Chapitre 42 - Un anniversaire

Je pense qu'Idriss m'en veut toujours un peu. 

BigBoo n'a pas encore repris contact avec moi. J'espère qu'il tiendra parole, ne serait-ce que pour prouver au rappeur que j'ai eu raison de faire ce que j'ai entrepris. 

Alors, quand vient le jour de l'anniversaire d'Idriss, je pense, durant un court instant, qu'il ne descendra pas me rejoindre. 

Mais si. Il finit par arriver, un café à la main. 

Quand il monte dans la voiture, il me tend son gobelet avant de se clouer au fond de son siège. Il porte un pull beaucoup trop grand. Ses yeux sont cachés sous sa capuche et ses mains se rangent dans les poches de son sweat. On dirait un adolescent. Seule sa barbe lui apporte un semblant de maturité.

-"Bon anniversaire Idriss." dis-je en rangeant son café dans le porte gobelet. 

Un grognement me répond :

-"Pourquoi si tôt ?"

Tôt ? Il est 10h. 

-"Parce qu'on n'a pas 27 ans tous les jours et que là où je t'emmène, c'est pour la journée."

-"Je te jure que t'as  intérêt à me faire oublier Paris...et tes conneries."

Il abaisse sa capuche. Sa tête se tourne vers moi et laisse apparaitre ses yeux encore endormis.  

Ses cheveux sont en bataille. Ils poussent de plus en plus et il ne semble pas décider à les couper de si tôt.

-"Fais moi confiance. C'est un endroit où tu n'as pas l'habitude de mettre les pieds."

-"Tu veux faire une journée entre filles au spa ? Parce qu'avec le Crew-S, on y va très souvent pour se mettre du vernis à ongles... Faut pas croire."

Il rit à sa propre blague. 

Un sourire se dessine sur mon visage. C'est presque automatique : son rire est contagieux. 

-"Non, pas de spa. Arrête de chercher la réponse, tu ne trouveras pas. "

-"On va au centre commercial ? Au cinéma ? Faire des courses ? Un cours de zumba ?"

Quel emmerdeur.  Je lève les yeux au ciel et décide d'ignorer ses propositions : 

-"Tu as pris tes vêtement de rechange comme je te l'ai demandé ?"

Idriss me montre son sac à dos qu'il a placé à ses pieds : 

-"Ouais. C'est parce que tu comptes arracher ceux que j'ai sur moi ?"

Il est toujours fâché, mais au moins, il a toujours son humour à deux balles.

Je ne lui réponds pas et mets le contact en route. 

Il sort une casquette de sa poche et la place aussitôt sur sa tête avant de remettre sa capuche et de fermer les yeux. 

Avant de sortir de ma place de parking, je lance, malgré moi  : 

-"Mets le coco et on démarre."

Idriss est tout emmitouflé, mais, laisse entrevoir le sourire radieux qui se dessine sur son visage. 

-"Tu t'es refaite une culture musicale. Félicitations."

***

Un peu plus tard, nous arrivons à destination. Nous nous sommes éloignés du centre et je sens Idriss dubitatif lorsque nous entrons dans une propriété privée. 

-"T'es riche et tu nous l'as pas dit ?"

-"Bien-sûr que non. Viens !"

Nous marchons un petit moment avant d'arriver devant une maison au milieu d'un large terrain. 

J'aperçois Tessio et Romane sur leur terrasse, prêts à  nous accueillir.

Ces deux là sont des amis de la fac. A l'époque,  nous étions inséparables. Puis, ils sont tombés amoureux et ont abandonné leurs études. Le couple a racheté ce centre qui était à l'abandon depuis des années. 

Ils en ont fait un endroit magique. C'est quand je vois tout cet espace vert que je me dis qu'ils sont faits pour être ensemble.

-"Lana ! Je suis trop contente ! Cela fait longtemps que  tu n'es pas venue ! " s'écrit Romane. 

Ses cheveux roux sont parfaitement coiffés et lui tombent sur les épaules. Comme à son habitude, elle ne porte pas de maquillage, ce qui lui donne un côté presque enfantin. 

-"Je suis désolée, j'avais un emploi du temps chargé."

Des documents à voler, mon père à suivre en filature, un homme dégoutant à embrasser...

Idriss se présente au couple. Il semble un peu mal alaise avec son jogging et son sweat. Il est vrai que les deux autres sont toujours habillés très chics. 

Pourtant, il n'a pas à s'en faire. Cet endroit est un paradis sur terre. 

Tessio, dont les cheveux ont viré au gris depuis ma dernière visite,  m'explique que nous pouvons y aller. Le terrain est à nous."

Lorsque nous nous éloignons vers le terrain vague, Idriss me questionne :

-"On est où ? Et c'est quoi ce couple super chiant ?"

Je lui assène un coup dans l'épaule : 

-"T'es méchant ! "

-"Quoi ? C'est vrai, je parie que c'est le genre de couple à faire des sorties super barbantes, genre aller au restaurant puis au théâtre."

Je m'arrête pour attacher mes cheveux en un chignon flou. Idriss se stoppe à son tour. 

Il est temps de lui expliquer : 

-" Tessio et Romane sont des amis à moi. Et cet endroit... J'y ai passé beaucoup de temps après la mort de Léo. Je ne savais pas où aller, je n'étais pas prête à parler avec des gens alors..."

Il sursaute lorsque des aboiements font soudainement écho à mes propos.

-"... J'allais parler à des êtres bien plus mignons et sympathiques. J'espère que tu n'as pas peur des chiens."

Le rappeur me répond par la négative : 

-"Non, mon reuf  en a deux."

-"Quoi ?"

Ai-je bien entendu ? 

-"Promis. Si tu veux gagner des points, tu peux lui en parler. Nous, on l'envoie toujours chier quand il veut parler de leurs exploits."

Alors ça, je ne l'aurais jamais crû. 

Nous franchissons la clôture et sommes accueillis par un troupeau de chiens venant tout droit de la prairie. 

J' annonce à Idriss que nous sommes dans un refuge.  Personne ne veut de ses pauvres bêtes : soit parce qu'elles sont trop vieilles ou soit trop malades. Certaines sont là sans aucune raison. Enfin si, une seule : la stupidité de l'homme.

-"On va en balader quelque-uns. Puis, on ira sur la piste de dressage pour les faire travailler un peu. "

Idriss grimace alors qu'un dalmatien lui saute dessus : 

-"Tu vas me faire courir avec un chien ?"

-"Tu as peur ?"

-"Jamais de la iv. Je suis prêt à puer la bête si c'est ce que tu souhaites..."

-"Mais Idriss. Tu sens déjà la bête."

Ses yeux se remplissent de malice : 

-"Tu vas le regretter. Tu verras."

La journée passe à une vitesse folle. Idriss me fait beaucoup trop rire. J'ai mal aux côtés.  Nous nous arrêtons de temps à autre pour boire un coup et pour dévorer des sandwichs. 

Il est 20h. Nous sommes assis dans l'herbe. Un beagle de 6 ans est affalé devant moi et profite de mes caresses. 

-"Il t'aime bien." me souligne Idriss. "Moi, je peux pas l'approcher."

-"Ouais.. je m'occupe de lui depuis qu'il est tout petit. Ses maîtres l'ont abandonné car le beagle est une race têtue. Ce sont des imbéciles. Il faut juste persévérer. N'est-ce pas Popps ? 

Le chien se redresse et place ses pattes sur mes genoux, comme pour confirmer mes dires. 

-"Pourquoi tu l'as pas adopté ?"

-"Leo est allergique. Je ne peux pas sinon il va être malade à chaque fois qu'il..."

Je m'arrête soudainement de parler. 

J'étouffe un sanglot et me redresse pour emmener Popps auprès des autres. Quand je retourne près du rappeur, il place son bras autour de mes épaules. 

-"C'était super chouette comme idée. Je me suis retrouvé deux trois fois dans la boue, mais, parait que c'est bon pour la peau alors..."

Il dépose un baiser sur mon front et sa main fait des allées et venues dans mes cheveux.

C'est dingue. On est si différent lorsque les autres sont là pour nous observer. A croire qu'on le sait au fond de nous que ce n'est pas une bonne idée. 

-"Je peux te poser une question privée ?" murmure Idriss. 

-"Si tu y tiens. "

-"Tes parents, tu les vois souvent ?"

Evidemment. 

-"Ma mère est partie quand nous étions enfants et mon père...."

J'ai le réflex  de me blottir davantage contre Idriss. Il semble surpris mais se laisse faire. 

-"...Je t'en parlerai bientôt. Promis."

Et tu ne voudras plus jamais m'adresser la parole. 

-"Et toi ?" finis-je par lui demander. 

C'est vrai qu'Idriss ne m'a jamais parlé de personne à l'exception de ses grands-parents. Déjà quand Medhi est apparu, j'étais surprise de découvrir son existence. Il n'y a aucune photo chez lui. 

-"Mes parents ? Limite ils s'en balek de tout ça. Rien avoir avec ma grand-mère. T'aurais du la voir quand elle a débarqué. Elle m'a couru après dans tout l'appartement pour me jeter sa chaussure à la figure."

Il tente de dévier la conversation sur quelque chose de plus joyeux. 

-"Hakim ne t'a pas défendu ?" dis-je pour l'encourager dans sa démarche. 

-"Tu parles, il savourait le spectacle."

Je ris un peu plus fort et lui aussi. 

Il a un rire si particulier. Je pourrais le reconnaitre entre mille.

Je soupire : 

-"Il est temps de partir."

Nous nous levons en silence, saluons mes amis et quittons les lieux.

Quand nous prenons place dans la voiture. Idriss regarde l'heure sur son portable avant de décréter :

-"Je dois passer quelque part avant la soirée. Tu viens avec moi ?"

-"Je ne sais pas. Tu vas m'emmener où ?"

Petit rictus :

-"Un endroit où tu n'as jamais mis les pieds. Chacun son tour."

Idriss sort deux nouveaux sweats de son sac. Il m'en tend un noir à l'effigie du S-Crew.

-"Mets ça. Sinon tu ne rentreras pas."

-"Où on va Idriss ? Tu me fais peur..."

Il cherche ses mots avant de décréter d'une voix paisible : 

-"Dans mon monde."

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Hey, 

Vous avez une idée de l'endroit où il peut l'emmener ? 

Et sinon, quelle est la chanson que vous écoutez le plus pour l'instant ? 

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