Chapitre 55 - Un sentiment

Durant un court instant, je pense halluciner.

Idriss, vient-il réellement de dire qu'il m'aimait alors qu'il riait à l'une de mes blagues ratées ?

Je suis prête à lui demander de répéter, faire comme si je n'avais pas bien entendu.

Mais ses yeux qui s'agrandissent et son sourire qui disparait suffisent à me faire comprendre que tout est réel.

Idriss a prononcé les trois mots.

Le temps que je reprenne mes esprits, le rappeur s'est déjà levé d'un bond avant de prendre la direction de la porte.

-"Je t'attends dans la voiture." dit-il en disparaissant de mon champs de vision.

Durant le trajet jusqu'à mon appartement, je tente d'articuler quelques mots, mais, le jeune kabyle ne me laisse pas continuer pour autant :

-"Ne dis rien. Jamais."

Sa voix est étrangement calme. Il regarde droit devant lui alors que je suis, moi-même, perdue dans mes pensées. La scène de l'hôpital passe en boucle dans ma tête, et, mon coeur s'accélère à chaque fois qu'il me sourit et qu'il s'exprime à mon sujet.

Lorsque nous arrivons chez moi, Idriss m'aide à monter les escaliers. Il attend que je sois assise dans le canapé pour me tendre les clés.

-"Essaie de pas trop bouger d'accord ?"

J'acquiesce. Idriss doit prendre mon signe de tête comme une invitation à partir car il s'engage déjà vers la sortie.

Mon cerveau semble, subitement, se réveiller quand il passe l'embrasure de la porte.

Je ne peux pas le laisser partir comme ça. Pas maintenant.

-"Idriss, attends !"

Je me redresse beaucoup trop rapidement. Je suis prête à faire sauter mes points (une nouvelle fois) pour le rattraper. Je passe la porte et je cours comme une folle dans les escaliers.

Quand il m'entend crier son nom, Idriss fait demi-tour et se précipite pour me rattraper. Je suis à deux doigts de tout dégringoler lorsque ses mains viennent se placer sur mes hanches.

-"T'es sérieuse ? T'es censée rester assise. Qu'est-ce que tu ne comprends pas là-dedans ?" clame-t-il un peu trop fort .

Mais je m'en moque, je ne veux pas qu'il s'en aille. Après, il sera trop tard.

-"Il faut qu'on parle ! "

Le garçon balance sa tête de gauche à droite :

-"Non Lana, t'es une ou... T'es irresponsable !"

Pourquoi ne pas finir sa phrase ? Je suis une ouf, et il m'aime.

Quant à moi...

-"Ecoute-moi s'il te plait ! Ton frère a raison sur toute la ligne."

Le rappeur fronce les sourcils tout en me questionnant du regard.

Idriss et les sous-entendus... Une histoire qui ne changera plus.

Mais ça me fait sourire, parce que ça fait partie de son caractère, parce que c'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai envie de lui parler maintenant.

-"Fais un effort bon sang ! Je suis en train de te faire comprendre que je suis amoureuse de toi !"

Ma gorge se serre quand je termine ma phrase, toute mon assurance a disparu. Quant à mon coeur, il tente, désormais, de s'échapper de ma poitrine. J'ai mal dans le bas du ventre, je suis épuisée...Et pourtant, à cet instant, j'oublie tout ce qu'il y a autour de nous.

Idriss place l'une de ses mains sous mon menton. Ses traits semblent s'adoucir alors qu'il m'observe avec ses sombres prunelles. Toutefois, il y a quelque chose de nouveau dans ses yeux, une lueur que je ne connais pas encore.

Sa poigne se renforce lorsqu'il murmure :

-"Je sais pas ce qu'on doit faire de ces infos, je suis complètement paumé."

-"Moi aussi, on craint un max."

Un sourire moqueur se dessine sur son visage :

-" Depuis quand tu dis craindre un max ?"

Je hausse les épaules :

-"Mes élèves me tiennent à la page."

Son visage n'est plus qu'à quelques millimètres du mien.

-"Tu parles comme une grand-mère ouais."

Je m'avance, moi aussi :

-"Et alors ?"

Et alors, il m'embrasse.

Mon corps est en ébullition et le souffle me manque.

Cette journée a été pourrie mais par sa simple présence, Idriss rend les choses beaucoup plus faciles.

C'est comme si le monde disparaissait, il n'y a plus que lui et moi et le rythme saccadé de nos deux pouls, un doux mélange de joie et de peur.

Idriss finit par reculer son visage du mien. Il m'analyse longuement, à la recherche d'un regret ou d'une faille.

Mais il n'en trouvera pas, c'est pourquoi mes doigts viennent s'entrelacer aux siens alors que nous remontons jusqu'à mon appartement.

Une fois la porte fermée à double tour, nous nous toisons encore quelques secondes. Il ne m'en faut pas plus pour me jeter à corps perdu sur ses lèvres. Nous prenons la direction du canapé. Idriss s'assied et, sans cesser notre étreinte, je me place sur ses genoux, une jambe de chaque côté de sa taille.

Je lui enlève sa casquette pour ne pas qu'elle nous gêne d'avantage. Ses mains se baladent sous ma robe et mon corps frissonne.

C'est alors qu'il s'exclame d'une voix haletante :

-"Ta blessure Lana, il faut faire attention."

C'est drôle, mais, j'ai l'impression qu'il en a peur. Je vois encore son visage se refermer en la découvrant.

Je me saisis de sa main et la déplace vers ce qui ne sera bientôt plus qu'une cicatrice. Il a un geste de recul, mais, je ne le lâche pas.

-"Je vais bien et ce n'est pas ta faute." dis-je d'une voix basse.

Idriss se mordille la lèvre inférieure.

-"Je me déteste de pas avoir été là."

-"Arrête. Je vais avoir un souvenir de guerre. Généralement, c'est le genre de truc que vous trouvez sexy."

Ses prunelles me fixent désormais alors que sa main se pose délicatement contre mon ventre.

- "T'avais pas besoin de ça pour être belle." affirme-t-il avec assurance.

J'ai soudainement très chaud et une drôle de sensation au creux des reins.

C'est ça être amoureuse ? Avoir son coeur qui joue aux montagnes russes à chacune de ses phrases ?

Je dois rougir car Idriss me lance un clin d'oeil.

-"Arrête d'être aussi sûr de toi." je souffle en levant les yeux au ciel.

Le garçon me répond en déplaçant ses mains sous mes fesses. Son corps est collé contre le mien lorsqu'il commence à déposer des baisers le long de mon cou.

Il susurre dans le creux de mon oreille :

-"Je vais te rappeler ce que je sais faire avec mes doigts. Après tu me diras encore si j'ai tord d'avoir confiance en moi."

Je ramène brusquement son visage près du mien et nos baisers sont de plus en plus fiévreux.

Lorsqu'il pousse un gémissement contre mes lèvres, j'ai l'impression de perdre la tête.

Je suis prête à m'abandonner complètement.

Il m'a tellement manqué.

***

Un peu plus tard, nous sommes assis l'un à côté de l'autre, une couverture sur le dos. Nous regardons avec intention le journal du soir.

Comme nous l'avions supposé, Ils évoquent le sujet Medhi.

A vrai dire, c'était couru d'avance. Sa drogue fait encore de nombreux ravages auprès des adolescents.

Je sens le coeur d'Idriss manquer un battement quand son cousin apparait à l'écran.

Je me redresse et me saisis de la télécommande. Il n'est pas encore prêt pour ça.

Idriss me sourit comme si tout allait bien avant de se saisir de sa bouteille d'eau. Il est nerveux. J'ai déjà remarqué qu'il était capable d'avaler une quantité importante de n'importe quel breuvage lorsqu'il n'a pas envie de discuter ou qu'il se sent de trop.

-"On n'a pas encore parlé de ce que tu ressens, par rapport à Medhi."

Ses doits délicats viennent se perdre dans mes cheveux.

-"J'sais pas trop quoi te dire. C'est bizarre. C'est dur de se dire qu'on a été trahi par son propre sang. "

Je n'ose même pas imaginer.

-"Le pire est derrière toi. Tu vas partir en tournée et profiter de la vie."

L'histoire Medhi va être mise entre parenthèse, du moins jusqu'au procès.

Idriss se gratte la barbe en ajoutant :

-"Et profiter de toi surtout."

Je ris. Je comprends, assez facilement, que c'est sa façon à lui de dire qu'il souhaite tenter un truc avec moi.

Moi aussi je le veux, pour la première fois, je n'ai plus peur de nous donner une chance.

Mais pour ce faire, il est temps que je tourne la page et que j'enterre mes démons.

Je le contemple quelques instants avant de déposer ma tête sur son épaule.

-"Idriss, je vais avoir besoin de ton aide."

Son sourire s'agrandit et son menton vient se poser sur le sommet de mon crâne.

-"Tout ce que tu veux jolie Lana."

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