Chapitre 4 - Un concert
La journée s'achève enfin. Je salue les enfants et me rabats aussitôt sur ma chaise. Je pose ma tête sur le bureau et ferme les yeux. Je suis tellement fatiguée. J'ai passé la journée mi-consciente : j'ai appris aux enfants à réaliser des calculs écrit tout en ayant en tête les évènements de la veille : mon père acclamé, moi empoignée et un suspect...
- Ca va Lana ?
Je me redresse. Personne n'a envie de me laisser dormir un peu depuis hier soir ?
Ma collègue, Rosa Monteiro, vient de rentrer dans la classe sans que je m'en rende compte. Un petit sourire narquois au bord des lèvres.
- Si ça t'épuise tant que ça, tu devrais te reconvertir.
Elle rit mais je sais que la pique a été envoyée exprès.
- Plus sérieusement Lana, qu'est-ce que tu as fait cette nuit ?
Un café à la main, elle se positionne face à moi, ses fesses posées sur le banc de la petite Marie. Elle me domine largement avec son mètre soixante-dix-sept.
Rosa est une mannequin dans l'âme. Ses longs cheveux bruns sont soyeux et ses origines italiennes lui donnent un merveilleux teint. Elle arrive toujours à mettre en évidence son visage carré et ses yeux de biche grâce à son rouge à lèvre hors de prix et un trait d'eyeliner épais.
- Rien de spécial, nuit difficile. Tu sais bien, il y a des jours sans.
- Pas pour moi ma belle.
Elle rit de plus belle. Je me force à lui sourire. Je n'ai pas envie de lui donner cette satisfaction. Rosa Monteiro cherche toujours à écraser les autres.
Elle veut tout rien que pour elle, ça peut aller des places de parking à la reconnaissance de notre directeur. C'est pourquoi, pour réussir son coup, elle se rapproche de toi, dans le seul but de découvrir tes secrets et faiblesses.
Je ne sais toujours pas comment elle a pu, un jour, avoir l'ambition de devenir professeur des écoles.
C'est pourquoi, cela ne me surprend pas quand elle reprend :
- Tu veux sortir boire un verre ce soir ?
Alors que je cherche une bonne excuse pour refuser sa proposition, mon téléphone vibre.
Merci Seigneur.
Je demande à Rosa de m'excuser deux petites secondes.
Mais, lorsque je découvre qui tente de me contacter, je reste bouche bée.
"Lana, merci pour ce que t'as fait hier soir. Pouvons-nous nous rencontrer ce soir ? Pour discuter de toute cette histoire, on est un peu largué sur les événements . Aussi, merci de garder ce numéro privé. Ken."
Rosa est entrée dans un monologue, mais je ne l'écoute plus. Je ne sais pas quoi répondre à Ken. J'ai sincèrement envie de dire non, de laisser cette drôle de soirée derrière moi... Mais je ne parviens pas à envoyer ce putain de message.
Peut-être puis-je le rencontrer une seule fois ? Pour me conforter dans l'idée que mon père a raison sur toute la ligne ? Peut-être me fait-il assez confiance pour m'avouer les fautes de son ami ?
Je réponds alors :
"Ok on peut faire ça."
Une réponse rapide :
"Super. Je t'envoie l'adresse. A ce soir."
Je range mon téléphone à sa place initiale.
Rosa me regarde intriguée.
- Alors, c'est ok pour ce soir ?
- Non désolée, j'ai déjà prévu quelque chose.
***
Lorsque j'arrive à l'adresse indiquée par mon GPS, je me sens soudainement mal à l'aise. Il s'agit d'une petite salle de concert miteuse.
A peine entrée, tous les regards se posent sur moi, ils doivent se demander si je suis perdue.
Il est vrai que je fais un peu tâche avec ma longue robe noire et ma veste en jean. Le style ici est semblable aux garçons d'hier soir : sweat à capuche, casquette et pantalon de jogging.
Je me place dans un coin et croise les bras comme pour me défendre . Mais où est Ken ?
La réponse ne se laisse pas attendre. Les lumières s'éteignent et il arrive sur scène.
Il n'est pas seul. Les trois autres sont là aussi.
Il se fout de moi ? Je ne pouvais pas arriver après tout ça ?
Ils se mettent à chanter et le public les acclame.
Tout le monde connait les paroles. Je me sens comme étrangère, j'ai l'impression de violer leur intimité. Lorsque je regarde la foule, je sais qu'ils sont entourés d'amis, de personnes qui doivent les suivre depuis toujours. On sent l'amour qu'ils se portent les uns pour les autres.
Je n'arrive pas vraiment à me concentrer sur les paroles ni sur la mélodie. Mon regard est attiré vers eux, vers leur sourire, vers leur énergie.
Mes yeux se posent enfin sur Idriss. Il ne ressemble en rien à l'homme abattu et énervé d'hier soir. Il a l'air si sûr de lui. Ses yeux sont très expressifs, je vois qu'ils pétillent de bonheur. Ca m'intrigue, comment fait-il pour chanter et sourire alors que sa situation actuelle est très périlleuse ? Je me demande s'ils ont eu l'occasion de se reposer depuis hier soir...
Le concert dure une bonne heure. C'est surtout Ken qui a le micro. Le garçon aux cheveux bouclés, dont le surnom est 2zer (si j'ai bien tout compris) parle de temps à autre. Mais les deux frères restent assez silencieux.
Ken explique au public que leur dernier album est un succès et qu'ils partent bientôt pour une nouvelle tournée au printemps, mais, que c'est ici que tout a vraiment commencé, alors ils voulaient les remercier une dernière fois.
Ils ont sorti un nouvel album... Ils veulent partir en tournée... Mais avec mon père sur leur trousse, ça risque d'être plus compliqué que prévu.
Le concert se termine enfin. Les garçons se joignent à la foule, les accolades commencent. Je les vois rire, se saluer, des verres commencent déjà à tourner.
Je suis toujours spectatrice mais, soudainement, je sens qu'on m'observe. Hakim m'a repéré en premier. Je vois son visage qui s'assombrit et ses poings qui se serrent. Il s'élance vers moi. Je ne bouge pas, je ne lui donnerai pas cette satisfaction.
Pourtant, quand il arrive face à moi, il m'oblige à reculer et me coince, malgré lui, contre un des murs de la salle.
- Qu'est-ce que tu fous là putain ? Tu nous espionnes pour le compte de la police ?
- Quoi ? Mais non pas du tout !
- Qu'est-ce que tu fais là alors ? Tu vas me dire que t'es une habituée ici avec ta robe de starlette ?
J'entends quelques rires autour de nous. Je me rends compte que tout le monde a cessé de parler lorsqu'il s'est avancé vers moi.
- Hakim arrête, c'est moi qui l'ai appelé. Je voulais discuter avec elle.
Ken se positionne à côté de son ami et essaye de l'éloigner.
- T'es serieux Nek ? Pourquoi t'as fait ça ? On peut pas lui faire confiance ! C'est pas parce qu'elle nous a prévenu hier soir qu'elle est notre pote ! Elle est pas flic mais elle a passé la soirée au poste sans qu'on lui demande de partir, comment t'expliques ça hein ?
Il attend que je lui réponde.
- Je connais quelqu'un c'est tout. Ma meilleure amie est flic. Je suis restée avec elle toute la soirée.
Mensonge.
Hakim ne démord pas :
- Je te crois pas, t'es une pourrie, je veux pas entendre ce que t'as à dire.
- Moi si, s'emporte Ken, je lui ai demandé de venir pour me donner des informations sur tu sais quoi. Alors, tu vas me laisser partir avec elle.
Hakim balance la tête de droite à gauche :
- Quoi qu'elle te dise, je ne la croirai pas.
Sur ces mots, il me lâche. Ken me demande pardon du regard et m'entraine vers la sortie. Alors qu'il s'apprête à ouvrir la porte. Une voix nous stoppe dans notre élan.
- Ken, attends.
Je reconnais cette voix... Nous nous retournons et je ne suis pas surprise de reconnaitre Idriss.
Il s'est changé avant de rejoindre les autres. Il porte, désormais, une veste de baseball noire ainsi qu'une casquette rouge. Il pose les yeux sur moi et son sourire disparait.
- C'est ma galère. C'est moi qui vais avec elle.
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