Chapitre 6

Avant Eléah, je ne me posais pas vraiment de questions sur moi-même, sur ce que les autres pouvaient bien penser de moi ou ne pas apprécier chez moi.

Avant elle, je ne me demandais pas si l'on m'aimait, si j'étais acceptée, si j'étais une jolie fille ou si j'étais bien habillée.

Avant elle, je ne me torturais pas l'esprit avec toutes sortes de réflexions, de frustrations ou de questionnements.

Avant elle, tout était plus simple.

Le pire avait été de réaliser que j'étais encore une « gamine » par rapport à elle.

Cette constatation m'avait anéantie. Il y avait du travail pour arriver à son niveau. 

J'étais naïve, gentille et bien trop serviable, je jouais encore avec des poupées et des petits poneys, je ne me préoccupais pas du tout de mon look ni de ma coiffure, je lisais des livres pour enfants dans lesquels on parlait de petites filles orphelines qui vivaient des choses tristes et passionnantes. Côté musique, j'avais encore des CDs de Henri Dès, de Chantal Goya et des K3. Manquait plus que la collection complète des Télétubbies pour finir en beauté. J'eus soudain honte.

Le soir, je rêvais de ressembler à Sarah Crewe ou j'espérais un jour ouvrir la porte d'un jardin secret tout comme Mary Lennox. J'adorais quand maman me racontait une histoire et que je restais blottie tout contre elle à écouter attentivement. J'étais si bien contre elle à ne pas penser au reste du monde. Même si je connaissais la fin, je frémissais d'impatience. Je vivais chaque moment comme s'ils étaient réels. C'était souvent le livre sur les petites filles modèles de la comtesse de Ségur que je choisissais inlassablement. Avant, je souhaitais leur ressembler mais maintenant, tout avait changé.

Depuis l'arrivée d'Eléah dans ma classe, tout avait basculé.

Un raz-de-marée avait déferlé sur ma vie.

Je voulais changer.

Les petites princesses et les petits poneys furent jetés dans une caisse en carton et emmenés au grenier, les poupées cachées honteusement dans mon coffre à jouets, ma garde-robe fut analysée et triée sous le regard perplexe de maman.

-Mais qu'est-ce qui te prend tout à coup ?

Silence.

-Je viens tout juste de t'acheter ce pull et tu ne l'aimes plus ?

Je savais que son regard suspicieux n'annonçait rien de positif, mais comme elle ne fit aucun commentaire supplémentaire, je fis semblant de rien. Tant pis si elle me trouvait capricieuse.

Tout ce que je souhaitais, c'était l'approbation d'Eléah.

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