Chapitre 33

     Après les cours, j'étais directement montée dans ma chambre pour réfléchir à cette horrible journée. Je n'arrivais plus à savoir où j'en étais alors je m'étais confiée à mon journal intime. Crier sur Eléah devant tout le monde m'avait défoulée, mais je ne devais pas m'arrêter là. 

Je ne voulais plus être la victime.

Je regardai avec nostalgie mon journal. Sur la couverture, il y avait un petit chat solitaire de style Kawaii. Celui-ci ressemblait un peu à Chi. Il était adorable et me redonnait toujours le sourire. C'était mes parents qui me l'avaient offert.

En m'offrant ce journal, maman m'avait dit qu'elle devinait que je vivais des années compliquées à l'école, mais qu'elle ne savait pas m'aider concrètement si je ne racontais rien. Mes parents se sentaient impuissants face à mon silence. « Si tu ne veux rien nous dire, c'est ta décision, mais promets-nous que tu ne feras pas de bêtises, d'accord ? On veut t'aider. Tu le sais Sloann que tu n'es pas seule ? » 

Soudain, je délaissai mon journal pour surfer sur internet. Je voulais penser à autre chose. Oublier le surnom de la « Miss Gastro » qui m'anéantissait.

Dernièrement, je m'étais inscrite sur Facebook. Mes parents m'avaient autorisée à me créer un profil alors que cela faisait des années que je le leur demandais. À mon âge, ils avaient compris qu'ils ne pouvaient plus m'interdire de créer un compte. Ceux de ma classe étaient déjà tous sur Tik Tok ou Insta. Facebook n'était même plus à la mode. Mais bon, je comprenais leur crainte que je me fasse aussi des problèmes sur les réseaux sociaux. Donc je préférais rester discrète sur internet.

J'avais tant espéré m'inscrire sur Facebook, mais maintenant que c'était fait, je me rendais compte que ce n'était pas si indispensable que ça à mon bonheur, c'était même plutôt une perte de temps. Le bonheur, il n'était pas là. C'était dans ma vie que je devais le trouver. Pas sur les réseaux sociaux.

Alors que je regardais mon fil d'actualité, je pensai à Eléah et aux surnoms méchants qu'elle m'avait donnés devant toute la classe. Je ne pouvais que repenser à l'histoire de « l'hippopotame ».

Salomé.

Je lui avais envoyé une demande d'ami même si nous ne l'étions plus dans la « vraie vie ». C'était ridicule, mais j'avais eu le besoin irrépressible de lui envoyer cette demande.

Était-ce ma façon à moi de recréer un lien avec elle, aussi insignifiant soit-il ? J'avais reçu un message qui me confirmait sa réponse positive. Cela me redonna le sourire.

Curieuse, je me rendis directement sur son profil. Qu'était-elle devenue?

Je remarquai directement sa photo de profil, c'était un très joli cliché d'elle. Salomé avait toujours quelques rondeurs, mais elle était vraiment belle, en toute simplicité. Personne ne pouvait dire le contraire. Elle avait des cheveux longs maintenant qui lui arrivaient au creux des reins. Sa tenue était à la mode, un t-shirt de marque, un pantalon slim et un chemisier à carreaux. Elle portait une paire d'Adidas rose fluo.

Je fus impressionnée par son évolution. Pour ma part, je n'avais pas beaucoup changé.

Je remarquai ensuite qu'il y avait très peu de « likes » sur sa photo. Bizarre. Pourtant, elle avait une longue liste d'amis. Cela m'étonna, car sa photo était réussie.

Il y avait quelques commentaires. Je cliquai sur la photo pour les lire.

Une phrase me choqua aussitôt. Elle avait été postée par Eléah.

Eléah ???

« T'es vraiment moche, mais tu le savais déjà, non ? »

Je n'en revenais pas. Eléah était parvenue à devenir amie avec Salomé sur Facebook et elle n'avait pas fini de la harceler. Mais pourquoi Salomé avait-elle accepté d'être son amie ? Pourquoi ? Je n'y comprenais rien et cela me choqua.

Un commentaire méchant en avait entrainé un autre :

« Salut la vache »

« meuhhh meuhhhh»

« Ouhhh c'est vrai qu'elle est moche, celle-là »

« Salomé, la mocheté »

Instantanément, je postai un commentaire : « Salomé, tu es magnifique ! »

C'était plus fort que moi, je devais réagir.

Ces nombreux commentaires me blessèrent terriblement alors qu'ils ne m'étaient pas destinés. Je sentis de grosses larmes couler sur mes joues. Ce que je venais de lire était injuste et cruel.

Salomé était très belle sur la photo. Ce n'étaient que des mensonges.

Même en changeant d'école, Salomé ne serait-elle donc jamais tranquille ? Je continuai à pleurer de longues minutes sans pouvoir m'arrêter. Tout se mélangeait dans mon esprit. C'était comme si toutes les difficultés surmontées durant ces dernières années remontaient à la surface brutalement. Cela faisait 8 ans que je souffrais en silence.

J'étais submergée par la douleur:

Le récital de piano,

L'exposition d'art

Miss Gastro

La puante

La tricheuse

L'hippopotame

Les cours de piscine et de gymnastique.

Salomé la mocheté

Tout se mélangeait dans mon esprit et cela me donna envie de vomir. J'avais mal, si mal que j'avais l'impression qu'on venait de me gifler violemment.

Puis, je me rappelai mon silence et ma docilité. Le fait que j'avais laissé tomber mon amie alors que nous nous entendions si bien. Eléah n'avait jamais été une vraie amie pour moi. C'était une profiteuse, une menteuse, une arnaqueuse. Il était impossible de lui faire confiance. Je fus blessée de réaliser à quel point j'avais été dupe et naïve pendant toutes ces années.

Cela ne pouvait plus durer.

STOP STOP STOP

Brusquement, je posai mon iPhone sur le lit.

Les yeux rougis, je descendis les escaliers lentement, tel un zombie.

Maman leva les yeux sur moi et remarqua directement que j'avais pleuré. Encore ! Dû-t-elle se dire, impuissante face à ma détresse et surtout face à mon silence.

Elle resta plantée devant la lasagne qu'elle était en train de préparer, comme surprise de me voir marcher vers elle. Elle comprit qu'il s'était passé quelque chose de grave. Maman avait toujours su qu'il se passait quelque chose.

Je ne cherchai pas à lui cacher que je venais d'avoir une crise de larmes. Même devant mon père, je ne fus pas embarrassée qu'il me voie fragile comme une toute petite fille. J'avais beau avoir 17 ans, mais à cet instant, je n'avais plus la force de tenir debout, toute seule.

J'avais besoin d'eux.

J'avais vraiment besoin de tout déballer.

-Maman ? Papa ?

Elle hocha la tête sans oser dire un mot.

-Tu m'as un jour demandé si Eléah était gentille avec moi ? Tu...tu te rappelles ?

Elle me dévisagea tristement, au bord des larmes.

-Oui, bien sûr, murmura-t-elle, la voix cassée.

Je me mis à trembler tout en tombant dans ses bras. La crise de larmes n'était pas finie. En fait, elle ne faisait que commencer.

- Je vous ai menti... maman, papa ... Je ne sais pas pourquoi, mais je vous ai menti ... Je suis désolée ... Vraiment désolée... Je ne voulais pas vous cacher tout ça, mais j'étais tellement désespérée. 

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