Chapitre 22

     De temps à autre, Eléah me parlait de sa famille.

Sa mère était la représentante d'une grande entreprise pharmaceutique. Elle voyageait beaucoup afin de vendre des médicaments à d'autres entreprises dans le monde entier.

Dubaï, Singapour, Sydney, Paris, Londres, Los Angeles, Tokyo. Wouah, cela faisait rêver.

Sa maman faisait le tour du monde et lui ramenait les derniers gadgets à la mode ou les derniers vêtements « tendance ».

-Maman me dit toujours que je dois être irréprochable ! Si je veux réussir comme elle, je n'ai pas droit à l'erreur ! M'expliquait Eléah, le visage grave, comme si c'était une question de vie ou de mort.

Et c'est pour ça que tu passes ton temps à tricher ?

Certes, c'était un métier qui avait l'air plus passionnant que celui de ma maman mais il y avait le revers de la médaille. Eléah ne voyait pas beaucoup sa mère. Parfois, elle était absente plusieurs jours ou plusieurs semaines d'affilée. Très jeune, elle avait appris à se servir de Face Time, de WhatsApp ou de Zoom pour pouvoir lui faire un coucou le soir avant d'aller dormir.

Son papa n'était pas très présent non plus. Chirurgien cardiaque, il avait des horaires impossibles.

Eléah aimait bien vanter les métiers prestigieux de ses parents. Ils contrastaient par rapport aux métiers parfois plus « simples » de nos parents.

Magasinier, chômeur, facteur, caissière, boulanger, secrétaire, libraire, professeur ... Ces métiers étaient parfaits à nos yeux mais Eléah, elle, ne les trouvait pas à son goût. Elle ne se gênait pas pour nous le faire remarquer.

Elle aimait nous rabaisser, peut-être pour oublier que ses parents n'étaient jamais là à l'attendre à la sortie l'école. Ils n'étaient pas présents non plus pour l'aider à faire ses devoirs, pour la réunion des parents ou pour l'exposition d'art.

Souvent, elle râlait de devoir s'occuper de sa petite sœur pourrie gâtée. Clothilde avait à peine six ans et Eléah ne la supportait tout simplement pas.

-Elle me casse les pieds ! Disait-elle agressivement. C'est un gros bébé. Elle m'énerve.

Je l'écoutais silencieusement. Elle avait le don de me captiver. Tout ce qu'elle expliquait avait étonnement de l'intérêt. Ce qu'elle trouvait débile avait l'air automatiquement débile. Ce qu'elle adorait était évidemment extraordinaire.

Eléah avait ce pouvoir, le pouvoir de vous transporter là où les autres n'avaient pas le droit d'aller.

Un matin, je vins m'assoir à côté d'elle. Elle était de bonne humeur et c'était plutôt rare.

-Ça va, Eléah ? demandai-je.

-Oui, très bien !

-Pourquoi tu souris comme ça ?

-Parce que c'est une belle journée.

-Pourquoi ? C'est une journée comme une autre, non ?

Elle éclata de rire, un rire presqu'hystérique.

-Clothilde est à l'hôpital depuis hier soir.

-Et ça te fait rire?

-J'ai la paix.

-C'est plutôt triste. Tu es vraiment bizarre parfois.

-J'avais juste envie d'être tranquille.

Je la fixai, déconcertée par sa réponse.

-Pourquoi... pourquoi tu dis ça ?

-C'est moi qui ai envoyé Clothilde à l'hosto, chuchota-t-elle.

-Quoi ? Qu'est-ce que tu racontes ?

-Tu m'as bien entendue.

-T'as fait quoi ? Dis-moi !

-Rien... rien du tout...

-Mais qu'est-ce que tu racontes ?

-Je voulais juste être tranquille. Je n'ai rien fait de grave, rassure-toi !

-Tu l'as rendue malade exprès ?

-Oh ça va Sloann, elle a juste mangé quelque chose qui l'a rendue malade, rien de grave. Mes parents n'arrêtent pas de trouver des excuses débiles pour avoir la paix et vivre leur vie de leurs côtés alors pourquoi je ne ferais pas la même chose qu'eux ?

-Mais tu es folle ou quoi !? m'exclamai-je, choquée.

Vexée, Eléah me fixa avec colère.

-Ne me traite plus jamais de folle, Sloann. Plus jamais !

Tremblante, je fus soulagée de savoir que nous étions le dernier jour d'école. Je ne reverrais Eléah que dans deux longs mois.

En secondaire, j'arriverais à mieux gérer. Je voulais me prouver à moi-même que j'en étais capable. Je voulais y croire.

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