Chapitre 51 - Un dernier round

L'homme qui se tient devant moi ne ressemble plus à celui que j'ai connu et avec qui je suis sortie un soir. Son côté gentleman et bienveillant laisse, désormais, place à de l'agressivité incontrôlée.

D'un côté, je peux le comprendre : son plan a volé aux éclats et je lui ai menti dans le but d'obtenir ses aveux. Mais d'un autre côté, je ne suis pas d'humeur à lui accorder ma pitié. Comme le dit si bien le dicton : Tel est pris Celui qui croyait prendre.

Toutefois, pour être tout à fait honnête, Medhi m'effraie.

Il est là, à guetter comme un renard, prêt à bondir à tout instant. Sa première gifle était si violent que je suis tombée sur le coup. Ma joue abimée est là pour me rappeler qu'il n'hésitera pas une seule seconde avant de me faire du mal.

Assise sur le sol, je recule instinctivement et glisse de l'autre côté du mini-bar, comme si ce dernier était capable de me protéger de ses coups. Je m'attendais à ce qu'il me suive... Pourtant, Medhi n'a pas bougé d'un millimètre. Il m'observe.

Le renard attend que le lapin sorte de son terrier.

Je dois trouver une solution pour me sortir de là, et vite.

Quand j'analyse les différentes possibilités qui s'offrent à moi, Medhi a toujours l'avantage de la situation, parce qu'il est beaucoup plus fort, mais aussi, beaucoup plus rapide. Quoi qu'il en soit, je dois tenter quelque chose et choisir une porte de sortie.

L'entrée du studio est bien trop éloignée de notre position. Je vais donc devoir passer par le jardin. Reste encore la question du comment faire pour le ralentir ?

Mon regard se tourne vers les stylos de Ken trainant sur la table, ceux-ci ne me seront d'aucune utilités. Puis, vers les verres d'alcool, qui sont, quant à eux, bien trop dangereux à utiliser ; je ne veux pas le blesser. Enfin, je m'arrête sur les bouteilles de la réserve d'Hakim.

Une idée me traverse l'esprit. Il me pardonnera. C'est une question de vie ou de mort.

J'ouvre le récipient et balance le contenu vers le visage de Medhi. Il hurle de rage et se frotte les yeux avec énergie. L'alcool lui brûle la rétine lorsque je me précipite vers la baie vitrée.

L'air frais du matin me fouette le visage. Je commence à courir, mais, déjà je sens qu'il me rattrape. Medhi me pousse et je tombe en avant. D'un geste précis, son pied droit vient écraser ma cheville.

-"Où tu penses aller comme ça hein ? "

L'homme d'affaire m'oblige à me retourner, je suis maintenant sur le dos. Il s'appuie sur mon buste et m'empêche de bouger. Heureusement pour moi, Medhi ne contrôle pas mes jambes. Je lui balance un coup de genoux dans le dos qui a le mérite de détourner son attention durant quelques secondes. Il se redresse légèrement pour regarder derrière lui. Ma jambe glisse, ensuite, entre les siennes et lui assène un nouveau coup de genoux, cette fois bien placé.

Medhi roule sur le côté, il m'insulte en arabe. Je me relève, mais, ma cheville me ralentit. Je m'apprête à prendre la direction de la ruelle, celle qui mène vers le parking où se trouve ma voiture..C'est là que j'aperçois deux hommes surveillant l'entrée.

Evidemment, Medhi n'est pas venu seul. Un homme avec autant de clients doit avoir des complices. Je reconnais ses amis, ceux qui sont venus à la soirée de bienvenue.

On s'est fait avoir comme des bleus.

Et maintenant, je suis prise au piège avec Medhi d'un côté, et ses hommes de main de l'autre. Il ne me reste qu'un semblant d'échappatoire... Et ce dernier se trouve sur le toit de Seine Zoo Record.

Je grimpe l'échelle malgré ma douleur à la cheville. Soudain, je sens qu'on m'attrape la jambe. Je suis à deux doigts de tomber alors je raffermis ma prise. Ma course se termine sur la terrasse aménagée. Il y a toujours la petite table accompagnée de couvertures, de vidanges de bières et de quelques chaises... Et bien évidemment, toujours cette magnifique vue sur Paris.

-"Tu te rappelles du jour où tu m'as expliquée que pour toi, c'était un endroit parfait pour mourir heureux ?" hurle Medhi dans mon dos.

Il m'a suivi. Avec ses cheveux en bataille et ses yeux rouges, sa folie semble avoir pris possession de son esprit. Il n'abandonnera pas avant d'avoir obtenu ce qu'il voulait.

Un sourire narquois se dessine sur ses lèvres :

-"Je vais exaucer ton voeux. "

Je n'ai plus d'échappatoire. Si Hakim avait décidé de venir comme demandé, il serait déjà là. Il a dû ignorer mon e-mail tout comme mon appel. Quant à mon père, ça va lui prendre un long moment avant de trouver ma localisation. Alors, je tente de faire revenir à la surface le gentil garçon, celui qui m'a tenue la main et qui me parlait de littérature.

-"Il n'est pas trop tard. Je sais qu'au fond de toi, tu ne souhaites pas me faire de mal. "

Medhi laisse échapper un rire dément, mes paroles ne lui font aucun effet :

-"Je ne veux pas te faire de mal, c'est vrai. Mais Idriss doit souffrir. Je vais partir très loin. Et toi, tu ne le retrouveras pas. Si je ne t'ai pas eu, il ne t'aura pas non plus ! "

Il se précipite sur moi et nous tombons à la renverse. Ma tête cogne contre la table . Medhi se redresse légèrement et passe sa main dans mes cheveux. Du sang coule sur ses doigts, j'ai dû salement m'amocher en tombant. L'adrénaline m'aide à supporter la douleur, mais, ma vue se brouille et je n'aperçois bientôt plus que des formes approximatives.

-"Il n'ira pas en prison. Cependant, il aura ta mort sur la conscience." murmure Medhi.

Et c'est là que la douleur devient insupportable.

Parce qu'il a sorti un couteau de sa poche...Et cette petite lame, elle vient se loger dans mon ventre.

Medhi se relève, un sourire serein se dessinant sur son visage :

-"Un dernier mot avant de mourir ?" miaule-t-il en caressant ma joue.

Je tente de m'exprimer avec assurance. Pourtant, je n'ai jamais été aussi effrayée par quelqu'un :

-"Le jour où je suis sortie avec toi, j'ai embrassé Idriss durant la soirée. C'est là que je me suis rendue compte à quel point tu étais ennuyeux."

Comme je pouvais l'espérer, son sourire disparait pour de bon. Toutefois, j'ai également ravivé sa colère. Son poing vient appuyer avec rage contre ma blessure à l'abdomen. Je suis à deux doigts de m'évanouir lorsqu'un cri strident s'éternise dans ma gorge. J'utilise mes dernières forces pour tourner ma tête vers Medhi qui finit par s'éloigner et qui se précipite vers l'échelle.

Idriss sortira, mais, il n'y aura pas de justice. Tout espoir est en train de m'abandonner..

Et c'est là, que deux grosses mains viennent empoigner Medhi et l'empêche de rejoindre la terre ferme.

Il faudrait être aveugle pour ne pas reconnaitre Hakim qui balance des coups de pieds dans les côtes de son cousin. Ken et Théo se déchainant avec lui.

-"Espèce de connard, ta propre mif ! "

Ils vont finir par l'achever s'ils continuent comme ça. On n'en sortira jamais indemne s'ils tuent l'unique responsable de cet enfer. Dans mon coin, cachée par la table et les chaises empilées, je tente de les appeler :

-"Arrêtez, s'il vous plait..."

J'i l'impression qu'aucun son ne sort de ma bouche. D'ailleurs personne ne se retourne vers moi.

Je suis à l'autre bout de la terrasse, inutile et à moitié consciente.

Soudainement, Ken semble réaliser quelque chose :

-"Pourquoi il a du sang sur lui ?"

Personne ne lui répond. Il recule et regarde autour de lui, sa tête se balançant dans toutes les directions. Quand il m'aperçoit, ses yeux se plissent, comme pour tenter de comprendre ce qui est en train de se dessiner sous ses yeux.

Ken finit par s'approcher. Il s'accroupit et se met aussitôt à crier lorsqu'il me reconnait :

-"Lana. Merde. Putain ! Les gars, ramenez-vous. Tout de suite. Bordel. C'est quoi ça ?"

Théo se retourne à son tour. Hakim, lui, est toujours occupé à se battre. Medhi a repris des forces et tente de se défendre.

Plus Théo s'approche de nous, plus son visage s'assombrit. Ken lui demande d'appeler les urgences. Ses mains tremblent toujours quand il compose le numéro.

Quant à Ken, il est à deux doigts d'exploser :

-"Putain, putain, putain. Qu'est-ce que je dois faire Lana ? Il y a trop de sang... Non, ne parle pas !" ordonne-t-il. "HAKIM PUTAIN !"

Le grand frère se retourne enfin vers nous. Il tient fermement Medhi qui est à deux doigts de perdre connaissance, lui aussi. Son regard fait des aller-retour entre notre position et celle de Medhi, l'homme responsable de l'arrestation de son frère, homme qu'il connait depuis toujours.

Il semble hésiter : soit il vient m'aider, soit il continue sa vengeance personnelle. La mâchoire serrée, il finit par lâcher le traitre qui s'écroule sur le sol.

En s'éloignant de son cousin, il déclare, un doigt toujours pointé dans sa direction :

-"J'en ai pas fini avec toi."

J'entends Hakim s'installer à mes côtés. Il donne des indications à Ken. Sa voix est ferme quand il s'exclame :

-"Lana, regarde-moi."

Mais je refuse. Il faut que je surveille Medhi. Il est en train de se relever.

-" T'as pas intérêt à crever maintenant. J'ai pas encore réglé ton cas." grince Hakim entre ses dents.

Je lui tends ma main qu'il empoigne de toutes ses forces. Ken semble presser quelque chose contre ma blessure. Je suis incapable de me redresser pour vérifier.

Medhi se dirige à nouveau vers l'échelle. Sauf que cette fois-ci, personne n'est là pour l'arrêter. Il disparait de mon champs de vision. Je pense, à cet instant, que tout est fini et qu'il ne sera jamais puni pour ce qu'il a fait.

Je ne sais pas combien de temps s'écoule exactement alors que je suis entourée par les garçons. Toutefois, je finis par apercevoir Théo se précipiter vers le rebord. Ses yeux s'agrandissent et ses sourcils se redressent :

-"Les flics sont là ! Ils les ont arrêtés !"

Papa, je t'aime.

On a réussi. PUTAIN.

Les mots de Théo agissent comme un signal. Je ferme les yeux et je lâche la main d'Hakim.

-"Tu fais quoi là ? Elle est où la téméraire ? Regarde-moi, putain !" hurle ce dernier.

Mais je suis incapable de lui obéir.

Je murmure quelque chose au grand frère.

Et puis, c'est le trou noir.

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