Chapitre 31 - Une pensée

Raphael : J'attends toujours mon verre ! T'es où ???????

Numéro inconnu : C'est Mekra. Dis à mon reuf de regarder ses SMS.

Théo : J'ai donné ton num à Mekra ! J'espère que tu ne m'en voudras pas ;) Vous êtes partis chercher à bouffer ?

- "Ils vont nous tuer !"

Idriss me prend le téléphone des mains et le range aussitôt dans la poche de sa veste.

-" Tu le récupèreras plus tard."

Le visage du rappeur est illuminé par les réverbères. Seule sa tête dépasse de sa capuche. Je suis toujours surprise par la douceur qui se dégage de son sourire et de ses fossettes quand il a une idée en tête.

Bien loin de ses poses de pseudo-gangster sur Instagram.

- "Ton frère souhaite que tu l'appelles."

-"Il attendra. Dépêche-toi !"

Nous pressons le pas en direction des champs-Elysées. Il n'y a rien de plus cliché mais, j'ai envie d'être au milieu d'une foule d'inconnus, au milieu de personnes qui s'amusent et qui mettent leurs problèmes de côtés.

Pourtant, lorsque nous arrivons sur place, un agent de sécurité se charge d'annuler lui-même nos plans :

-"Il y a déjà trop de monde Madame. Fallait venir plus tôt."

Je n'ai pas le temps de surenchérir qu'Idriss m'entraîne, à nouveau, dans une autre direction.

-" Tu fais quoi là ? Laisse tomber Idriss, on va rentrer."

Ses sourcils se froncent.

-" Sûrement pas !"

Nous nous arrêtons sur des marches près d'un immeuble. Le rappeur y dépose ses affaires avant de prendre une grande poignée de chips et de me tendre le paquet.

Il mâche goulûment et semble réfléchir. Ses yeux partent dans tous les sens.

-" Pour toi, le nouvel an, c'est signe de danse, c'est ça ?"

-" Oui, mais, il est trop tard. Tout doit être complet et il est bientôt minuit."

Idriss sort son téléphone pour la première fois de la soirée. Un grand sourire illumine son visage.

-" Arrête de me sous-estimer."

Ses doigts pianotent avec rapidité sur l'écran.

C'est alors q'une mélodie retentit, Don't stop the music de Rihanna.

- "T'es fan de Riri toi ?"

-" Non. Mais je me dis que t'es une meuf, tu dois kiffer."

-"Pas vraiment non."

Idriss se penche vers notre butin avant d'empoigner une des bouteilles.

-"Et les verres ?"

-"Je n'ai pas pensé à en voler..."

La vérité, c'est que j'ai agi sans réfléchir. Sinon, j'allais me dégonfler avant même d'atteindre la porte d'entrée.

-"Débutante."

Isriss prend un air faussement frustré, mais, ça ne l'empêche pas de boire à même le goulot. Il me tend ensuite la bouteille et commence à se déhancher sur le rythme de la musique. Il est ridicule. Il sautille et invente même les paroles. Je ris tellement fort que j'ai mal aux côtes.

-" Heureusement que ton job, c'est d'être rappeur, pas danseur."

-" Arrête de te moquer et viens me rejoindre !"

Quelques passants se stoppent pour regarder le spectacle. Ils doivent se demander ce qu'un mec encapuchonné veut à une jeune fille en robe de soirée.

Mais ça ne l'arrête pas, au contraire.

Idriss est toujours comme ça. Il se fiche du regard des autres. Il sait ce qu'il vaut et n'a pas peur de se ridiculiser. A Bruxelles, c'était pareil, je sais qu'il a pris, au fond de lui, un malin plaisir à se promener avec son serre-tête sur la tête.

Il arrive toujours à être positif alors que sa vie est loin de l'être à l'heure actuelle.

Je réalise une chose à ce moment précis : Hakim a raison. J'ai une deuxième raison de les aider. Mais ce n'est pas tout à fait ce qu'il pense.

C'est juste qu'Idriss mérite de profiter de son succès comme les autres, sans avoir la police sur le dos.

C'est l'homme le plus courageux que je connaisse sous ses airs de dragueur et d'idiot qui s'assume pleinement.

Et c'est tout à son honneur.

Je n'ai toujours pas bouger. Ca ne lui plait pas et il me tire par le bras.

Je me lance, d'abord timidement, mais les yeux du rappeur se remplissent de malice. Ca me donne envie de continuer.

C'est vraiment une drôle de sensation. Nous sommes tous les deux en train de nous montrer en spectacle, et, pourtant, je ne ressens plus ni la fatigue, ni la faim, ni la soif. Il n'y a plus d'enquête, plus de mensonge, plus de barrière - c'est Idriss et Lana. Point final.

J'aurais voulu danser comme ça toute la nuit sans m'arrêter, face à mon compagnon de route qui a laissé tombé sa soirée pour me suivre dans les rues de Paris. Il a fait tout ça pour moi alors que nous ne sommes même pas amis.

Mais c'est sans compter sur les douze coups de minuit qui retentissent et qui nous poussent à nous arrêter subitement.

Les feux d'artifice prennent place dans le ciel sous les applaudissements des habitants de Paname.

Le rappeur lève, lui aussi, la tête et murmure :

- " 2017..."

-"Oui, et on n'est même pas là pour embrasser les autres et leur souhaiter une bonne année."

-"On s'en branle. Et si tu tiens vraiment à embrasser quelqu'un..."

Ses lèvres se joignent aux miennes durant une fraction de seconde. Son geste est si furtif que j'aurais pu l'halluciner.

-"Bonne année Lana."

-"Bonne année Idriss."

Nous finissons par nous asseoir sur les marches du perron. Je suis en train d'admirer ces différents jets de couleur quand le rappeur me pose une question à laquelle je n'ai jamais songée :

-"T'imagines si tu m'avais rencontré dans d'autres circonstances ?"

Oui, je nous visualise très bien.

-"Tu ne te serais pas arrêté, même pour parler cinq minutes."

-"Ouais, c'est vrai que tu es une prof, amie des flics."

-"Et toi, un prétentieux qui a toujours besoin d'avoir une capuche sur sa tête. Sérieusement Idriss, si je suis seule dans la rue ce soir et que tu marches derrière moi avec ton visage qui dépasse à peine, je pense que tu veux m'attaquer."

J'arrive à lui dérober un petit éclat de rire.
Bien que cela ne soit pas compliqué, il peut s'esclaffer pour tout et n'importe quoi.

-"Alors, cette affaire à la con aura eu du positif. Avant de finir en prison, je me serai bien éclaté avec toi le jour de la nouvelle année."

Je dépose ma tête sur son épaule comme unique réponse. C'est vrai que c'est une bonne soirée.

Vers deux heures du matin, nous reprenons la route vers l'appartement de Mohamed.

Lorsque nous arrivons sur le palier, Idriss glisse dans le creux de mon oreille :

-" Prête à retourner à la vie réelle ?"

-"Non. Mais, pas vraiment le choix."

Hakim va nous tomber dessus et ça va faire très mal.

-"A quoi tu penses ?"

-"On est en 2017. Je suis déjà un peu nostalgique de 2016 moi."

Il rit.

-"T'as besoin d'être réconfortée Lana ?"

-"Peut-être."

Il ne s'attendait pas à cette réponse. Il me regarde interdit, mais, je fais semblant de ne pas comprendre le sous-entendu de notre échange. C'est pas le moment de tout gâcher.

Idriss lance quelques mots en arabe avant de rentrer dans le salon, où tout le monde y est avachi. Ils sont bien trop défoncés pour nous poser une quelconque question. Et c'est bien mieux comme ça.

Je me précipite jusqu'au canapé. Hakim me rejoint. Je m'apprête à recevoir ma sentence. Pourtant, elle ne vient pas. Il finit, simplement, par dire :

-"Il semble de meilleure humeur."

C'est vrai. Depuis que nous sommes rentrés. Idriss ne cesse de balancer des blagues qui font rire tout le petit groupe. Je ne l'avais jamais vu aussi déchaîné. Il se met à attaquer Ivan et il ne semble pas prêt de laisser tomber l'affaire de si tôt.

-" On a juste été faire un tour."

- "Heureusement."

Le grand frère se relève pour rejoindre les autres. Je profite de leur inattention pour retourner discrètement jusqu'à mon appartement avec Raphaël.

Durant le trajet en taxi, mon meilleur ami me demande, presque en criant :

-"C'est quoi ta résolution pour 2017 ?"

Je n'y ai pas vraiment réfléchi. Pourtant, il y a bien une idée qui me traverse l'esprit.

-"J'ai un projet en tête. Et J'aurai besoin de toi sur ce coup là."

Il n'en faut pas plus pour attirer son attention.

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