J'aurais voulu être
Je suis peut-être né muet, mais la vie la doté d'un cœur. Aussi petit soit-il, mon organe vital sait me faire parvenir les plus intenses douleurs existantes.
Je détiens un lourd et dur passé, toujours vivant dans mes souvenirs, bien qu'enfouis.
J'ignore si je suis heureux, et je m'en fiche. Le bonheur ne me tient pas à cœur, alors que le sourire, lui, me permet de croire en la vie.
Mais ce matin, quelque chose m'inquiète, je me sens différent... Vide ? Qu'en sais-je ?
Qu'importe, la vie s'offre à moi, vide ou pleine, elle m'entoure, me berce et m'accompagne.
Sky me tire soudainement de mes pensées en venant s'installer, comme à son habitude, au bout de mon lit.
Sky, c'est plus qu'un simple chien : c'est mon meilleur ami, celui qui est toujours à mes côtés autant dans les bons que les mauvais moments. Il est comme un frère pour moi, celui que je n'ai jamais eu.
Il a cette incroyable capacité à sentir ma tristesse et me réconforter en venant se coller contre mon torse.
Cet animal est ma plus belle raison de sourire.
Aujourd'hui il semble... Triste ?
Mon ami est roulé en boule, le regard vide, comme cherchant quelque chose.
Je m'approche de lui, puis lui donne de tendres et douces caresses affectives, ne provocant aucune réaction de sa part.
Les minutes défilent, je me décide à me lever rejoindre ma famille dans le salon. Étonnamment, Sky reste couché.
Je trouve une pièce silencieuse, mes parents installés sur le canapé et ma sœur assise sur le fauteuil, regardant la télévision.
Aucun d'eux ne semble me remarquer.
Depuis la naissance de ma sœur, treize ans auparavant, mes parents ne me prêtent plus autant d'attention. Je suis « le frère qui doit s'occuper de sa sœur ». Celle-ci en profite souvent, elle prend même un malin plaisir à me narguer devant nos géniteurs.
Éléna paraît fatiguée, son visage est d'une étrange pâleur.
Sans l'usage de la parole, il est difficile de demander à sa petite sœur si elle va bien, chose si simple et futile pour des personnes ne rencontrant pas un tel handicap.
Toujours invisible à leurs yeux, je m'assieds à côté de ma mère.
Maman tient la main de Papa, sa tête contre l'épaule de celui-ci qui caresse la longue chevelure couleur châtain de sa femme. C'est vrai qu'ils sont beaux, tous les deux.
Alors que je les scrute, je m'attarde sur les yeux de Maman. Ils sont rougis, comme si elle avait pleuré.
Ici, l'ambiance est bien étrange, voire même mystérieuse.
Je me tourne pour regarder Éléna dont les lèvres bougent mais aucun son n'en sort. Ou... Sa voix ne me parvient pas. Ma vision devient floue, les murs semblent se resserrer autour de moi.
Le stress monte, la peur m'envahie. L'air m'étouffe et me compresse, j'ai besoin de me sentir vivant. Les larmes dévalent dangereusement mes joues alors que j'entame une véritable course jusqu'à ma chambre.
Je trouve mon animal marron tacheté à la même place que quelques minutes plus tôt. Je le serre contre moi aussi fort que possible.
De vieux souvenirs lacèrent mon esprit, de douloureuses cicatrices du cœur que je tente de refermer.
Je dois me battre contre le passer, je veux me battre pour vivre. Mes cicatrices resteront symbole de ma gloire.
Alors, je cherche la vie. La vraie. Désormais, rien ne m'arrêtera.
Quelques heures passent avant que mon meilleur ami ne se lève. Fidèle à mes habitudes, je le suis. Nous traversons la maison en passant par le salon où l'ambiance est toujours aussi étrange. Puis, Sky se dirige vers la route qui lui est pourtant interdite. Je veux crier mais mon absence de voix m'en empêche. Je veux l'arrêter mais il court bien trop vite pour mes jambes épuisées et mon corps affaibli.
Malgré tout, je le suis toujours. Nous nous dirigeons vers le parc, empruntant notre habituel chemin de promenade. Pourtant, au lieu de tourner à droite pour rentrer à la maison, Sky prend le chemin opposé.
Cette route... Je la connais. Je sais où il va. Je comprends soudain ce qu'il se passe. L'ambiance étrange...
Non ! C'est impossible. Je ne veux pas y croire, je ne peux pas y croire !
« Je suis bloqué entre qui je suis et qui je veux être. »
Cette phrase tourne en rond dans ma tête où plus rien n'a de sens, où les mots ne sont que des lettres mélangées se succédant. Plus aucune pensée n'est contrôlée.
Nous avançons vers le cimetière, sombre et sinistre. J'ai peur.
Ce que je crains le plus se produit.
Je veux crier, m'enfuir, balancer tout ce qui se trouve dans les environs, déraciner les arbres, faire voler les fleurs !
Je voudrais me réveiller, que ce soit un affreux cauchemar et que mon meilleur ami m'offre un câlin.
L'impossible existe bel et bien. L'impossible règne dans mon être tout entier.
Je suis bloqué entre qui je suis et qui je veux être.
Bloqué.
Je suis bloqué et le resterai.
Aussi petit était-il, mon organe vital savait me faire parvenir les plus intenses douleurs existantes.
Je suis vide. Le vide me comble, l'impossible m'entoure.
Je regarde à nouveau les lettres gravées dans la pierre tombale grise, maintenant laide et révoltante : « JULIEN FERRE ».
Mon prénom. Ma pierre tombale.
La vie m'a quitté. J'ai quitté la vie. J'ai abandonné mon ami, ma famille.
Je n'étais qu'un adolescent de dix-sept ans cherchant mon sourire à travers l'ivresse. Je voulais juste oublier un court instant, et non tout quitter...
J'ai laissé la plus belle chose que la vie m'est donné, Sky. Mon chien, mon meilleur ami. Le plus bel et fidèle des animaux que la Terre ait créé.
Sky, je l'aime plus que tout.
Je lui fais de dernières caresses invisibles, tandis qu'il s'installe près de l'endroit où je repose.
Malgré la distance de nos deux univers contraires, je continuerai à te donner tout l'amour qu'il m'est possible d'envoyer. Je veille sur toi, Sky.
Je ne suis plus là physiquement, mais je suis toujours vivant dans ta mémoire. Qu'importe que je ne sois aussi connu que Charles Baudelaire, je suis important pour toi, c'est la seule chose dont j'ai toujours rêvé.
Je t'aime.
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