Épilogue
Septembre 2017
-" Les enfants auront, désormais, la possibilité de rattraper leur retard ou de développer davantage leurs compétences grâce à notre centre gratuit pour les familles défavorisées ou étrangères. Les élèves seront les bienvenues jusqu'à cinq fois/ semaine. Nous travaillerons la pédagogie active et le socio-constructivisme, tout en réalisant des activités en lien avec les intérêts de chacun. "
Lydia termine son discours. La foule nous applaudit poliment alors qu'Idriss hurle comme un putois. Tout le monde se tourne vers mon petit ami. J'évite son regard et décide de faire comme si je ne le connaissais pas. Après tout, nous sommes trois sur l'estrade. Il pourrait accompagner n'importe laquelle d'entre nous.
Lydia et Isy sont deux maitresses formidables qui partagent les mêmes opinions que moi sur l'enseignement. C'est pourquoi nous avons décidé de nous allier et de créer ce centre pour les enfants comme Samir, des petits bouts qu'on a tendance à négliger ou à juger sur leur origine sociale.
C'est Raphael qui nous a mis en contact et je ne le remercierai jamais assez pour ça. C'est d'ailleurs la raison d'être de cette soirée, une manière pour nous de dire merci à toutes les personnes qui ont fait des dons ou qui ont travaillé bénévolement durant de nombreux mois.
Je m'apprête à débarrasser le buffet quand Isabelle m'arrache les assiettes sales des mains :
-"Va retrouver ton petit clown." rit Isy en me poussant vers la foule. "Tu as le droit de t'amuser ce soir."
Je la remercie et me faufile parmi l'impressionnante assemblée, des journalistes se sont même incrustés à la partie. Ils sont en train d'interview Lydia quand je l'aperçois, un sourire rayonnant sur les lèvres.
- "Excusez-moi, on se connait ?" dis-je innocemment.
-"Si on peut même plus encourager sa meuf, où va le monde ?" me répond-il, la main sur le coeur.
Nous restons là à nous toiser durant quelques secondes avant de rire à chaudes larmes. Je me blottis contre lui et accepte le verre qu'il me tend.
Idriss a fait de gros efforts ce soir. J'ai réussi à le convaincre de ne pas venir zapper en sweat à capuche. Il porte une chemise noire et un jean de la même couleur. Toutefois, il a insisté durant des heures pour avoir le droit de mettre sa grosse veste au motif militaire par dessus. J'ai accepté tout en lui confisquant sa casquette. Un vrai gamin.
L'une de ses mains vient se poser dans mon dos. Son souffle me chatouille le dessus du crâne :
- "Je t'aime Lana."
A chaque fois qu'il prononce ces mots, je sens mon coeur battre un peu plus fort. Je me place sur la pointe des pieds pour l'embrasser du bout des lèvres.
-"Moi aussi je t'aime."
Je me colle à nouveau contre son torse alors qu'une voix retentit dans mon dos.
-"Chérie."
Papa m'embrasse et me félicité. Sa main se tend, ensuite, vers le rappeur :
-"Idriss."
Je ne dirais pas que c'est l'amour fou entre eux, mais disons simplement que papa a fini par accepter notre relation (Pourtant, ce n'était pas gagné. Je vous laisse imaginer la tête de mon père quand il s'est renseigné sur le travail d'Idriss et qu'il a commencé par écouter Invasion dont le couplet de mon petit ami reste plus que douteux).
-"Luke, je peux vous offrir un verre ?"
-"Volontiers."
Idriss fait signe à mon père de le suivre. Ils prennent la direction du bar et je me précipite jusqu'à ma bande de bras cassés.
Shannon me salue avant de tirer Ken par le bras. Ces deux là partent "discrètement" s'isoler dans les toilettes. Ils ne sortent même pas ensemble et pourtant leur relation est déjà des plus compliquées. Ken éprouve de grosses difficultés à accepter le job de Sha. Pour lui, la police est synonyme de problème et d'incompétence. Ils passent donc leur temps à se disputer ou à s'envoyer en l'air. Tout ce que j'espère, c'est que cette histoire ne se termine pas par un bain de sang. J'ai assez donné dans les affaires criminelles.
-"C'est génial ce que t'as fait ici !" s'exclame Théo en passant son bras autour de mes épaules.
-"Oui Lana, félicitations. Tu es super jolie" rajoute Julia, sa femme, en observant ma robe noire dont le décolleté met en valeur ma poitrine généreuse (merci Raphael pour le cadeau).
Durant ces derniers mois, je me suis beaucoup rapproché du garçon. Par conséquent, il est souvent fourré à l'appart. Idriss adore son pote... Cependant, il nous a déjà mis à la porte parce qu'on riait trop fort et que ce dernier avait la gueule de bois. C'est ainsi que j'ai fait la connaissance de Julia, une femme aussi adorable que peut l'être son mari. Ils sont faits pour être ensemble.
Je discute durant quelques instants avec le couple. Mohammed et Ivan ont pris la peine de faire le déplacement et se joignent à la discussion.
Je finis par perdre le fil lorsque Hakim vient s'installer à ma droite. Depuis l'arrestation de Medhi, son agressivité a été multipliées par dix. Le garçon est encore plus silencieux que d'habitude. Le procès de son cousin arrive à grand pas et son état ne fait qu'empirer au fil des semaines. Je vais devoir veiller sur lui, comme lui l'a fait pour moi à de multiples reprises.
Le grand frère me pousse gentiment quand il comprend que je l'observe :
-"Le nain de jardin va arrêter de me fixer sinon ça va mal finir. "
Je ris et dépose ma tête contre son bras, étant trop petite pour atteindre son épaule.
-"Merci d'être venu."
Hakim ne bouge plus, il déteste les marques d'affection en public.
-"Ouais, c'est rien." dit-il en me repoussant à nouveau.
Je m'apprête à répliquer, mais, quand je vois un fin sourire se dessiner sur son visage, je sais que c'est déjà une grosse victoire.
***
Un peu plus tard, je me félicite pour cette soirée d'inauguration alors nous passons la porte de mon appartement.
Nous sommes accueillis comme des rois par Popps qui semble surgir de nul part.
-"Ho, tu diras à ton clébard de se calmer avant que j'envoie les molosses de mon reuf s'occuper de son cas. "
Idriss caresse maladroitement le beagle qui semble prendre ses menaces comme une invitation à jouer.
Je lève les yeux au ciel et attire l'animal contre moi.
-"Il fait comme s'il te détestait alors que c'est lui qui a insisté pour que je t'adopte."
Je m'apprête à recevoir une réponse cinglante de sa part, mais, Idriss reste étrangement silencieux. Les mains dans les poches, il regarde par la fenêtre.
Je me redresse et m'installe à ses côtés.
Idriss passe son bras autour de mes épaules et m'attire un peu plus contre lui.
- "Ca va faire un an..." murmure-t-il à mon oreille.
Un an qu'il a été embarqué par mon père un soir où je venais diner au poste, un événement qui en a entrainé beaucoup d'autres, certains plus joyeux que d'autres.
Je place mes mains de chaque côté de son visage, ses yeux sombres m'observent avec intensité.
-"Oui... Ca va faire un an que ton frère doit un nouveau distributeur. Tu sais, comme il a cassé celui à l'entrée du poste."
Idriss rit de bon coeur. Ses fossettes apparaissent. Il n'a jamais été aussi beau. Ses cheveux ont beaucoup poussé ces derniers mois et, contre toute attente, cela me plait beaucoup.
-"T'es une ouf Lana."
Nos lèvres se rencontrent et sa main droite vient se poser sur mon ventre. C'est un geste qui accompagne notre quotidien, c'est comme s'il voulait vérifier que tout allait bien, que ma cicatrice n'allait pas s'ouvrir à nouveau du jour au lendemain.
Ses baisers sont toujours à la fois doux et sauvages et je me rends compte, à cet instant, que j'ai beaucoup de chance.
J'espère que la vie nous laissera, désormais, un peu plus de répit.
On l'a bien mérité après tout.
Mais ça, c'était sans compter sur l'année 2018...
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