La Cerise sur le gâteau

Prodige

Quelques heures plus tôt

À peine passé la porte de mon appartement du 7e arrondissement de Paris, je me précipite dans la cuisine. Les reliefs du verre en cristal me rassurent. J'y ajoute trois doigts de Caol Ila, 18 ans d'âge, et m'assois dans mon fauteuil préféré. Le cuir se réchauffe au contact de mon corps ; mon sang s'échauffe au passage du whisky. La tension de mes trapèzes s'allège et j'en profite pour me débarrasser de mes chaussures. Mes lèvres captent une bonne lampée de la boisson tourbée. Je l'avale de travers quand deux typhons verts brouillent mon cerveau. L'image fluctue, bondit et repart. Je resserre un peu plus ma prise sur mon verre et grimace quand je vois ma collègue entourée d'eau. Dans cet océan trouble, elle a tout d'une sirène. Une odeur florale s'invite dans mes narines et teinte ma langue. Le mélange du whisky et de ces notes de... jasmin ! Oui, c'est du jasmin. Comme le thé vert que boit ma mère. Bref, le mélange des deux ne fait pas bon ménage. Ma bouche se flétrit et j'éloigne mon spiritueux. Les visions s'estompent et je cligne plusieurs fois des yeux afin de retrouver mon chez moi. Mon regard navigue entre le cristal et le Quai d'Orsay que j'aperçois par ma fenêtre. Les résidus parasites finissent par déguerpir totalement. Je frotte ma barbe. Pourquoi, tout d'un coup, suis-je autant obsédé par Minier ? Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez moi ? Cette fille est toquée. Siphonnée. Ravagée. Le mec qui voudra se la coltiner jusqu'à la fin de sa vie, bah je lui souhaite bonne chance. Il lui faudra beaucoup de courage. Alors, bordel de Dieu, pourquoi, mais pourquoi, deux yeux verts s'obstinent à pénétrer mon esprit ? Je râle et sens une migraine arriver. Même à l'autre bout de Paris, Cerise m'emmerde.

J'avale une aspirine avec un grand verre d'eau lorsque le bip m'annonce l'arrivée d'un message.

[Repas de famille.

Dans trois jours, à 11 h 30.

Daniel.]

Même pas un "bonjour", ni un "comment vas-tu". Typique de mon père.

[Le numéro que vous avez demandé n'est plus attribué. Pour le contacter, merci de passer par les Enfers, la place qui vous revient de droit pour l'abandon de votre rôle paternel.

Le Diable.]

Je presse le bouton d'envoi et finis par y ajouter un fuck. J'ai passé l'âge d'obéir aux moindres caprices de mon père. Si on peut appeler ça un père.

Je balance mon portable dans le canapé lorsqu'il sonne. I believe, I can fly résonne dans tout l'appartement et ma migraine augmente. Je décroche sans prendre la peine de regarder mon interlocuteur.

— Mon message n'était pas suffisamment explicite ? craché-je.

— Ouh la, y'en a un qui s'est levé du mauvais pied.

Je reconnais la voix de mon cousin, Delmar.

— Désolé, le voyage de retour m'a fatigué.

— Le voyage ou une certaine Minier ?

Je grogne et me frotte les yeux.

— Va savoir. Sûrement un mixte des deux.

— Mon père ne vous en a pas fait voir de toutes les couleurs ?

— Thomas est... exigeant. Mais je le savais déjà quand il m'a proposé le poste.

Delmar est le fils de mon patron. Et ce dernier est donc mon tonton. Mais nous ne le crions pas sur tous les toits. Je souhaite gagner ma place à la loyal, pas parce que je suis de la famille. Je reprends :

— Bref, pourquoi tu m'appelles ?

— Même plus le droit de joindre son cousin préféré sans arrières pensées ?

— Premièrement, je suis ton seul cousin. Deuxièmement, tu ne m'appelles jamais pour rien.

Plusieurs secondes s'égrènent avant qu'il poursuive.

— Bon d'accord, t'as gagné !

Mon verre brun de nouveau dans ma main, je pianote du bout des ongles contre le cristal.

— Ma mère organise un speed dating dans son resto. Elle m'y a inscrit de force.

— Quel est le rapport avec moi ?

— Je lui ai dit que j'avais déjà quelqu'un.

— Désolé mon gars, je ne suis pas de ce bord-là.

— Très drôle. Ce n'est pas pour ça que je t'en parle.

J'attends la suite. Il me la délivre dans un souffle.

— Elle m'a demandé comment je l'avais connue. Je lui ai dit que c'était la sœur de ta petite copine.

Il se fout de moi ?

— Bordel, Delmar ! Tu te débrouilles ! Puis, je ne vois toujours pas comment je pourrais t'aider.

— J'ai entendu papa, une fois, parler de Minier...

— Oui, et ?

— Et de sa petite sœur.

Je me fige. Tout mon corps devient raide. Seules mes phalanges deviennent blanches d'avoir tant serrées mon verre.

— Delmar, pour ton bien, tu as intérêt à ne plus croiser ma route. Sinon, tu auras le plaisir de côtoyer les vers de terre une fois que je t'aurais enterré vivant.

— J'ai paniqué !

— Je m'en fous, m'écrié-je en passant les mains dans mes cheveux. Tu aurais pu choisir n'importe qui. N'importe qui, répété-je. Minier...

— Ce n'est pas le pire, chuchote mon cousin.

— Ah parce que ce n'est pas fini ?

Je bous.

— Maman nous a invité dimanche midi. Toi, moi, Cerise et sa sœur.

Un haut-le cœur m'envahit. Je renifle les effluves de mon whisky et agrippe plus fort mon verre, tel une bouée dans une mer agitée.

Je vais le buter.

— Mon pire cauchemar. Non seulement, je dois partager un repas avec elle, mais en plus, je dois feindre d'être fou d'amour pour elle ?

Je transpire de plus en plus quand l'évidence me vient à l'esprit.

— Elle n'acceptera jamais.

— C'est ce que je pensais aussi. Mais maman a déjà demandé à papa le numéro de Cerise.

— Ton père n'y croira jamais.

— Là encore, tu marques un point. Mais il ne refuse jamais rien à ma mère.

Mes épaules s'affaissent, je me pince l'arrête du nez. Mais quelle journée de merde ! Mais de merde !

— Bref, je voulais juste te prévenir que ta collègue recevra prochainement une invitation pour manger en amoureux.

— Préviens ta mère qu'elle recevra bientôt un faire-part. Pour ton enterrement. T'es mort, Delmar.

Je l'entends déglutir de l'autre côté du combiné, puis les "bip" m'annoncent qu'il a préféré fuir.

J'avale cul-sec ce qu'il reste de ma boisson, retire tous mes vêtements, sauf mon caleçon et m'emmitoufle dans mes draps gris en satin. La douceur du tissu apaise aussitôt toutes les tensions que mon cousin a ajouté avec ses conneries.

Je soupire de béatitude avant de voguer vers mes mille et un rêves.

***

Je me tourne et me retourne dans ma couette, rien n'y fait. Mon corps ankylosé me sort petit à petit du sommeil. Quelles sont toutes ces tensions subites autour des épaules ? J'enfonce ma tête dans l'oreiller et retrouve l'odeur de jasmin que j'avais précédemment sur la langue. Une fin de mal de tête bat dans mes tempes. J'étends mon corps dans les draps ce qui fait craquer tout mon corps. Je me frotte les yeux, me redresse et ouvre enfin les paupières. Puis, je les referme et les ouvre à nouveau. Je répète l'opération des dizaines de fois, mais rien y fait. Le décor ne change pas.

La gueule de bois doit être plus importante que ce que je pensais. Ou alors j'ai tant bu la veille que je ne me souviens plus être sorti et avoir atterri chez une nana. Parce que cette chambre girly ne ressemble pas du tout à la mienne. Elle est jonchée de multitudes de fleurs. Des tulipes roses, des jonquilles, des marguerites.... Une hippie a éternué dans la chambre. Ce qui me choque le plus, c'est la literie. Je déteste le lin. C'est rêche, et pas du tout confortable. Je passe la main contre le tissu quand je remarque mes ongles. Vernis. J'ai du putain de vernis sur les ongles. Et pas un truc discret, non, non. Un rouge vif et profond. J'observe mes extrémités sous toutes les coutures. Je n'ai jamais eu des doigts aussi beau. Fins, sans rugosités... C'est trop bizarre. Je jurais presque qu'ils ne sont pas à moi. Grotesque !

Je m'apprête à me lever du lit, afin de me rhabiller avant que la fille arrive, quand je remarque comment je suis fringué. Pourquoi est-ce que je porte un peignoir ? Mes longues jambes dépassent. Je les secoue, médusé. Pourquoi suis-je épilé ? Je me penche afin de caresser ma peau. Une longue mèche de cheveux m'obscurcit la vue. Je la saisis entre mon pouce et mon index. La couleur ne trompe pas. Mais je ne peux m'y résoudre.

Pitié, faites que ce ne soit pas vrai. Je vous promets d'être gentil avec elle, de ne plus jamais dire qu'elle est tarée, ni de mettre du sel dans son café. Pitié, pitié, pitié.

J'attrape, les mains fébriles, le miroir de poche posé sur la table de chevet à côté d'un bouquin. Je ferme si fort les yeux que ma mâchoire grince. Bon, allez. À trois, je fais face à la réalité.

Un, deux, deux et demi... trois !

Une multitude de taches de rousseur, une longue chevelure auburn, d'immenses yeux verts...

— Putain de bordel de merde.

Je crois que c'est la première fois que j'entends des injures de la bouche de Cerise. Qui est maintenant ma bouche. Qu'est-ce que j'ai bien pu faire de mal pour que le karma me revienne en pleine gueule ? J'ai toujours pourri l'existence de Cerise. Mais c'est de bonne guerre. Elle est odieuse, je suis con. Elle gueule, je l'insulte. Nous n'avons jamais réussi à nous mettre d'accord sur quoi que ce soit.

C'est une punition divine pour ne pas lui avoir accordé de bonjour depuis plus d'un an ? Ou pour avoir mis de la super glu sur les pieds de sa chaise de bureau ?

Je rabats des mèches derrière mes oreilles – ses oreilles ? Putain, j'ai du mal – et reste planter là dans le lit quand je réalise plusieurs choses.

Petit un, si je suis dans le corps de Cerise, ça veut potentiellement dire que Cerise est dans mon corps.

Qu'elle a accès à mon portable, à mon père, à ma vie privée et à mon appartement. Je croise les doigts pour qu'elle ne soit pas du genre à fouiller. Puis, je renifle. On parle de Cerise. Elle est pire que l'inspecteur Gadget.

Petit deux, j'ai des boobs !

J'écarte les pans du peignoir mais me ravise. J'ai l'impression d'entendre la voix de ma collègue dans ma tête qui me menace de me couper les couilles si j'ose mater son corps.

Petit trois... bah y a pas de petit trois.

Mais, c'est déjà pas mal.

Je me débats avec ma masse capillaire depuis dix minutes quand j'aperçois un élastique traîner sur la table de chevet. Je le passe comme je peux alors que le bruit de la serrure agace mes tympans.

— Je sais qu'on est pas dimanche, mais je rêve des pancakes aux bananes de chez Davie & Jones.

Qui est cette étrangère qui ose débarquer chez moi ? C'est pire qu'un moulin ici.

Une nana, pas plus haute que trois pommes avec une coupe à la garçonne, me zieute en fronçant les sourcils. Elle ressemble à un leprechaun.

— Pourquoi tu n'es pas encore prête ? C'est pas ton genre.

Elle me dévisage et s'arrête sur mon visage.

— Et cette coupe de cheveux, c'est pour m'achever ? Tu pourrais faire concurrence à un épouvantail.

Elle se détourne, se délaisse de son manteau et de son sac à mains, et marmonne :

— Et on continue de me balancer que les aînées sont plus matures que les cadettes. Quelle connerie...

— Myrtille, c'est bien ça ?

Elle pose ses mains sur ses hanches et m'observe comme si je venais de dire que la Terre était plate.

— C'est pire que ce que je pensais. Il t'a vraiment siphonné le cerveau.

— De quoi ?

— Pas quoi. Plutôt qui. Saint Gabriel.

Oh, elle parle de moi à sa sœur ?

Myrtille s'affaire derrière le comptoir de la cuisine et réapparaît avec un verre d'eau. Ou presque. Depuis quand l'eau du robinet est violette ?

— C'est quoi ce truc ?

— Du sirop de violette.

— Du sirop de violette ? Mais qui boit cette atrocité ?

— Bah toi. T'en raffoles.

Je hume le verre et retiens un haut-le-cœur.

— Ça sent le produit pour chiottes.

Elle plisse les yeux. Une moue sceptique décore ses lèvres.

— Tu ne serais pas enceinte ?

Je recrache la boisson sucrée. Au moins, je n'ai pas besoin de faire semblant d'apprécier ce truc.

— Ça va pas ? C'est impossible. Le vagin de Cerise est sûrement recouvert de toiles d'araignée.

Je me fige à la fin de ma phrase. Quel idiot.

Je croise le drôle de regard du lutin. Ce n'est que maintenant que je remarque qu'elle possède un œil vert et un autre marron. L'un comme l'autre s'écarquillent. Elle renforce sa poigne autour de la bouteille de sirop et s'avance en la brandissant.

— Qu'as-tu fait à ma sœur ? Où est-elle ? T'es une espèce de monstre qui prend l'apparence des humains ou t'es genre comme le loup du chaperon rouge ?

Elle avance, se rapproche de plus en plus de moi et se munit d'une poêle.

— T'as visionné trop séries si tu veux mon avis.

— Et toi, pas assez. En règle générale, quand quelqu'un brandit une arme, on évite de faire le malin.

Un point pour elle.

— Je le répète. Où est ma sœur ? Et qui es-tu ?

— Sûrement dans mon corps, étant donné que je suis dans le sien. Franchement, c'est vraiment une journée de merde. Mais j'aurais appris quelque chose : toutes les Minier sont cinglées.

Elle entrouvre la bouche, baisse ses deux armes de fortune et les pose, et se plie en deux sous les éclats de rire. Elle rit si fort qu'elle peine à reprendre son souffle, les mains sur les cuisses.

— Vous auriez pu tomber sur 7 milliards de corps.

Je comprends à peine sa phrase, son corps encore secoué par les rires.

— Bordel, tu pleures ?

— Dieu, le karma, le destin, peu importe. Mais quelqu'un là-haut a un excellent sens de l'humour. Tu es Prodige, c'est ça ?

Je hoche la tête pendant que Myrtille se plaint d'un poing de côté.

— Tu es la personne que Cerise déteste le plus sur cette planète. Quelle ironie !

— C'est réciproque.

Elle pianote sur son téléphone plusieurs secondes et relève la tête.

— C'est quoi ton adresse ?

Je lui donne et elle retourne sur son portable.

— Va t'habiller. Un taxi arrive dans cinq minutes.

— Mais, on va où ?

— Retrouver ma sœur, andouille. En espérant qu'elle ait laissé ton corps intact. Depuis le temps qu'elle a envie de te tuer...

Je déglutis et m'empresse d'enfiler des vêtements pris au hasard dans la garde-robe.

Sur le chemin, je lui explique tout. Mon réveil, le déroulé de la matinée.

— Je vais vous aider. Mais, je ne le fais pas pour toi. Tu emmerdes ma sœur depuis plus d'un an. Je le fais pour la santé mentale de Cerise. Être dans ton corps s'apparente à la pire des tortures pour elle.

— Parce que pour moi, c'est une partie de plaisir peut-être ?

Elle hausse les épaules, et un petit sourire fugace apparaît sur ses lèvres.

— Non, mais la différence, c'est que pour toi, j'espère que ça durera suffisamment pour te rendre la monnaie de ta pièce.

***

Maintenant

Les secondes s'égrènent et Minier passe d'un blanc aspirine à un blanc cadavérique.

— Mon corps n'a jamais était aussi pale. Elle va nous faire un malaise. Ressaisis-toi, Minier. Tu sais combien de temps il a fallu pour sculpter ce corps et entretenir mes efforts ?

Myrtille l'assoit sur une de mes chaises et l'évente à l'aide d'une feuille. Je lui prépare un verre d'eau qu'elle sirote du bout des lèvres.

— Tu sais, je ne l'ai pas empoissonné, raillé-je.

Elle ne boit pas plus vite et gesticule sur sa chaise. Elle croise et décroise les jambes, se tient le bas du ventre en gémissant et dandine du bassin.

— Pourquoi tu te tortilles comme ça ? Tu me donnes des airs efféminés, arrête tout de suite.

— Je dois faire pipi.

— Bah vas-y ! T'attends quoi ? Tu vas faire exploser ma vessie avec tes conneries !

— Je n'ai pas envie d'uriner avec ton zigouigoui !

Ses pommettes reprennent une coloration et Myrtille se mord l'intérieur de la joue pour ne pas se foutre de sa gueule.

— De toutes les expressions qui existent en ce monde pour désigner mon sexe, tu as choisi... zigouigoui ?

Elle baragouine dans ses dents :

— C'est mignon comme expression.

— Les petits chiots et les arcs-en-ciel, ça, c'est mignon. Zigouigoui, c'est un tue-l'amour. Et le mot "bite" n'est pas une insulte.

Myrtille ne se cache plus et pouffe de rire.

— C'est moche et vulgaire.

— Pourtant, tu lis bien des romances où le terme est mentionné des dizaines de fois. Allez, Minier. Bite, pénis, chibre, bâton de pouvoir ou autre connerie. Tu as une multitude de choix. Alors, par pitié, n'appelle plus jamais mon sexe "zigouigoui".

Elle se plie une nouvelle fois en deux et serre la mâchoire.

— Et bordel, va pisser !

— Mais, je ne sais pas comment ça fonctionne ! s'énerve-t-elle à son tour.

Un silence suit sa phrase. Je n'arrive toujours pas à croire ce que je m'apprête à dire.

— Suis-moi, je vais te donner un cours. Et c'est le seul que tu auras. Si tu veux te masturber, tu te débrouilles.

— Beurk, jamais de la vie !

— C'est ce qu'elles disent toutes avant d'y goûter.

Je sens une présence dans mon dos. Je me retourne et croise les yeux vairons de Myrtille.

— Qu'est-ce que tu fais ?

— Je vous suis afin d'immortaliser ce moment.

Elle secoue son téléphone devant mon nez.

— Mais t'es maboule ?

— Hors de question ! s'exclame Cerise simultanément.

— Pour une fois que vous êtes d'accord... Vous n'êtes pas drôle.

Je recentre mon attention sur Minier.

— Bon, je te montre le mode d'emploi : comment utiliser le tuyau d'arrosage.

Elle bute contre la litière de mon chat et envoie des graviers un peu partout.

Ça commence bien...​

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