Chapitre 40 - Un suspect
Idriss me tient toujours fermement les poignées. Nous regardons tous les deux en direction de la porte sans oser faire le moindre mouvement.
C'est drôle, mais, dans ces cas là, les secondes semblent durer une éternité.
Je me penche en avant et dépose ma tête sur l'épaule du rappeur. Ses mains me lâchent et se rabattent dans mon dos.
J'ai l'impression que tout est fichu. Julien va appeler la police, et, la manche sera terminée.
Je murmure :
-"Je suis désolée Idriss. Je ne sais pas quoi faire."
Le rappeur pivote légèrement la tête. Son menton vient se poser sur le haut de mon crâne :
-"Tu me fais confiance ?"
Après tout ce que j'ai pu faire pour lui en cinq mois, il ose encore me poser la question ?
Pourtant, je suis toujours incapable de parler. Je suis blottie contre lui et j'ai l'impression que ce sera la dernière fois.
Je n'ai pas envie qui lui arrive quoique ce soit. Il ne le mérite pas, même s'il peut être un véritable idiot quand il l'a décidé.
Alors, je me contente de hocher la tête de bas en haut.
-"Assieds-toi sur le bureau. J'ai une idée."
-"Quoi ?"
-"Lana, fais ce que je te dis pour une fois."
Très bien.
Je me faufile sur la pointe des pieds vers le meuble et m'installe sur un tas de feuilles volantes. Idriss se rapproche à son tour. Il me fait signer de positionner mes jambes autour de sa taille avant de placer sa main droite sur ma joue.
Il me sourit avant d'ôter sa casquette :
-"T'es belle."
Avec ma chemise de bucheron et ma queue de cheval qui ne ressemble plus à grand chose ?
J'ai l'impression d'avoir imaginé ses paroles.
Je suis prête à lui demander de répéter lorsque la porte s'ouvre enfin.
Ca doit agir comme un signal car Idriss dépose subitement ses lèvres contre les miennes. Sa main se déplace le long de mon corps. Il agit comme si nous n'avions pas entendu l'arrivée du patron.
Même dans cette situation, ses baisers ont un goût particulier. Ils me donnent envie de dégager BigBoo afin qu'il puisse continuer à m'embrasser.
-"Framal ?"
Le rappeur imite un sursaut lorsqu'il se tourne vers Julien.
Je peux, enfin, mettre un visage sur le nom. Cet homme est, en réalité, loin d'être enrobé. C'est un athlète, métissé, assez grand avec une barbe fournie et des cheveux bruns qu'il plaque en arrière.
Idriss se gratte la tête avant de lui répondre d'une voix paisible :
-"Mec, je suis désolé. Je cherchais un endroit pour montrer à mademoiselle le vrai Fram, tu vois. Parce que je l'ai croisée tout à l'heure en bas et..."
Il en fait des tonnes. Il part dans une histoire folle et pourtant, il est plutôt convaincant.
La personnalité d'Idriss est si complexe. D'un côté, on retrouve un garçon calme et séducteur, qui reste silencieux mais qui observe tout ce qui l'entoure. Puis de l'autre, on a une vraie pile électrique, un homme qui aime rire et raconter des histoires venues de nul part, un homme capable de t'emmener dans ses plans foireux comme celui qu'il est, actuellement, en train de nous offrir .
Bigboo rit dans sa barbe avant de faire demi-tour :
-"Frère, j'ai de la place pour ça . La prochaine fois, demande directement. Je vous laisse deux minutes pour quitter mon bureau."
Il nous lance un clin d'oeil et disparait de notre champs de vision.
Quand ses pas semblent, enfin, s'éloigner. Je retrouve l'usage de la parole :
-"Tu vas me faire croire qu'il a marché ?"
Un sourire espiègle se dessine sur le visage du rappeur :
-"C'est qu'on était plutôt convaincant. "
-"La ferme."
Je me défais de son emprise, mais, Idriss ne bouge toujours pas.
Je lui murmure, comme si nous étions toujours sur écoute :
-"Il faut qu'on rejoigne les autres. Je pense que j'ai quelque chose. Tu vas bientôt t'en sortir !"
-"Oui. J'ai entendu ce que tu me disais. "
Je sais pourquoi il insiste sur ses derniers mots.
Il souhaite que je réagisse moi aussi à ses paroles :
-"Idriss... Je ne sais pas quoi dire. Tu veux qu'on reprenne notre arrangement, mais, ce n'est pas une bonne idée..."
Le rappeur se mordille la lèvre inférieure avant de déposer un baiser sur ma joue.
-"Ca ne te manque pas ?"
Si.
-"Non."
-"Je ne te crois pas."
Ses baisers partent à la rencontre de mon cou pour, ensuite, remonter vers mes lèvres.
Il me fait ressentir tellement de choses. Et je suis incapable de les définir.
Je ferme les yeux et le repousse :
-" Il faut qu'on rejoigne les autres tout de suite. C'est pour ton affaire qu'on est là. "
Un petit rictus s'échappe de ses lèvres lorsqu'il se déplace vers la porte.
-"La vie m'a appris à ne pas me réjouir trop vite. Mais, allons-y Madame Lana."
****
Nous retrouvons le reste du groupe là où nous les avions laissés un peu plus tôt : dans l'espace VIP reservé par le groupe.
Il n'y a personne pour nous observer ou pour nous interrompre.
Leur mine décomposée reprend forme lorsqu'ils nous aperçoivent.
-"Vous avez réussi ?" s'exclame Ken.
-"Lana a trouvé un truc ouais." lui répond Idriss.
Il me sourit et part s'assoir à côté de son frère.
C'est alors qu'il dépose, sur la table, les documents que j'avais laissé dans sa poche.
Shannon agrippe les feuilles chiffonnées. Elle semble perplexe :
-"Qu'est-ce que c'est ?"
Tous les regards se tournent vers moi. Je suis toujours debout, prête à repartir fouiller les lieux si quelqu'un me le demandait.
-"Une preuve d'achat. Je compte sur toi pour me le confirmer, mais, je pense qu'il a acheté de la marchandise au dealer. Ce n'est peut-être pas notre traite. Pourtant, je suis persuadée qu'il doit le connaitre !"
Mon amie se précipite sur les lignes du texte. Cela semble étrangement long avant qu'elle nous affirme ce que nous attendions tous :
-"Ce sont des noms de code, mais, oui c'est bien ça. Il faut l'interroger !"
Théo hurle à l'instant où elle finit sa phrase. Les quatre garçons se prennent dans les bras et un énorme sourire se dessine sur leur visage.
Seul Idriss semble toujours sur la réserve.
Ken, qui tient toujours le jeune Akrour contre lui, prend la parole :
-"OK. Il faut qu'on rentre et qu'on réfléchisse à un plan d'attaque."
Tout le monde semble le suivre dans son idée.
Ils sont sérieux ?
Il est hors de question d'être raisonnable ce soir :
-"Non, on ne va pas rentrer. Il faut y aller maintenant ! "
-"Lana, tu ne penses pas en avoir assez fait ?" tente Théo.
-"Si Julien se rend compte que ses documents ont disparu, il peut prévenir son vendeur."
Hakim fronce les sourcils :
-"Elle a raison."
Le roi de l'impulsivité est avec moi pour une fois. Mais, les autres refusent toujours de coopérer. Idriss, le premier :
-"Vous voulez y aller comme ça ? Sans avoir préparé un plan d'attaque ?"
Son grand frère lève si haut ses sourcils qu'ils pourraient presque touchés le haut de son crâne :
-" Depuis quand t'es du genre à réfléchir ? Il faut lui mettre la pression et maintenant ! On parle de ton avenir là !"
Idriss tente de lui répondre, mais, il se fait, aussitôt, couper la parole. Théo et Ken finissent, eux aussi, par donner leur avis. Sans compter Shannon, qui tente de calmer le jeu.
La discussion est dorénavant sans intérêt : personne ne s'écoute et personne n'est d'accord.
Je les observe en silence à la recherche d'une solution.
Ils ont tord de vouloir attendre . Je le sais.
-"Je suis désolée.."
Je me saisis du tas de feuilles et fonce vers les escaliers. Shannon n'a pas le temps de réagir. Les garçons tentent de me rattraper. Hakim aussi. Il ne voulait pas que je parte seule.
Mais on n'a plus le temps de discuter.
Je me faufile au milieu de la foule. Ma petite taille me permet de passer, facilement, inaperçue.
Toutefois, je ne ralentie pas. Ce n'est qu'une question de temps avant que le groupe me retrouve.
Je cherche BigBoo du regard. Il est là, appuyé contre la scène, deux hommes se tiennent à ses côtés.
Mon coeur bat à du cent à l'heure. J'ai beaucoup trop chaud. J'ôte ma veste en jean et la noue autour de ma taille.
Quand j'arrive à sa hauteur, je tente de moduler ma voix le plus possible :
-"Julien."
-"Je préfère BigBoo."
-"Ce n'est pas mon cas. Surtout pour parler affaire."
Le garçon éclate de rire. Il chuchote quelque chose à ses hommes.
Ces derniers disparaissent sur la piste de danse.
Julien m'explique:
-"Je leur ai demandé de prendre un peu de temps libre. Alors dis moi, tu as trouvé ce que tu cherchais dans mon bureau ?"
Il a dit quoi là ?
Il me fait signe de m'approcher :
-"Tu penses sincèrement que je n'ai pas de caméra un peu partout ? Je sais pourquoi vous êtes là et je serais ravi de discuter avec toi."
Garde ton calme Lana. On y est presque.
-"Très bien. Allons discuter dans un endroit plus calme."
Un sourire moqueur se dessine sur son visage :
-"Une femme qui sait ce qu'elle veut, j'adore ça. Suis-moi."
Je m'éloigne de la foule. J'aperçois les garçons qui sont toujours en train de me chercher.
Ils me pardonneront plus tard.
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