Eléah, qui était assise seule depuis son arrivée dans notre classe, serait installée à côté de moi. Dorénavant, nous allions partager le même banc. Je l'aiderais à s'intégrer dans la classe et à rattraper le retard qu'elle avait accumulé dans certaines matières.

C'était ma nouvelle mission pour le restant de l'année ! expliqua Madame Aria avec beaucoup d'enthousiasme.

La maîtresse me laissa-t-elle le choix ? Oui, elle me laissa le choix. Mme Aria me demanda mon accord devant tous les élèves.

Un épais silence enveloppa la classe et je restai pétrifiée sur ma chaise. Je savais que je devais répondre, mais ce que j'allais répondre me surprit moi-même. Je croisai le regard de Salomé qui attendait ma réponse négative avec confiance. Je ne pouvais pas dire « oui » à cette mission, c'était impossible, pas après toutes nos années d'amitié. Je ne pouvais pas la laisser tomber si facilement.

C'était impensable d'accepter d'être assise auprès de la « nouvelle ». Salomé avait toujours été assise à mes côtés. Nous étions inséparables.

Je tournai ensuite les yeux vers Eléah et cela me perturba. Je savais que je devais dire « non » si je ne souhaitais pas blesser Salomé mais rien que d'imaginer une autre fille de la classe prendre ma place, la jalousie monta en moi tel un geyser. C'était ma seule chance de me rapprocher d'elle. Et c'était à ma portée. 

La maîtresse me posa la question une seconde fois, interloquée par mon silence.

Je répondis « oui » spontanément tout en hochant la tête.

Abasourdie, Salomé rassembla ses affaires, les yeux humides. Elle me fixa sans dire un mot puis se dirigea vers sa nouvelle place avec résignation. Je vis directement dans son regard que quelque chose venait de se briser entre elle et moi. Elle était triste et c'était de ma faute. Je l'avais déçue.

J'avais pris une décision sans réfléchir, sans comprendre toutes les conséquences de celle-ci. J'avais blessé ma meilleure amie et étonnement, cela ne me préoccupa pas.

Bizarrement, j'étais même folle de joie.

Eléah serait assise à mes côtés pour le restant de l'année scolaire. C'était tout ce qui m'importait à ce moment-là.

Eléah s'installa à notre banc avec grâce, sans même me regarder.

Je sentis l'odeur de son shampoing à l'amande s'infiltrer dans mes narines, je contemplai son beau pull rose bonbon qui avait l'air si doux et confortable. Elle sortit lentement son plumier et sa farde. Rien à voir avec mes affaires qui étaient abimées et éparpillées sur le bureau. Tout était parfait chez Eléah et je me surpris à souhaiter lui ressembler.

Je ne voulais plus passer inaperçue.

Je souhaitais briller comme Eléah et pour y arriver, j'étais prête à tout sacrifier.