2 - Aksel

Il y a 5 ans...

Le lendemain matin, Tony me secoue.

— Allez Aksel, dépêche tu vas te mettre dans la merde.

Je l'envoie chier et me retourne dans mon lit. Une barre me tape la tête. Des coups de marteau. Merde, qui est-ce qui a décidé de faire des travaux ce matin ? Je souffle bruyamment alors que mon meilleur ami tire ma couette.

— Putain ! Laisse-moi dormir !

— Non, connard, je te sauve la mise, grouilles-toi, le Commandant va te tomber dessus sinon.

Il a raison. Il faut vraiment que je me lève sinon je risque d'avoir des ennuis.

— Quelle heure est-il ?

— Sept heures.

— HO PUTAIN, TU NE POUVAIS PAS ME LE DIRE AVANT ? je lui hurle dessus.

Je me lève à la hâte mais un étau enserre mes tempes. Purée, je vais gerber. Juste le temps d'attraper ma petite poubelle de chambre et je régurgite tout ce que j'ai avalé hier soir. Mais même plus que ça. Je repense à cette nana. Celle que j'ai rencontré dans ce bar et de la connerie que j'ai faite en la baisant une partie de la nuit. Je vomis toutes ces erreurs accumulées. Une fois l'estomac vide, je me lève. Je prends cinq minutes pour me débarbouiller et j'enfile rapidement ma tenue. Tony revient dans ma chambre et a un mouvement de recul.

— Ho dégueulasse ! Je t'avais dit que c'était une mauvaise idée de sortir Aksel.

— C'est bon, je sais et j'assume. Regarde, ça y est je suis prêt.

— Tiens, bois ça et avale ça. Tu me remercieras plus tard.

Il me tend un petit cachet blanc que je connais très bien avec un verre de jus d'orange. Acceptant cet élan de gentillesse de la part de mon meilleur pote, je mets le paracétamol sur ma langue et l'avale d'une traite grâce au liquide frais. Tony sort de ma chambre et je suis ses pas. Nous longeons les couloirs ma gueule de bois et moi, puis nous partons pour la battue du jour.

***

C'est la dernière journée où nous sommes réquisitionnés. Nous marchons dans la forêt depuis des heures, pour retrouver cette jeune fille. Une équipe cynophile est présente également. Le commandant n'a pas menti sur le déploiement qu'aurait cette dernière journée. J'ai la sensation que chaque habitant de cette ville est venu prêter main forte. J'espère que nous trouverons des indices et que nous ne rentrerons pas bredouille.

Elle est là.

Celle dont je ne connais toujours pas le prénom.

Celle que je n'ose pas aborder de peur de la froisser. Ce n'est pas le bon moment. Je dois patienter ou abandonner.

Tony me jette des regards en coin, réprobateur de mes agissements. Il a sûrement raison. Je devrais laisser tomber.

La nuit semble arriver plus vite que prévu. Les minutes sont maintenant comptées. Nous avançons entre chaque arbre, nous écrasons les branches et feuilles mortes avec nos rangers. Je suis fatigué, je n'arrive plus à réfléchir correctement. Et encore moins quand j'arrive à la sentir derrière moi. Elle nous suit de près. Elle est apeurée, cela se lit sur son visage. Un coup de coude arrive dans mes côtes. Ça fait un mal de chien. Le regard noir, je tourne ma tête vers Tony. A mon simple signe de tête, il s'abstient d'ajouter quelque chose. C'est mieux pour lui. Faudrait pas qu'il dépasse les limites. Je suis déjà assez perdu comme ça, il n'a pas besoin d'en rajouter.

Nous continuons notre avancée. Puis ces recherches prennent un nouveau tournant. Nous nous arrêtons instinctivement. Je me retourne, elle est si proche. Son regard océan s'arrête sur moi, se cognant contre mon buste. Gênée, elle me questionne pour savoir ce qu'il se passe mais je suis incapable de le lui avouer. Je sais très bien ce qu'il se passe. C'est à regret que je suis obligé de lui demander de rester ici et lui promettre que je reviendrai la prévenir. Je lui mens, ce n'est pas mon rôle mais c'est plus fort que moi. L'équipe cynophile en place en contrebas, annonce au Commandant, qu'ils ont quelque chose. Les chiens ne cessent d'aboyer. Les habitants et la famille sont invités à patienter et les policiers sur place font barrage entre eux et nous. Je lis la détresse dans les yeux de celle que mon corps appelle. Un dernier regard vers cette beauté qui me coupe le souffle et je suis appelé pour aider les autres, plus bas dans cette épaisse forêt. Mes coéquipiers et moi-même avançons vers ce qui semble être un corps. Notre sac de soins sur le dos d'un de mes hommes, nous parvenons à découvrir cette silhouette. Le corps d'une jeune femme, inerte, à moitié dénudé dont les parties intimes sont découvertes. Je fixe ce visage, un visage qui me paraît familier et totalement tuméfié. C'est ainsi que je comprends. Cette jeune femme, aussi belle soit elle, est celle que nous recherchions. J'avale ma salive et m'accroupis à côté de ce visage qui ressemble trait pour trait à celle qui fait battre mon cœur. J'ai une sensation de bile dans la gorge. Je me reprends, je me dois d'être professionnel. Je pose deux doigts sur sa jugulaire, et avec tristesse, je ne sens aucune pulsation.

— Commandant, je suis navré mais je ne sens aucun pouls. Est-ce qu'on peut faire venir le médecin-légiste pour qu'il déclare le décès ?

— Très bien, je l'appelle. Je vous laisse recouvrir le corps en attendant, j'appelle aussi la crim et je me charge d'aller voir la famille en haut pour leur annoncer dès qu'on aura la constatation du médecin, me dit-il d'un ton neutre, sans aucune émotion.

Au loin, j'entends des éclats de voix.

— Mademoiselle, non...

Je me relève et me tourne dans la direction des cris. Et je la vois.

Elle court si vite que les policiers peinent à la rattraper.

Je cours dans son sens mais je vois bien dans ses billes azur qu'elle a vu ce qu'elle n'aurait jamais dû voir.

Elle a compris. Elle sait.

Je la vois se décomposer et ce hurlement me brise totalement.

Elle tombe sur les genoux et ma raison me somme de l'aider.

Je m'accroupis près d'elle, la porte dans mes bras et l'emmène loin de cette horrible scène.

Elle se débat au début mais je la maintiens contre moi. Son petit corps frêle frissonne.

Son souffle contre la peau de mon cou et ses larmes qui se déversent sur mon uniforme n'aident pas à calmer les frissons que je ressens. J'essaie tant bien que mal d'apaiser sa douleur. Je la serre fort contre moi, mon cœur palpite dans ma cage thoracique et j'ai l'impression qu'il essaie d'en sortir. Je lui susurre tout bas les mots que j'aurai aimé entendre.

— Ça va aller, je suis là !

Elle s'accroche à moi. Aussi fort qu'elle le peut. Tout le monde s'affairent autour de nous mais je ne veux pas quitter la bulle que nous venons de nous construire à l'instant. Je la sens contre mon corps et j'ai l'impression de respirer. Cette sensation est nouvelle et je me demande ce que je suis en train de faire. Je bosse normalement, le Commandant ne me loupera pas avec cet instant suspendu et je vais le regretter, amèrement.

Tony s'approche et me parle tout bas comme pour ne pas effrayer celle que je ne lâche pas. Je n'en éprouve aucune envie et au vu du regard désapprobateur de mon coéquipier, je le payerai cher plus tard.

— Je vais t'arranger le coup avec le chef, me chuchote-t-il.

Je réponds par un signe de tête et il s'éloigne pour aller parler à notre responsable. J'hume la peau de cette beauté et je me liquéfie. Mon sexe se réveille. Je ne devrais pas éprouver cela maintenant. Je ne veux pas la terrifier et ce n'est pas ce genre de chose qui la fera rester dans mes bras. J'observe mes collègues discuter tout en me regardant. Je lève les épaules comme pour leur faire comprendre que je ne sais pas trop ce qui se passe avec cette fille et de loin, il me signe que je peux y aller. Je n'en reviens pas de sa décision mais l'accepte sans perdre une seule minute.

La jeune fille me regarde lorsque je nous aide à nous relever. Ses yeux embués me fixent intensément et je ne sais pas comment m'y prendre. Moi qui ai toujours été un mec sûr de lui, je me retrouve à être perdu face à cette magnifique femme.

— Désolée, bredouille-t-elle.

Je ne saisis pas pourquoi elle me dit ça mais elle doit le voir dans mes yeux et poursuit :

— Désolée de vous mettre dans une telle situation.

Elle baisse sa tête et la voyant peinée, j'attrape son menton et lui remonte le visage pour que ses yeux s'arriment au mien.

— Ne le sois pas, c'est dur je le sais et je suis là. Si tu le souhaites, je te raccompagne.

Ses larmes se déversent à nouveau et elle me répond doucement :

— Merci, je veux bien.

J'avance vers le sentier pour m'éloigner le plus vite possible de cette découverte macabre. Pour protéger son cœur meurtri, pour adoucir sa peine. Nous avançons, elle se serre de plus en plus contre moi et mon palpitant réagit. Sa main dans la mienne, je lui caresse doucement sa peau. Elle est si douce. Mes pensées divergent vers des idées charnels qui n'ont pas leur place ici et maintenant.

— Si ça t'intéresse, moi, c'est Aksel. J'espère que ça ne te dérange pas que je te tutoie, d'ailleurs.

— Non, du tout. Dommage de faire ta connaissance dans ces conditions, moi, c'est Elya.

— Enchanté, tout de même, Elya.

— Je suis venue en voiture mais je ne me sens pas de conduire. Ça ne te dérange pas d'attendre un peu avec moi.

— Pas du tout, on fera comme tu le sens.

Nous finissons le chemin jusqu'à son véhicule dans le silence. J'essaie de rester patient, ce que je n'ai pas l'habitude de faire. Cette fille m'excite mais je ne peux pas. Je signerai mon arrêt de mort et Tony n'approuve pas que je me joue des filles de cette façon et se ferait une joie de me casser la gueule cette fois. Mais avec Elya, je ne sais pas, ce n'est pas pareil. Elle m'attire depuis que mon regard s'est posé sur elle. Est-ce qu'il existe une seule personne sur Terre à qui ce genre de chose est déjà arrivé ? Parce que je veux bien la notice.

Elya ralentit sa marche et fouille dans ses poches. Elle sort ses clefs de voiture et en déverrouille une. Une Toyota Auris. Un petit rictus apparaît sur ses lèvres et elle m'invite à y prendre place à ses côtés. En contournant le bolide de ma belle, je découvre qu'elle roule en hybride. Je suis attiré par ce nouveau genre d'énergie. Je lui demanderai son avis sur cette source de puissance lentement mise en service en France. Ma main se pose sur la portière que j'ouvre. Je m'installe sur le siège passager et Elya fait de même.

Elle m'observe en silence et je vois ces yeux qui s'illuminent. Je rêve où j'ai l'impression que la tentation est réciproque.

— Ça va aller ? je lui demande

— Oui maintenant, avec toi, ça va mieux.

Elle me désarçonne. Je ne sais pas quoi lui répondre. Je regarde aux alentours, personne. Quand mes yeux se verrouillent aux siens, elle pose sa main sur la mienne avec douceur. Mon cœur bat la chamade, ma respiration s'accélère. Elle s'approche doucement de mon visage et me murmure un simple merci. Je suis happé par son charme et je perd les pédales. Ma bouche fond sur la sienne. C'est doux, timide et j'aime ça. Je ressens toute la sincérité de ce baiser. Mais qu'est-ce que je suis en train de faire ? Elya se rapproche et de mes deux mains, j'attrape son visage en coupe et à cet instant précis, je réalise que jamais je ne pourrais oublier cette première fois.

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