être que tout est légèrement différent désormais. Que les enjeux du point de départ se sont vaguement dissipés, pour en créer de nouveaux, qui se sont immiscés entre eux sans qu'ils ne puissent le percevoir !
« - Non. T'as même complètement raison, avoue Dynamight à demi-mot. Mais, encore une fois, je vois pas ce que ça va changer. Que je l'admette ou pas, ça va pas apporter de solution concrète.
- Mmh, c'est sûr. Et j'ai pas non plus de baguette magique pour tout régler d'un seul coup. Juste, ça va avoir une incidence sur pas mal de détails.
- Du genre ?
- Le Jade Shard ? »
Soudainement rappelé à l'ordre, le capitaine se redresse vaillamment, le dos droit contre la cloison. Le bazar dans son esprit se pousse partiellement, pour en revenir à ce qui est à l'origine de cette alliance entre eux à l'origine. Les quelques mots constituant cette légende prennent forme sous ses yeux, tandis qu'il soupire pour la millième fois de la journée, totalement dépassé par la tournure qu'adoptent les événements.
Il s'est complètement fait submerger par cette réalité subite et nouvelle, se noyant dans l'importance qu'a prise ce lien naissant.
« - Très franchement, depuis votre engueulade de l'autre fois, t'en as plus reparlé. On a commencé un peu tous à se demander si tu envisageais encore vraiment d'aller au bout, ou si c'était passé à la trappe.
- Tous ? Tu veux dire-.
- T'as quand même pas cru que votre petite comédie à toi et Deku était réellement discrète, rassure-moi ? »
Pris sur le fait comme un adolescent qui découvre la vie, Katsuki presse ses lèvres entre elles, tandis que ses doigts continuent de jouer ensemble. Bien sûr, il avait complètement conscience qu'Eijiro avait saisi la supercherie, rien qu'à ses regards moralisateurs qui parlaient à sa place.
Mais il ne s'attendait pas à avoir été démasqué par l'entièreté de sa troupe, dont Denki et Sero qui paraissaient surtout occupés à flâner à droite et à gauche, au lieu de faire preuve de sérieux. Mais peut-il franchement les blâmer ?
« - Ben...peu importe ce que j'ai pu croire, puisqu'il semblerait que ce ne soit pas le cas. »
Kirishima hoche la tête en guise d'approbation, tandis que le vent se lève quelque peu autour d'eux. Bien décidés à être légèrement productifs malgré tout, ils se redressent comme un seul homme, afin de terminer la tâche débutée par le second un peu plus tôt, avant d'être interrompue par son chef.
En silence, ils viennent enrouler les cordages et les transportent là où ils doivent être, commençant à s'assurer que les installations sont toutes opérationnelles, prêtes pour le jour où ils reprendront la mer.
Et puis, sans doute pour avoir le fin mot de l'histoire, Eijiro revient patiemment à la charge, en ouvrant une nouvelle fois le dialogue.
« - T'as pas répondu à ma question du coup. Tu veux faire quoi vis-à-vis de notre traversée ? Est-ce que ça t'intéresse toujours autant ? »
Katsuki l'avise très sérieusement, sans réellement savoir quoi répliquer. Après tout, ce n'est pas comme s'il en avait connaissance lui-même.
Confronté à une horde de sentiments à la fois nouveaux et déroutants, il se sent sincèrement démuni et relativement perdu. C'est la toute première fois qu'une présence le touche à ce point, allant jusqu'à faire évoluer ses perspectives. Pour autant, cela ne veut pas dire que la solution est toute trouvée.
Le jeune homme ignore ce qu'il doit faire exactement de cette information, et si elle ne doit pas simplement rester reléguer au fond de son esprit, en attendant que tout ceci se calme.
« - J'avoue que je vois pas trop quoi faire, Eijiro. J'ai l'impression que tout a évolué très différemment, et j'sais plus du tout où j'en suis honnêtement. C'est pathétique d'en arriver là, et de me faire avoir bêtement comme ça.
- C'est pourtant toi qui m'as dit que c'est loin d'être pathétique d'avoir des émotions, et que je devais pas en faire toute une histoire quand on parlait de Mina.
- Ouais, mais c'est-
- C'est pas pareil ? »
Eijiro répond avec un air taquin dans le regard, alors qu'il hausse un sourcil, visiblement joueur. Satisfait d'avoir pu clouer le bec à son capitaine avec ses propres paroles, il lâche ce qu'il tenait en main après s'être garanti que tout soit stable, et vient se placer droit devant Katsuki. Il lui présente un petit sourire, celui réservé à leurs instants amicaux, qui remplacent sans difficulté la relation d'autorité qui règne d'ordinaire. Ainsi, le garçon s'assure de s'adresser à lui de façon chaleureuse, comme deux camarades de longue date auraient pu le faire dans une taverne, en partageant quelques pintes jusqu'au bout de la nuit.
« - Franchement, qu'est-ce qui diffère exactement entre nos situations ? Ça n'a seulement pas commencé pareil, et tu n'es pas certain que cette attirance-là soit réciproque. C'est ce qui te cloue-là, à t'obliger à te poser un million de questions, en imaginant que ça va changer quelque chose. Mais sincèrement c'est loin d'être le cas. Je sais pas ce que tu vas décider de faire, que ce soit à propos de notre prochain voyage, de votre alliance ou juste de votre relation. J'peux uniquement te dire de faire attention à toi, et de ne pas oublier que tes sentiments sont importants, même si tu n'en as jamais eu la sensation ou l'occasion. »
Le pirate l'écoute scrupuleusement, sans l'interrompre une seule fois. La totalité de ces mots vient s'imposer à lui, tandis qu'il prend en compte leur portée, pesant ce qui est à conserver ou non.
Il n'est pas vraiment certain d'accepter toute cette réalité et ce qu'elle peut engendrer. Malgré tout, les battements de son cœur sont de plus en plus difficiles à ignorer, tout comme cette brûlure permanente au creux de sa cage thoracique.
« - Depuis quand t'es un expert en sentiment, tête d'ortie ? ironise Katsuki, en riant doucement.
- Je dirais depuis que j'ai écouté mon meilleur pote, et que ça m'a permis d'avouer les miens à une femme merveilleuse. »
Ils s'offrent mutuellement un sourire sincère, alors qu'Eijiro partage avec beaucoup de bonheur cette nouvelle particulière, qui le fait elle aussi vibrer. Il ignore combien de temps lui est accordé auprès de Mina, ni même ce que l'avenir leur réserve. Mais s'il est bien certain d'une chose, c'est que cela valait amplement le coup de s'investir à ce point, et qu'il est en train de construire l'une des périodes les plus incroyables de toute son existence.
« - J'suis heureux pour toi, Eijiro. Vraiment, tu le mérites.
- Merci, Katsuki. »
Le forban lui octroie une poigne chaleureuse, alors que la conversation continue de suivre son cours. Pour autant, Dynamight ignore encore quelle est véritablement la voie à emprunter dans la présente situation.
Tout reste un peu trop flou, tandis qu'une seule certitude demeure, venant vriller la totalité de son être. Cette sensation plane, même uniquement en fond alors qu'il tente désespérément de porter son attention sur autre chose. Mais elle persiste complètement, sans en démordre, lui collant une mélancolie tout bonnement insupportable à la peau.
Izuku lui manque.
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