Margareth était arrivée l'année passée dans notre école et elle n'avait pas vraiment réussi à se faire des amis. Timide et renfermée, elle frôlait les murs et ne se faisait jamais remarquer. Seul son look attirait l'attention. Il était très étrange. On aurait dit qu'elle s'habillait avec les fripes de sa grand-mère. Décalée et originale, Margareth avait tout de suite subi les réflexions cinglantes d'Eléah.

« Tiens, ma mamy avait la même robe que toi avant de s'en débarrasser. »

« Bonjour la mocheté »

« On t'a déjà dit que tu ressemblais à Mme Doubtfire ? »

Margareth restait imperturbable face à ces moqueries. Cela avait l'air de l'indifférer, de lui passer au-dessus de la tête. Plus Eléah se moquait, plus ses tenues étaient farfelues. C'était comme un pied de nez à la méchanceté gratuite. Sa réaction détachée ne plut pas à Eléah. Celle-ci aimait bousculer, anéantir, briser. Lorsque le résultat n'était pas effectif, cela la contrariait.

Taciturne, Margareth était toujours toute seule, un carnet et un bic à la main. Elle écrivait tout le temps. Le nez levé vers le ciel, elle avait souvent les idées ailleurs. Son attitude hors du commun interpellait les autres élèves. Que pouvait-elle bien écrire dans son carnet bleu ciel ?

Assise sur un banc dans la cour de récréation ou près du terrain de basket, elle écrivait inlassablement. Le fameux carnet bleu ciel qu'elle trimbalait partout était son journal intime d'après Églantine. Elle avait su y jeter un rapide coup d'œil en salle d'étude.

Intriguée, Eléah avait très vite critiqué Margareth. Elle n'appréciait pas que cette fille écrive des pages et des pages sur notre école, sur les élèves, sur quoi que ce soit d'autre. Cela l'énervait de ne pas contrôler ce que Marg couchait sur le papier. Fille qui, de plus est, restait totalement de marbre face aux provocations incessantes d'Eléah. Elle était bien une des rares filles de l'établissement à ne pas porter une attention particulière au cinéma d'Eléah. On voyait bien qu'elle était au-dessus de tout ça.

Zachary me rapporta un échange entre Eléah et Églantine :

-Je me demande bien ce qu'elle raconte, cette garce.

-Pourquoi tu la traites de garce ? Tu ne la connais même pas.

-Ce n'est qu'une curieuse, qu'une mêle-tout. Regarde-la écrire à longueur de journée.

-Elle ne parle sûrement pas de nous.

-Puisque je te dis que c'est une garce.

Lorsque j'avais quitté l'école, Margareth était malheureusement devenue la nouvelle cible d'Eléah.

Un jour, pendant le cours de gymnastique, Eléah demanda poliment au professeur pour se rendre aux toilettes. Une urgence soi-disant !

Dix minutes plus tard, Eléah était de retour, un grand sourire sur les lèvres. Ce sourire, nous le connaissions tous par cœur. Il ne valait rien de bon.

Dans les vestiaires, après le cours, Margareth se mit brusquement à s'énerver. Elle si calme habituellement.

-Qui a fouillé dans mes affaires ?

Elle se mit à gesticuler nerveusement, à retourner son sac, à fouiller ses affaires en tremblant puis elle ouvrit son casier : son journal intime avait disparu.

-Qui a fouillé dans mes affaires ? cria-t-elle de nouveau en panique.

Margareth ne remit pas la main sur son journal ce jour-là. Désespérée, elle essaya de le retrouver à tout prix, car tous ses secrets, toute sa vie étaient renfermés dans ce cahier.

Le lendemain, lorsque Zachary arriva dans le couloir. Il m'expliqua qu'il remarqua directement des feuilles collées sur les murs, sur les portes et sur les casiers.

Il y avait des feuilles partout dans les couloirs.

Mais ce n'était pas n'importe quelles feuilles.

Il y avait des poésies, des dessins, des petits personnages de mangas marrants et mignons. On y lisait des confidences ou des secrets. Des états d'âme et des pensées d'adolescentes déprimées.

Zachary contempla toutes les pages collées en vrac, exposées au regard de tous les élèves de l'école puis il comprit. 

C'était le journal intime de Margareth. 

Eléah avait volé son journal intime et l'avait rendu publique. Sans aucun scrupule, sans aucun remords.