Chapitre 33 - Une policière

Ses cheveux bruns et bouclés qui sont attachés en un chignon strict, sa peau bronzée et ses yeux de chat qui s'écarquillent.

Shannon ne bouge plus quand elle m'aperçoit.

Je la comprends. A sa place, je ne ne serais pas prête, non plus, à l'idée de retrouver mon amie, le visage et les mains en sang, en compagnie du suspect numéro un de son père.

Ce que je voulais à tout prix éviter est en train de se produire. Elle est impliquée dans cette histoire, et, son dénouement ne dépendra que de son jugement.

Une voix, derrière moi, vient briser le silence :

-" Lana, arrête ça ! "

Idriss tente de se débattre. Je fais signe à Hakim de rentrer à l'intérieur. Il refuse.

S'ils ne rentrent pas, ils seront arrêtés. Et, j'aurais fait tout ça pour rien.

Quelques secondes plus tard, qui me semblent durer une éternité, le grand frère finit par céder. Le regard sévère de mon amie ne les quitte plus quand Hakim entraine Idriss dans le bar.

-"Sha, je vais t'expliquer d'accord ?"

La phrase tellement clichée que personne n'aime entendre. Pourtant, je ne sais pas quoi dire d'autre à cet instant.

Quand mon amie parle enfin, le ton qu'elle emploie est plutôt grinçant.

Elle est déçue, très déçue.

-" Garde tes excuses pour ton père. Je t'emmène au poste."

Ma tête me fait beaucoup trop mal, je ferme les yeux et je me sens partir.

Ma tête se cogne contre le bitume et je perds connaissance.

***

J'ouvre les yeux, je suis dans un lit d'hôpital. Je crois apercevoir la silhouette de ma meilleure amie à mes côtés.

Shannon appelle aussitôt l'infirmière qui m'explique que j'ai subi un traumatisme crânien. Je dois me reposer durant plusieurs semaines.

Ce qui implique : ne plus donner cours et, en principe, ne participer à aucune activité me mettant face à un stresse intense .

J'ai des médicaments à prendre, une plaie à soigner et des phalanges écorchées. Je ne me reconnais même plus. Je ne suis pas belle à voir.

Quand elle nous laisse enfin seules toutes les deux, Shannon s'exclame :

-"On dirait un zombie."

Mais, je ne suis pas d'humeur à rire. Je repense aux événements de la soirée.

-"Tu vas toujours m'emmener au poste?"

Et par conséquent, me dénoncer.

-"Non....J'ai réfléchi. C'était Thomas, n'est ce pas ? Il n'a pas tourné la page ?"

Les larmes commencent à couler sans que je ne puisse les contrôler. Shannon se précipite et me prend dans ses bras. Nous restons collées l'une à l'autre. Je m'imagine à, ce moment là, qu'elle n'a peut-être pas reconnu Idriss.

Mais j'ai tord :

-"J'ai prévenu ton père. Il va bientôt arriver. Tu as ce laps de temps pour me raconter ce que tu faisais avec ce dealer Lana. Sinon, c'est moi qui me charge de tout raconter à Luke."

Je sais qu'elle fait ça pour me protéger... Mais, ce serait la pire des erreurs. Je dois absolument la convaincre.

-"Ne dis rien à papa s'il te plait. Il est innocent..."

Elle grimace et se mordille les ongles.

-"Comment tu peux dire ça?"

-"Je le sais c'est tout. Laisse-moi te raconter toute l'histoire et après, tu jugeras si tu dois prévenir papa ou non."

Et c'est ainsi que je me retrouve à relater toutes ces choses qui se sont passées depuis quatre mois. Le dire à haute voix me fait prendre conscience à quel point je me suis impliquée là-dedans.

Je lui explique comment Ken m'a demandée de venir lui rendre visite pour discuter de l'arrestation, comment Léo à joué un rôle quand j'ai accepté de les aider, comment j'ai volé un dossier à papa et enquêté de mon côté sur des suspects potentiels.

Son visage passe par toutes les émotions possibles et inimaginables.

-"Lana... Je ne peux pas me taire. Tu en es consciente j'espère ? C'est mon job. J'ai été appelée ce soir."

Ma bouche est sèche. J'éprouve des difficultés à avaler. Cela s'annonce mal.

-"Je sais Sha. C'est horrible ce que je te demande. Mais je t'en supplie, fais moi confiance. Il est innocent et je le prouverai."

Elle soupire et défait son chignon. Sa crinière volumineuse vient se déposer sur ses épaules.

-"Tu es attachée à ce garçon. Tu n'es pas objective."

-"Pas du tout !"

Cela m'agace quand elle joue à la psychologue. Je dois me concentrer pour ne pas lui demander de la fermer. Ce n'est pas le moment de l'énerver :

-" -"Shannon. J'ai besoin que tu me laisses un peu de temps. Je te serai redevable. Laisse-moi m'occuper de ça . Ce n'est même pas ton enquête. Je sais que je t'en demande beaucoup, mais, je voudrais te les présenter avant que tu prennes une décision. Tu comprendras tout en leur parlant."

-" Je ne sais pas Lana...Je..."

Elle n'a pas le temps de terminer sa phrase. Mon père fait, soudainement, son apparition.

Il court jusqu'à moi. Je ne l'avais plus vu aussi inquiet depuis la mort de Léo...

-"Ma chérie ... Mon dieu..."

Il dépose un baiser sur mon front et me tient dans ses bras. Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas soutenu de cette façon. Je me rends compte qu'il me manque et que j'ai beaucoup de chance de l'avoir dans ma vie. Je ne le lâche plus et mes larmes coulent à nouveau.

J'en ai marre de pleurer.

Je suis à l'hôpital et entourée de deux personnes formidables.

Je ne sais pas ce qui se serait passé si Hakim et Idriss n'étaient pas intervenus.

Où est Thomas à l'heure actuelle ? Dans quel état l'ont-il laissé exactement ?

-"Papa, ce n'est rien."

-"Tu rigoles, j'espère ? Mon dieu...Qui t'a fait ça ?"

-"Un inconnu m'a pris pour cible dans la rue . Heureusement pour moi, des passants ont appelé la police et Shannon est apparue."

Mon père ne connaît pas l'existence de Thomas. Il ne savait pas pour Léo et ce n'est pas a moi de lui dire la vérité. A quoi bon l'inquiéter davantage pour des événements du passé ?

Il se retourne vers ma meilleure amie :

-"Tu as remarqué autre chose Shannon ?"

Elle hésite, je le sens. Elle se mordille la lèvre inférieure avant de répondre d'une voix distincte :

-"Non rien du tout."

Je me sens, soudainement , plus légère.

Je lui murmure "merci" alors que mon père me sert un peu plus fort contre lui.

Je réalise, encore, quelques examens avant que les médecins acceptent de me laisser sortir. Il est hors de question que je dorme ici.

Shannon propose à mon père de me raccompagner pour ne pas qu'il fasse un détour. Ce qu'il accepte. Cet arrangement me convient : j'ai encore le tournis et je ne veux pas qu'il se transforme en papa poule.

Il est deux heures du matin lorsque nous arrivons devant mon appartement.

Mon amie attend que je descende. Je suis obligée de lui dire une dernière fois :

-"Merci Sha."

-"T'as intérêt à me prouver que tu as raison."

Son regard se tourne vers mon immeuble. Un petit ricanement s'échappe de ses lèvres.

-"Il y a quelqu'un pour toi on dirait."

Je regarde à mon tour.

Idriss.

Le jeune rappeur attend sur les marches et joue, comme à son habitude, avec ses mains. Je ne sais pas depuis combien de temps il est là. Quand je sors de la voiture, il se redresse. Je peux lire sur son visage à quel point il est soulagé.

Je me précipite et me colle contre lui. Il semble surpris, mais, finit par fermer ses bras autour de moi.

J'ai besoin de sa bonne humeur et de son optimisme. J'ai besoin de sentir ses doigts délicats contre mon dos. Je ne suis pas en forme, et, j'ai l'impression que c'est la seule chose qui peut m'empêcher de pleurer à nouveau.

Il dépose un baiser sur mon crâne. Idriss murmure à mon oreille :

-" J'ai cru que t'étais morte ou en taule."

-"Je suis plus forte que ça !"

Il s'écarte et dépose sa main contre mon hématome.

Je grimace. Il l'enlève aussitôt et déplace ses mains vers mes hanches.

-"C'était qui ce mec ?"

-"Une longue histoire et si tu veux l'entendre ..."

Je lui fais signe de monter. Il me suit sans un mot.

Note à moi-même, ne plus jamais décréter qu'une soirée sera courte et calme.

C'est toujours le contraire qui finit par se produire.

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