Chapitre 45 - Une voiture


J'éprouve  des difficultés à respirer. Ma gorge est en feu. 

C'est dans ces conditions, à la fois étranges et désagréables, que j'ouvre les yeux. 

 Il me faut quelques instants pour réaliser que je suis dans ma voiture, sur le siège passager.  Je me redresse progressivement. J'ai besoin de boire quelque chose. Je pose ma main sur ma gorge et je tente de comprendre ce qui se passe. 

-"C'est normal si t'as mal. Tes voies respiratoires sont brûlées grâce à ma petite lacrymo. "

Thomas...

Tout me revient en mémoire : ma respiration bloquée, mon coeur qui bat beaucoup trop vite, cette puanteur d'alcool se dégageant de son haleine... 

-"Qu'est-ce que tu as fait ?" 

J'ai envie de crier, mais, je n'y parviens pas. J'arrive à peine à articuler. 

Quant à ma vue, elle est encore brouillée. Je n'entends que le son de sa voix. 

-"Je t'ai balancé un peu de ma réalisation perso. Mon gaz brûle tes voies respiratoires alors elles se referment durant quelques minutes. J'ai crû que t'allais mourir sur place."

Il est complètement défoncé. Sa voix est démente. Ce n'est pas le jeune homme que j'ai connu il y a quelques années...Celui qui rendait mon frère si heureux, celui qui l'emmenait voir des spectacles et qui chantait avec lui des morceaux de Michael Jackson dans le bar au coin de la rue. 

J'ai envie de croire qu'une infime partie de ce Thomas réside toujours en lui. 

C'est à ce moment là que je réalise un détail important : il roule. 

Il roule même beaucoup trop vite. Son regard est tourné vers la route et ses sourcils sont si froncés qu'ils sont presque en train de se toucher. 

-"Qu'est-ce que tu fais Thomas ? Arrête s'il te plait."

Mais mes paroles sont vaines. 

Une de ses mains lâche le volant et vient se refermer sur le haut de mon crâne. Il me tire les cheveux et m'oblige à rester au fond de mon siège. 

Il force tellement qu'il m'arrache quelques mèches. Un petit cri de douleur s'échappe de mes lèvres, ce qui renforce la sensation de brûlure au fond de ma gorge. 

-"Il est mort à cause de nous. Il est temps de rejoindre Léo."

Je ne comprends pas immédiatement ce qu'il a en tête. Toutefois, tout s'éclaire assez rapidement... 

Car il finit par griller un premier feu rouge.

Je ferme les yeux et me tiens fermement à la poignée de porte, comme si ça allait changer quelque chose. J'entends des voitures klaxonner, des pneus qui glissent sur le sol. Je m'apprête à recevoir un premier choc, mais, rien ne se passe. 

-"Putain !  pourquoi ils freinent ceux là ?" braille Thomas en cognant de toutes ses forces contre mon volant. 

Il faut que j'analyse la situation : je ne peux pas sortir, les portes sont fermées. De plus,  j'ai ma ceinture. Ce qui implique qu'il a le temps de m'arrêter si je tente de l'enlever et de désactiver le verrouillage de la voiture. Je ne peux pas, non plus,  mettre en danger les autres conducteurs en braquant brusquement le volant... Thomas risque de reprendre rapidement le contrôle et il a beaucoup plus de force que moi. 

Des larmes commencent à couler le long de mes joues. Je suis foutue.

Réfléchis Lana putain. C'est pas le moment de céder à la panique. 

Il veut qu'on meurt tous les deux aujourd'hui. 

Tous les deux...

-"Thomas, pourquoi tu as dit : à cause de nous ? "

-"Je voulais dire à cause de toi  ! Ferme-là maintenant ! "

Sa voix a flanché. Il prend la direction du prochain carrefour. 

C'est maintenant qu'il faut réfléchir. Léo, aide-moi s'il te plait...

Mon petit frère... Il n'avait pas encore informé papa de son homosexualité. Alors, il allait à des rendez-vous secrets avec Thomas. La plupart du temps, j'en étais informée. 

Cependant, peut-être que ce jour-là, il n'a pas eu le temps de le faire. Il a du se décider en entendant papa me confier la tâche de retourner au magasin.

-"Il a proposé d'aller à ma place pour te rejoindre après, n'est-ce pas ? "

-"Ta gueule !"

Il accélère encore et nous arrivons au prochain feu rouge. Je ferme les yeux et je prie. 

Quoi exactement ? Je n'en sais rien. N'importe qui. 

Mon cœur s'accélère, ma jambe tremble sans s'arrêter tout en appuyant sur un frein imaginaire.

-"Putain ! Mais vous arrêtez pas !"

La voix de Thomas me fait comprendre que son plan a, encore une fois, échoué.

Je suis incapable de parler. Il fait demi-tour, prêt à retenter une nouvelle fois l'expérience.

Lana, c'est pas le moment de la fermer. C'est le moment de bluffer. 

Je commence d'une voix hésitante :

-"Léo m'adorait, mais, il n'aurait pas été au magasin par pure gentillesse. C'était l'occasion pour lui de te rejoindre un petit peu avant que vous puissiez l'annoncer à mon père ! "

Il éclate en sanglot et accélère davantage quand le feu devient rouge.  Heureusement pour nous, le carrefour est désert. 

Thomas se met alors à crier :

-" Mais tu aurais dû dire non ! C'est ta faute ! Il ne serait pas partie sans toi !"

-"Thomas..." 

Je tente de maitriser ma voix avant de reprendre : 

  "Tu l'aimais, n'est-ce pas ? Tu étais fou amoureux. Tu pensais à lui tout le temps, tu aurais fait n'importe quoi pour qu'il soit heureux. Sa simple présence te donnait envie de sourire et de croire en tes rêves  ?"

Il hausse les épaules alors qu'il frotte son visage avec ses manches. 

-"Et tu sais Thomas, moi aussi, j'aimais Léo. C'était mon petit frère. J'aurais fait n'importe quoi pour lui."

-"Alors pourquoi tu  l'as pas protégé ?"

Le feu est rouge, il se précipite dans le carrefour.

Il a raison. Je ne l'ai pas protégé. J'ai échoué. 

C'est ce que j'ai dit à Shannon, Raphy, Hakim, Ken et Théo.

C'est ce que j'ai raconté à Idriss lorsque je suis rentrée des urgences. 

Je le revois, enfuie dans sa veste blanche avec sa casquette sur la tête, quand il a placé ses doigts sous mon menton et qu'il m'a obligé à lever la tête vers lui. Quand il m'a dit que je n'avais pas à m'en vouloir, comme les autres l'avaient fait avant lui. Mais étrangement, il n'y a que ses paroles qui ont eu un impact positif sur moi. 

Il faut que je fasse la même chose avec lui. Je dois tenter le tout pour le tout. 

-"Thomas, je ne pouvais pas deviner ce qui allait se produire. Toi non plus. C'est cette chienne de  vie qui a décidé de nous arracher la personne la plus formidable de cette planète ! Ce n'est pas notre faute ! "

Il ne s'arrête toujours pas. Moi, je parle de plus en plus fort : 

-"Leo t'aimait et il m'aimait.  Il ne voudrait pas qu'on le rejoigne ! Il voudrait que je veille sur toi, que tu rencontres papa.  Il voudrait qu'on vive, que tu poursuivies tes études, que tu t'épanouisses et que moi aussi je sois heureuse ! Il est temps pour nous de reprendre notre vie en main et de nous pardonner." 

Thomas ne me répond pas. Toutefois, je remarque au compteur qu'il ralentit un petit peu. 

Il empreinte une nouvelle voie de circulation, il n'y a pas de voiture dans le sens contraire. Il y a juste un peu d'espace. Je n'ai pas le temps de réfléchir, c'est ma seule occasion.

Je bondis sur le volant et je braque violemment vers la gauche. Lorsque la voiture dévie vers le bas-côté, j'actionne le frein à main.  La voiture cogne contre la barre de sécurité et s'arrête subitement. 

Je m'apprête à déguerpir rapidement ou à me battre si nécessaire. Mais Thomas pleure toujours. Il met son visage entre ses mains. Ce sont ses cheveux noirs qui me font désormais face. 

-"Lana, je ne sais pas quoi faire... Je suis désolé..."

Sa voix est haletante. Mon coeur bat toujours aussi vite. J'ai envie de prendre ma revanche, de lui arracher les cheveux, de cogner contre sa tête de toute mes forces... Mais, je ne peux pas faire ça. Léo refuserait.

Alors, je prends sur moi quand je déclare : 

-"Écoute moi Thomas. Je vais te laisser partir. Quand tu seras prêts, on ira voir l'unique responsable de sa mort."

Je marque une courte pause avant de murmurer :

-" On ira voir son assassin en prison. "

Il acquiesce et quitte précipitamment l'habitacle. 

Il me faut encore quelques minutes pour oser bouger.  

L'adrénaline est en train de quitter mon corps. Moi aussi, j'ai envie d'exploser. 

Je cherche mon sac à ma main du regard. Il est posé à l'arrière. Je tends ma main pour l'empoigner. Je fouille à l'aveuglette à la recherche de mon portable. 

Je déverrouille l'écran d'accueil. Il est 18h. Putain. Combien de temps suis-je restée inconsciente ? Combien de temps a duré ce petit jeu ? 

Je m'apprête à composer le numéro de Shannon, mais, je n'y arrive pas.  Que vais-je lui dire ? Et elle, que va-t-elle me conseiller ? Je n'ai pas envie de l'entendre. 

J'ai besoin de me changer les idées.  J'irai au garage demain. 

 Je pars à la découverte de Paris lorsque je crois reconnaître l'une de ses nombreuses rues. C'est ici qu'Idriss habite.

Je m'arrête devant son immeuble. Ma tête me dit de repartir, mais, mon corps refuse. J'actionne le bouton de l'interphone.  

- " Ouais ?" 

Mon coeur manque un battement. 

Qu'est-ce que je fais là ? 

J'ai été horrible avec eux. 

-"C'est Lana... La plus mauvaise des détectives..."

Un silence pesant envahit l'espace. Je ne sais pas s'il écoute, mais, je reprends :

-"Idriss..."

Ma voix se brise. Je suis qu'une imbécile.

-"Tu peux rentrer."

Je monte les escaliers quatre à quatre et je me précipite jusqu'à la porte de son appartement.

Cette dernière s'ouvre et laisse apparaître Théo dans l'embrasure. 

-"Putain Lana, ta tête !"

Je ne dois pas être jolie à voir.

Le rappeur dégage l'entrée. Toutefois, je suis toujours incapable de bouger.

Hakim et Ken sont là aussi. 

Quand mon regard croise celui du grand frère, je baisse la tête.

-"Qu'est-ce que tu fous là ?"

Idriss.

Il apparaît enfin dans mon champs de vision et se place juste à côté de son aîné.

Il attend que je lui réponde, mais, les mots ne sortent pas. J'étouffe un sanglot et  je me précipite dans les bras du rappeur.

Je suis une putain d'égoïste, il a de gros  problèmes à régler avant de s'occuper de ceux d'une meuf pathétique.

Mais quand ses bras finissent par se refermer autour de moi, je commence déjà à me sentir mieux. 

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Hey,

J'espère que le chapitre vous aura plu.

Je voulais juste vous  dire que le coup de la  lacrymo, je l'ai +/- vécu l'année dernière. 

Il y a des mecs qui envoyaient une sorte de gaz nocif sur les voitures. Ça rentrait par la ventilation et tu finissais par manquer d'oxygène. Ils faisaient ça pour que tu te précipites en dehors de la voiture afin qu'ils puissent te la voler. Mais moi je suis une folle, j'ai conduit jusque chez moi sans respirer.
Les symptômes que je décris sont véridiques. J'ai eu la gorge gonflée durant plusieurs jours.
Encore aujourd'hui, je suis super stressée quand je reprends cette route seule le soir.

En bref, faites attention à vous, des connards il y en a beaucoup ! 

Sinon, sur une note plus joyeuse, je remercie IBGY-T, grâce à qui j'ai découvert une appli géniale permettant de créer des couvertures pour les histoires Wattpad.  J'ai tenté un truc mercredi soir dans mon lit, j'espère que ça vous plait quand même.

Je vous laisse retourner à vos préoccupations.

La biiiise

Amanda

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