Chapitre 20 - Une excuse

Je suis dans un appartement que je ne connais pas vraiment  avec une personne que je ne connais pas du tout. 

Medhi s'installe sur une des chaises de la cuisine. Depuis qu'il a passé le seuil de la porte, Il refuse de lâcher mon regard. Son assurance me met à l'aise. J'ai envie de rentrer chez moi. 

Je tente une diversion : 

- "Ca vous dérange si je passe deux minutes à la salle de bain... Vous savez, pour remettre... quelques couches ?" 

Je fais un signe de la main pour lui indiquer que je parle de mes jambes. 

Mauvaise idée. 

Alors que je prononce ces mots, le jeune homme commence à examiner mon corps de ses yeux perçants. Je croise les bras et tente de cacher mes formes derrière la table de la cuisine. 

Medhi est obligé de reporter son attention sur mon visage. 

- "Quel est votre nom ?"

-" Lana, Lana Rousseau."

Il se gratte le menton et prend une grande inspiration. 

- "C'est un joli prénom. Et le nom de famille... Ca évoque de jolies choses. Vous savez, le contrat social."

-" Vous connaissez les Oeuvres de Jean-Jacques Rousseau ?"

-" Bien sûr. Ca vous étonne ?"

Je dois avouer qu'après avoir côtoyé les garçons durant ces deux mois, je n'imaginais pas un seul Akrour étudier le travail d'un grand philosophe français. A l'exception de Ken, personne ne s'intéresse vraiment à la littérature dans leur petit groupe. 

Toutefois, je ne compte pas les rabaisser face à Medhi Ils ont d'autres grandes qualités.

-" Non, c'est pas ça mais..."

-" Je sais. Idriss et Hakim ne sont pas intéressés par les mêmes sujets que vous et moi, on dirait."

Il se lève et s'installe à mes côtés. Nous sommes si proches l'un de l'autre que je distingue son parfum : une douce odeur d'eau de Cologne. 

Il attend encore quelques secondes avant de murmurer : 

-"Vous pouvez aller vous habiller... Mais j'aimerais beaucoup un café avant que vous partiez." 

Sa voix est aussi grave que celle d'Hakim. Et physiquement, ce garçon est un vrai mélange entre les deux frères. Leur lien de parenté est indiscutable.

Cependant, son style est, ce qu'on peut qualifier, d'habillé et de branché. Contrairement à Idriss que je n'ai  jamais vu  porter autre chose qu'une large veste et une casquette. 

-"Heu... Et bien..."

Je ne connais pas cet appartement, comment puis-je savoir où Idriss range ses affaires ? 

Ca ne fait que dix minutes qu'il est là et je n'arrive déjà plus à finir mes phrases. Il me prend vraiment au dépourvu. 

Je m'apprête à rejoindre la salle de bain sans lui répondre mais je n'ai pas le temps de me défiler. Nous sommes interrompus par un bruit dans les escaliers. 

Très vite, la porte s'ouvre avant de se refermer dans un claquement sourd. 

-" Madame Lana, on peut y aller !"

Idriss vient de rentrer. Il chantonne un de ses raps quand il arrive dans la cuisine. 

Un gigantesque sourire se dessine sur son visage lorsqu'il remarque la présence de son cousin. Il pousse un cri de hyène révoltée avant de prendre Medhi dans ses bras. 

-" Wesh, t'es là depuis quand  toi ? C'est trop golerie de te voir ici ! "

-" Je viens d'arriver à Paris. Et je suis tombé sur cette jolie demoiselle... Je pensais que tu avais déménagé. "

Ils se retournent tous les deux vers moi. 

Idriss lève un sourcil avant de me poser la question... Celle que n'importe quel homme aurait formulé depuis, déjà, plusieurs minutes : 

-" Qu'est-ce que tu fous en culotte ?"

-" Je ne savais pas que ton cousin devait venir... Je comptais me rhabiller mais il m'a demandé du café." 

Dis comme ça, j'ai l'air ridicule et peu crédible.

Idriss me regarde toujours de travers avant de diriger, presque aussitôt, toute son attention  sur son cousin. 

Il s'en fout complètement. 

-" T'as déjà été voir Haks ? "

-" Non j'y vais demain, mais ne change pas le sujet Idriss...." 

Medhi m'adresse un sourire malicieux. Il se place juste derrière moi. Je sens ses jambes éfleurer  les miennes qui sont, quant à elles, toujours nues.  Il pose ses grandes mains sur mes épaules. 

- "Tu ne m'as pas parlé de ta copine."

-" Ho, c'est pas ma meuf t'inquiètes, tu peux y aller si tu veux." 

Il a dit quoi là ? 

Je suis incapable de lui répondre. C'est comme si je recevais un coup de massue sur la tête. 

Il me lance un clin d'oeil mais ça ne me fait pas rire. 

Ok, je ne suis pas sa copine. Mais il parle de moi comme si j'étais un jouet que l'on pouvait passer d'une main à l'autre au sein d'une même famille. 

Il vient vraiment de donner son feu vert à son cousin ? Et mon avis dans tout ça ? 

Après deux mois à se côtoyer, je pensais avoir droit à  une présentation plus élogieuse. 

Medhi est heureux. Ca s'entend au timbre enjoué qu'il emploie lorsqu'il déclare : 

-"Sérieux ? Alors qu'est-ce qu'elle fait là ?"

-" Histoire compliquée couz, je te raconterai tantôt. Je vais d'abord la ramener chez elle."

Ils savent que je suis là ? Ils sont obligés de parler de moi à la troisième personne ? 

Je me retourne alors vers Idriss : 

-" Tu sais quoi,  je vais appeler un Uber. Je vous laisse discuter. Je vais me rhabiller une bonne fois pour toute."

Il n'essaye pas de me faire changer d'avis.

Le rappeur préfère raconter des anecdotes à son cousin,  mais, celui-ci n'en a pas encore fini avec moi :

-"Pas si vite jolie Lana!"

Medhi tient mes épaules un peu plus fort et m'oblige à lui faire face. Il dépose, ensuite, ma main écorchée dans ses paumes. Il tente de glisser ses doigts sur mes blessures mais je ne veux pas qu'il y touche. 

Je me rappelle comment Idriss a enveloppé ma main avec les siennes, si délicates...

C'est comme si ça s'était passé il y a une éternité ...

J'ai un mouvement de recul mais Medhi ne me lâche pas.  Il me regarde, à nouveau, droit dans les yeux. Je pensais Idriss entreprenant, mais, ça n'est rien comparé à son  cousin. Il est si sûr de lui qu'il parvient à me faire rougir. 

Je ne sais pas si Idriss nous observe mais je l'entends se servir un bol de céréales...

On vient de coucher ensemble... Mais, je pourrais partir avec le premier venu. Peu importe pour lui. 

Medhi s'exclame d'une voix bien distincte : 

-" Je suis ravi d'apprendre que vous ne sortez pas avec Idriss. Alors, je me lance :  Lana, acceptez-vous de sortir avec moi un soir ? Je compte rester un moment sur Paris."

Je ne sais quoi répondre. Je déteste les rendez-vous. Puis, c'est le cousin d'Idriss et d'Hakim...

Voyant l'hésitation se dessiner sur mon visage, il reprend : 

-" Voici ma proposition : on passe une petite soirée tous les deux. Puis, vous venez avec moi à la super fête que j'organise pour mon retour dans la capitale. Idriss viendra avec ses potes plus tard, ils nous rejoindront."

-" Je ne sais pas..."

-" Tu devrais y aller Lana."

Je me retourne vers Idriss qui déguste à grand coup de cuillère "ses Chocapics". 

Pourquoi cherche-t-il à ce point à me jeter dans ses bras ?  

Ca me blesse plus que je ne l'aurais voulu. Je suis d'accord que cela ne comptait pas. Mais, chaque garçon avec qui j'ai couché, avait au moins la politesse de me respecter jusqu'à ce que je rentre chez moi. 

Ici, il me pousse à jouer la prostituée : tu t'es bien amusée avec moi ? Maintenant, va montrer aux autres à quel point t'es bonne. Comme ça on pourra faire des petites comparaisons. 

Je suis, soudainement, en colère contre lui. S'il me considère comme une salope, il va voir ce que s'est de se comporter en tant que telle : 

-" Très bien. Idriss vous donnera mon numéro. Medhi, ce fut un réel plaisir de faire votre connaissance."

 Je passe devant le rappeur que je bouscule au passage. 

-" Elle a du caractère pour une institutrice tu vas voir !"

Il ne comprend vraiment pas. 

Je me dirige vers la chambre et n'en ressors que lorsque j'aperçois mon Uber à l'autre bout de la rue. 

J'entends Idriss expliquer à son cousin : " Ouais Lana, c'est ma carte "sortie de prison" tu vois."

C'est donc comme ça qu'il me voit ? 

Il n'a pas tout à fait tord en réalité... Après tout, nous ne sommes pas amis.

Je salue Medhi avant de partir et  rentre enfin chez moi. 

Cette longue nuit et tous ses événements doivent être envoyés aux oubliettes au plus vite... 

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