Elle est assise sur les marches. Lui aussi. Ils sont assis au bord du vide, sur la ligne, frêle et mince, à la frontière que trace l'aube entre la nuit et le jour.
Il se tiennent par la main. Le soleil, doré, se glisse entre les nuages, lentement.

"Juliette?
-Oui?
-Pourquoi tu es toujours là? Tu cherches encore Dieu? Tu attends toujours les anges?
-Non. Je n'ai pas besoin de Dieu, je n'ai pas besoin de prier, maintenant. Le vide est toujours-là, mais il ne m'empêche plus de respirer, maintenant.
-Tu n'as pas peur de ne pas prier?

-Dans la Bible est écrit "Laissez les morts à la mort, et occupez-vous des vivants." Je ne sais pas si Dieu existe, je ne sais pas si elle est toujours-là mais si c'est le cas, je ne lui sers à rien. Si j'avais trouvé Dieu, je n'aurais prié que pour moi. Et je n'ai plus besoin de prier maintenant.

-Je comprends. Je crois que je comprends, maintenant.
-Moi je ne comprends plus rien, mais je crois que ce n'est pas très grave.
-Je suis d'accord. Mais... Pourquoi tu reviens alors? Si ce n'est pas pour les anges, pourquoi tu es toujours là, le matin?"

Elle soupire, et se tourne vers lui. Un petit sourire brille dans ses yeux clairs.

"Eh bien... Je n'ai peut-être pas trouvé les anges, mais j'ai trouvé autre chose. Et tous les matins, je l'attends. Et tous les matins, je sais qu'il viendra."

Elle ferme les yeux, et il l'embrasse, tout doucement. Et leurs lèvres, comme un baume contre leurs plaies amères, achèvent de chasser l'obscurité. Tom s'en fout d'être pauvre, de ne plus avoir de rêves, de se lever tous les matins pour travailler sur les chantiers, alors qu'il déteste ça.
Juliette s'en fout de ce vide, de ce fantôme qui vit en elle, elle s'en fout de penser tous les soirs à la femme qu'elle aimait, et qu'elle ne peut, au fond, s'empêcher d'aimer encore.

Ils s'aiment, et c'est tout ce qui compte.

Ce matin comme tous les autres, Tom a pris le bus vide, le bus qui ne vient de nulle part et qui disparaît entre les rues. Mais cette fois-ci, enfin, le bus le mène quelque part.