Mon coeur bat si fort. J'ai l'impression qu'il va exploser d'une seconde à l'autre. Ma tête me fait encore souffrir mais je dois continuer à avancer au milieu de la foule. 

La soirée a suivi son cours et tous sont, désormais, complètement éreintés. Je repère Ken dans un coin avec Théo. Le premier a une fille sur ses genoux et le second semble raconter des histoires rocambolesques à son ami. Ca se remarque à sa façon de parler, de rire et de gesticuler sans arrêt. Il s'arrête, cependant, lorsqu'il me voit les rejoindre comme une furie. 

-  Lana ! Ca va mieux ? me demande Ken. 

- Où est Hakim ?

Mon unique réponse. 

Les garçons n'insistent pas. Ils ont compris à mon regard que la situation est urgente. 

On va, peut-être, pouvoir avancer dans cette histoire. 

Ken et Théo partent à la recherche de leur pote. Je les attends mais je ne tiens plus en place. Mes mains tremblent de plus en plus. Mon regard est fixé vers la porte qui mène à la cabine que j'ai quitté quelques instants auparavant. Idriss n'en est toujours pas sorti. Qu'est-ce qu'il fabrique ? 

-  Lana !

C'est Ken qui est de retour avec Hakim. Ce dernier a toujours un verre à la main et me gratifie, pour ne pas changer,  de son regard le plus noir. Théo les suit de près. 

Je ne leur laisse pas le temps de m'interroger. Je suis déjà en train de déblatérer : 

- Je pense que j'ai une piste ! C'est...

- C'est quoi ton problème ? Pourquoi t'es partie ainsi ? 

Idriss nous a, enfin, rejoint.  Lorsqu'il pose les yeux sur moi, je me rends compte que son doux visage  a laissé place à une mine plus sombre, il bouillonne. 

Hakim profite de la présence de son frère pour s'adresser à ce dernier comme si je n'étais pas là. 

-  Elle a trouvé un truc ?

-  Je sais pas ! Je comprends rien à ce qu'elle dit !

Les quatre garçons se retournent vers moi alors que mes mains tremblent de plus en plus forts. Je vais exploser. C'est certain. 

- Idriss a passé sa dernière soirée avec une fille. Elle a peut-être des réponses à nos questions ! J'ai un pressentiment. 

Je pense avoir heurté l'égo du principal intéressé lorsqu'il s'exclame : 

- T'insinues que je peux pas me taper une meuf sans qu'elle est d'arrière pensée ?

- Ta gueule, Fram.

Est-ce une hallucination ou Hakim vient-il (vraiment) de défendre mon idée ? 

Il murmure entre ses dents : 

- Faut tout essayer.

Il pose une main sur l'épaule de son petit frère. Ils échangent en silence comme la dernière fois. Idriss finit par acquiescer tout  en serrant la mâchoire. 

Il regarde la foule durant quelques instants, et, pointe une jeune femme qui parle avec d'autres invités.  

- La canon ? demande Théo. 

Le rappeur lui répond que oui, c'est bien elle. 

Il n'y a pas d'autres mots. Elle est vraiment canon. Ses yeux de chat sont mis en évidence grâce un trait d'eyeliner parfait, des mèches blondes s'entremêlent avec ses cheveux noirs, sa taille fine lui permet de porter une robe verte presque transparente. Elle mesure au moins vingt centimètres de plus que moi... Mais ça ne m'arrête pas, je suis déjà en train de bondir vers elle. Les garçons n'ont pas le temps de réagir. 

Lorsque j'arrive à sa hauteur,  je l'attrape par le bras et la tire vers la sortie. Je ne lui laisse pas le temps d'accepter ou non l'invitation à me suivre. 

- Putain mais t'es qui toi ? Lâche moi !

Dans un premier temps, elle tente de se débattre mais je ne lâche pas prise. A croire que l'adrénaline me transforme en Hulk... 

Toutefois, je me rends, rapidement, compte qu'Hakim est juste derrière elle et l'empêche de faire demi-tour. Je ne suis pas si forte que ça...

Ken ouvre la baie vitrée et nous sortons les uns après les autres. Je suis foudroyée par la température extérieure. Je n'ai rien sur mon dos. Ma veste doit être quelque part entre Mohammed et l'un de ses amis. 

- C'est quoi votre problème  ?! Laissez moi rentrer ! 

Elle fait un pas vers le bâtiment, mais, Hakim et Théo lui refusent le passage. Il est hors de question qu'elle parte maintenant. 

- Mademoiselle, il va falloir répondre à quelques une de nos questions.

Ken est comme à son habitude, très diplomate. 

Ce n'est pas mon cas ce soir. Je ne sais pas pourquoi, mais, je n'ai vraiment pas envie de faire des efforts. 

Je décide de la jouer au bluffe : 

- On sait que vous avez été engagée lors de cette même soirée, il y a deux mois.

Son sourire disparait. Son teint méditerranéen laisse place à un ton davantage blafard. On y est ! 

-  Co... Comment ? D'où vous savez ça ?

Je me retourne vers Idriss avec un regard de triomphe... Ses yeux sont si noirs. Il la détaille de haut en bas. Il se mordille à nouveau la lèvre. 

- T'as été payée pour coucher avec moi ?

Elle hausse les épaules : 

- Et alors ? T'as pris ton pied. Puis, tu comptais pas me rappeler ! Tu sais même pas comment je m'appelle !

Hakim a quitté son poste, je le sens juste à côté de moi. Il est près à jaillir à son tour. Je me décale pour l'empêcher de passer. C'est à moi de m'occuper d'elle : 

- Si tu veux pas qu'on aille te balancer aux flics, tu as intérêt à répondre à nos questions !

Elle rit. 

- Tu crois que tu me fais peur minus ?

- C'est qui que tu appelles ainsi ?

Je ne tiens plus, c'est fini. Je me précipite vers la belle brune... Mais je sens des bras qui viennent m'emprisonner. 

- Lana, arrête ! c'est pas comme ça qu'on va y arriver !

- Putain Idriss, lâche-moi ! 

Mais il n'obéit pas. Il me tient si fort que je suis incapable de regarder derrière moi. Dans mon champs de vision, il n'y a que cette magnifique connasse. 

Je crois devenir folle lorsque j'entends Ken lui proposer : 

- Si je vous fais un chèque de 3000 euros, vous allez parler ?

Elle fait semblant de réfléchir mais il est évident que sa décision est déjà prise. 

- Ok. Et plus jamais, vous me contactez.

Ken accepte l'offre avant de commencer le jeu des questions/réponses :

- Maintenant, vous allez me dire qui vous a engagé et pourquoi ?

- C'est pas compliqué. J'offre mes services aux hommes. L'un d'entre eux est venu me voir et m'a proposé un job facile : me taper une petite starlette du rap et pouvoir, en échange, profiter d'une superbe soirée au Label du grand Nekfeu. Je devais juste éloigner le fameux Framal et lui voler les clés de son casier. 

- Tu les as donné à quelqu'un ? continue Ken. 

- Non. Je devais aller ouvrir le casier moi-même puis les remettre à leur place comme si de rien n'était. C'était pour ça la deuxième round.

Je la vois faire un clin d'oeil à Idriss avant d'ajouter :

- Ne te méprends pas, c'était très agréable de coucher avec toi ! Une autre question ?

Je vais la tuer. Mais au moins, on sait comment la drogue a pu se retrouver à cet endroit. 

Ouais...,  la question la plus importante : "Qui t'as payée ?"

Elle croise les bras avant de déplorer d'une voix faussement désolée  : 

- Je sais pas. J'ai juste accepté l'argent en liquide. Le mec portait un bonnet et une écharpe remontée jusqu'à son nez. J'ai pas fait gaffe. Il m'a inscrit sur la liste des invitées.  Et comme vous avez refait une petite soirée à partir de cette liste, j'ai été invitée ce soir . Je peux partir maintenant ?

Je ne vois toujours pas les garçons, mais, je suppose que Ken  lui donne l'autorisation car elle se dirige à nouveau vers l'entrée. Toutefois, la brune s'arrête à côté de moi et murmure à Idriss : 

- Si tu veux, on remet ça sans problème.

Le rappeur doit être distrait à la suite de cette proposition car je parviens, sans problème, à  me défaire de son emprise. Je fonce sur la demoiselle. Elle s'écroule sous mon poids. Je ne sais pas ce qui me prend. 

- T'as intérêt à dégager, t'es plus la bienvenue ici !

- Lana ! Si tu veux qu'elle parte, laisse la se relever, hurle Théo. 

Je ne les écoute pas, je continue : 

- Si je te vois roder à nouveau autour des garçons, ça va mal finir pour toi ! Je peux te faire arrêter pour prostitution illégale !

- Lana, putain !

Je sens qu'on  m'oblige à me relever.  c'est Hakim qui me porte et qui me dépose un peu plus loin. 

- Toi tu restes là ! Théo accompagne là à la sortie. Ken va faire ton putain de chèque, ordonne-t-il brusquement. 

La demoiselle se redresse et se recoiffe brièvement. Je l'entends m'insulter mais Hakim m'empêche d'y retourner. 

Lorsque les trois disparaissent, il ne reste plus que les frères Akrour pour me tenir compagnie. 

- Tu peux la lâcher Haks. 

Hakim écoute son frère mais je sens qu'il reste vigilant. Il se retourne vers Idriss avant de lui demander : 

- Tu te rends compte qu'on a invité un traitre à l'une de nos soirées ?! Qu'il traine avec nous ?  On arrive encore à se faire avoir putain !

Idriss ne répond pas. Il regarde ses pieds. 

Pourtant, Hakim n'a pas fini de poser des questions : 

- T'as une idée de qui il peut s'agir ? Quelqu'un que tu as énervé ?

- Ouais je pense. On peut creuser de ce côté là.

- Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?

Je suis surprise lorsque le regard d'Hakim se tourne vers moi. C'est ma réponse qu'il attend. Seulement la mienne... 

- Et bien...

- T'es pas obligée Lana. Je t'ai dit que tu pouvais partir après ce soir, m'interrompt Idriss pour la seconde fois de la soirée. 

J'avais dit que c'était la dernière fois. J'avais dit que je ne faisais ça que pour moi, que je ne voulais plus les voir, que je n'étais qu'une observatrice, que cette histoire terminait ce soir. Alors, je dois leur dire au revoir... 

- Je sais. Mais j'ai envie de continuer avec vous.

Putain. Je n'arrive pas à leur dire au revoir.