Chapitre 34 - Un partage

Je me souviens de la dernière fois où il est venu chez moi. Le jour où il m'a convaincue de les aider le temps d'une fête. Je pleurais en lui ouvrant la porte. Il ne m'a pas harcelé pour que je lui parle de mes problèmes. Il s'est contenté de me changer les idées avec ses vidéos d'enfance.

Ce soir, je risque de pleurer à nouveau. Il est temps de lui parler de Léo.

Hakim est déjà au courant, et, il ne pourra pas se taire éternellement. De plus, Idriss a le droit de savoir contre qui il m'a défendue.

Le rappeur m'aide à m'installer dans le canapé. Je pose ma tête contre le dossier avant de me tourner légèrement sur le côté pour lui faire face.

Il n'a pas enlevé sa veste et semble attendre que je prenne la parole.

-"Ce garçon, je l'avais déjà croisé le soir où j'ai eu ma..."

Je lui fais le signe des guillemets avec mes doigts :

-"ma première crise."

Ses sourcils se froncent. Il se redresse légèrement.

-" Attends, c'est à cause de ce mec que t'as voulu te barrer ? Mais c'est qui bordel ?"

-"S'il te plait Idriss, ne me coupe pas. C'est difficile pour moi de t'expliquer tout ça..."

-" Ouais, excuse-moi."

Il s'installe, à nouveau, au fond du canapé et me regarde.

Moi, je baisse la tête, je ne peux pas me confronter à ses prunelles. Elles sont si expressives. Je ne veux pas y lire de la déception ou du dégoût.

-"Ce garçon, il s'appelle Thomas. Il a juré de me tuer s'il me revoyait un jour...Parce qu'il... je... j'avais un frère, Léo. Et c'était son petit ami."

J'inspire et expire une dernière fois avant de raconter la suite de mon récit à Idriss. Je lui relate les circonstances de la disparition de mon petit frère, pourquoi je me sens coupable et comment Thomas me tient, lui aussi, comme responsable.

Il me reste une seule chose à expliquer :

-" C'est pour ça que je vous ai aidé au départ. Parce que j'ai vu l'état dans lequel se mettait Hakim pour une soirée au poste... Et, quand j'ai su que tu étais son petit frère, je me suis dit que je devais l'aider pour ne pas qu'il vive sans toi. Parce que c'est impossible pour moi de réellement vivre depuis qu'il a disparu. J'aide les gens, mais, dès que je ressens de la joie... Je le regrette presque aussitôt. Je ne le mérite pas... Thomas a eu raison de s'attaquer à moi."

Idriss pose la main sous mon menton et m'oblige à relever la tête :

-" Je comprends pourquoi tu voulais pas parler de ta famille...Mais, ne dis plus jamais que tu méritais ce coup."

Il cherche ses mots, mais, je n'ai pas envie qu'il continue ses explications.

-"Si j'avais été à sa place, et, que Mekra était à la tienne. De la haut, je ne lui en voudrais pas. Tu peux pas prévoir tout ça. En plus, imagine-toi, tu serais allée dans ce magasin et tu serais morte ce jour là...."

Des larmes coulent le long de mes joues.

-" Et alors ? Je ne suis pas indispensable. Léo, lui, il méritait tellement de vivre. Il était gentil, courageux, fidèle."

Idriss essuie mes joues d'un geste de la main.

-"Si t'étais pas là, je serais grave dans la merde. Je ferais comment moi sans SherkLana Holmes ?"

Il arrive à me décrocher un sourire.

-"Et puis, tu dis que Léo était une personne formidable, mais toi, tu es courageuse de ouf. T'as vu ce que tu as fait ce soir ?"

Le rappeur examine, avec intention, mes mains écorchées. Elles sont aussi abimées que les siennes.

-"Tu n'as pas hésité une seconde avant de te jeter sur le sol pour prendre la responsabilité du truc."

On dirait qu'Idriss a une illumination :

-" Putain Lana, ton job ! Il s'est passé quoi chez les flics ?"

-"Ne t'en fais pas. C'était mon amie, Shannon. Elle ne va pas nous balancer. Je vais vous la présenter bientôt."

- "T'es certaine que c'est une bonne idée ?"

-" Oui. Fais moi confiance."

Un petit ricanement s'échappe de ses lèvres.

-"Je donne pas facilement du crédit aux meufs, mais, toi, j'sais pas pourquoi hein, j'ai confiance, ouais. C'est peut-être à cause de ta petite taille, t'as pas l'air dangereuse. Quoique..."

Il observe à nouveau mes poings et siffle, presque admiratif. Il est vrai que je me suis bien amochée. Il rapproche ma main de ses lèvres et dépose un baiser sur mes phalanges. Je l'entends murmurer :

- "Je suis ouf quand je pense à ce que t'as fait ce soir. T'as vraiment eu de la chance."

-" Je sais que j'ai exagéré mes propos pour faire réagir ton frère, mais tu allais avoir de gros problèmes si tu te faisais arrêter. Je n'avais pas vraiment le choix."

-" T'es vraiment cognée."

-"Va te faire voir."

Sa main glisse ensuite le long de mon bras, je frissonne. Il le remarque et un sourire malicieux se dessine sur son visage.

Il m'énerve quand il sourit comme ça.

- "Je suis désolé pour ton frère. Vraiment. J'sais pas quoi dire d'autre pour être honnête. C'est pas mon truc. Mais, arrête de culpabiliser. "

-" C'est entièrement ma faute. Tu ne me feras pas changer d'avis."

Les larmes reprennent de plus belle. Je déteste me montrer aussi vulnérable.

Idriss se rapproche et me sourit.

-"Lana, faut pas pleurer. T'es actuellement avec le boss du rapgame ! Il y a pleins de gens qui rêvent d'être à ta place !"

Je lève les yeux au ciel et balance sa casquette à l'autre bout de la pièce. Il me dévisage. Je sais qu'il ne supporte pas se montrer sans elle. C'est bien dommage.

Son front vient se déposer contre le mien.

Je soupire :

-" C'était vraiment une journée merdique."

Idriss se rapproche et dépose un baiser furtif sur mes lèvres.

Ce vendredi était éprouvant. Il me donne envie de retenter l'expérience. C'est à mon tour de l'embrasser, exactement de la même façon. Nos bouches se rencontrent à peine lorsqu'il reprend :

-" On peut l'améliorer cette journée...Si tu le veux, évidemment. "

-"J'ai pas encore décidé."

Ses mains se déplacent soudainement. Il soulève ma robe et les dépose sur mes hanches.

Mon corps est en feu. Beaucoup trop d'émotions différentes me submergent.

Je pars à nouveau à la rencontre de ses lèvres. Sauf que cette fois-ci, nous prolongeons notre étreinte. Mes mains viennent encadrer son visage.

Idriss m'observe durant de longues secondes. Je me glisse sur ses jambes. Ses doigts délicats se déplacent le long de ma colonne vertébrale.

Lorsque j'ouvre la fermeture éclair de sa veste, il me stoppe :

-"Et on fait quoi du plus jamais on se réconforte?"

-"C'est vrai, tu as raison..."

Il faut vraiment que j'arrête de retourner vers lui. Je m'apprête à me relever mais il me retient :

-"On a qu'à dire que c'était plus jamais en 2016. T'es pas d'accord ? "

-"Excellente idée."

Sur ces mots, il me sert un peu plus fort.

On s'embrasse longtemps. Très longtemps.

Putain. Mais qu'est-ce qu'il se passe ma pauvre Lana ?

Entre deux baisers, le son de ma voix le fait sursauter :

-"Idriss ?"

J' observe le désir qui se dessine dans ses yeux.

-"Ouais ?"

J'ai envie de lui dire de s'arrêter, mais, c'est tout autre chose qui s'échappe de mes lèvres :

-"J'aime bien notre arrangement."

-"Moi, je sais pas trop..."

Je lève les yeux au ciel. Il me répond par un sourire audacieux.

Il va voir à qui il a affaire.

Mes mains glissent sur son torse. Plus je me rapproche de son bas ventre, plus je sens son corps se contracter. Quand je me mordille la lèvre inférieure, il grogne et me fait tomber sur le côté.

Il s'approche du creux de mon oreille avant de déclarer :

-"Je l'aime bien aussi notre arrangement."

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