Chapitre 35
Je pensais avoir touché le fond mais malheureusement, il était encore possible de tomber plus bas.
La discussion avec monsieur le directeur fut très pénible pour moi, mais surtout totalement inutile.
Ce qu'il se passa dans son bureau ce jour-là me marqua au fer rouge. Je n'avais plus d'espoir. Aucune chance de m'en sortir. Eléah gagnait toujours, peu importait mes choix ou mes réactions.
Chaque fois, j'avais l'impression de me retrouver dans une impasse.
Le directeur me prenait pour une adolescente névrosée, bien trop sensible, voir susceptible. Il expliqua à mes parents qu'il me trouvait immature de me plaindre pour de telles chamailleries.
J'avais 17 ans et je devais apprendre à passer au-dessus de gamineries pareilles si je souhaitais être prête à affronter l'université puis le monde des adultes dans quelques années.
Mes parents parlèrent de l'anorexie de Romane, du Facebook de Salomé mais les commentaires avaient entre-temps été supprimés du compte de celle-ci. Nous n'avions plus de preuves sous la main. Puis, Monsieur n'avait pas l'air de s'intéresser à une élève qui n'était même pas inscrite dans son établissement.
Il ne prêta pas non plus attention au fait que j'avais été enfermée dans les toilettes. Je n'avais aucune preuve pour accuser Eléah.
A-t-elle vraiment été enfermée dans les toilettes ?
Peut-être que votre fille est tout simplement maladroite... peut-être que ci ... peut-être que ça...
Aurait-elle tendance à la paranoïa ?
Est-elle toujours aussi asociale ?
Il trouvait ridicule que mes parents rentrent dans mon jeu. Je souhaitais certainement attirer l'attention sur moi. Mais, il était clair que je ne pouvais pas salir le nom d'une honorable camarade dans l'unique but de me rendre intéressante.
Pour calmer la colère et la frustration de mes parents, il promit de convoquer Eléah afin de régler cet incident.
Toute cette « histoire » l'indifférait, l'importunait. Il ne me croyait pas, bien sûr, et me trouvait puérile. C'était flagrant.
Ce fut le mot « harcèlement » lancé par maman qui le poussa à ne pas nous jeter hors de son bureau.
L'histoire fut classée « sans suite ».
Résultat : ma réputation se dégrada davantage. En plus d'être une tricheuse, j'étais en plus devenue une menteuse, une fabulatrice.
Eléah avait tous les arguments pour protéger sa réputation. Je n'avais jamais fait un seul devoir pour elle ni une seule dissertation. C'était plutôt moi qui profitais d'elle et qui trichais sur sa feuille dès que j'en avais l'occasion.
Elle s'empressa de donner le nom de madame Aria au directeur afin de corroborer son histoire. En primaire, j'étais « la tricheuse » de la classe. Beaucoup d'élèves pourraient lui confirmer mon mauvais renom.
Eléah était un ange qui n'insultait jamais personne. Elle avait même beaucoup d'amies et je devais certainement être jalouse de son succès.
Certes, elle avait un compte Facebook, mais elle ne l'utilisait jamais. Elle se rappelait à peine de ... euh attendez comment s'appelle-t-elle encore ? ... ah oui une certaine Salomé. Ce n'était qu'une vague connaissance. Elles n'avaient jamais été proches.
Nous étions en fin d'année. Les examens allaient bientôt commencer. Depuis l'entretien traumatisant avec le directeur de l'école, j'allais de plus en plus mal. Je n''espérais plus que cela s'arrange pour moi.
Quelques jours plus tard, je m'avançai vers mes parents d'un pas décidé. Mon quotidien à l'école était devenu un enfer. Je n'avais pas d'amie et Eléah avait toujours de très bonnes idées pour rendre ma journée infernale.
Mouiller mes affaires de sport, mettre une boule puante dans mon tablier de laboratoire, jeter mon sac à dos dans une poubelle ou dans les buissons derrière le bâtiment principal, voler mon argent de poche dans mon casier, casser un Bic juste au-dessus de mes feuilles de cours afin de les rendre illisibles, me bousculer dans le couloir devant tout le monde, m'insulter, m'humilier...
Mon quotidien était étouffant et incertain.
Effrayant et déstabilisant.
Tout pouvait m'arriver du jour au lendemain.
Ce matin-là, il était 8h du matin et je portais toujours mon pyjama, mes cheveux étaient gras et mon teint blafard.
Mes parents me dévisagèrent. Maman devina aussitôt que j'avais vomi. J'étais pâle et cernée. Cela m'arrivait de plus en plus de vomir dans les toilettes lorsque j'appréhendais une journée d'école.
-Je ne peux plus y retourner.
-Va te préparer Sloann !
-Je ne peux plus y aller.
-Et tes examens ? Ta session va bientôt commencer.
-Je vais craquer.
-Il ne reste que quelques semaines, Sloann.
-C'est trop dur.
-Mais... c'est ta dernière année, Sloann. Et ton diplôme ?
-À quoi ça sert d'y retourner puisqu'Eléah les a tous persuadés que je tricherai aux examens. C'est perdu d'avance.
-Nous te croyions, nous. On sait que tu dis la vérité. Tu es si près du but.
-Vous êtes bien les seuls à me croire.
Je me mis de nouveau à pleurer. J'avais encore la nausée et des crampes au ventre dues au stress. Il m'était impossible de remettre un pied dans cette école pourrie.
Plutôt mourir sur place.
-Ta décision est prise, Sloann ? Tu ne le regretteras pas ? C'est tellement dommage. Si proche du but, dit papa en m'implorant du regard.
-Oui, ma décision est prise. Je n'ai plus la force d'affronter Eléah.
-C'est tellement dommage.
-Je ne peux plus.
J'étais devenue comme Salomé. Je ne voulais plus jamais revoir Eléah de toute mon existence.
Je ne voulais même plus entendre ne fut-ce que son prénom.
Elle n'avait jamais été mon amie. En fait, elle avait toujours été ma pire ennemie.
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