Elle est là. Elle était là hier, et elle sera là demain. Le premier jour comme le dernier. Elle est là, emmitoufflée dans son écharpe blanche à grosses mailles, assise sur les marches de l'église. Elle a les genoux remontés contre son torse, et elle les entoure de ses petits bras maigres. Elle a ses deux mains enlacées l'une dans l'autre, petites, blanches. Gercées. Tom la regarde, immobile, recroquevillée, et il se dit qu'elle a froid.

Elle a toujours été là. D'aussi longtemps qu'il s'en souvienne, elle a toujours été là. Chaque matin, quand il arrive, elle est déjà là, assise sur les marches. Elle ne prend pas le bus de nulle part, elle ne surgit pas d'une maison comme les autres, elle est juste là, toute blanche, et elle ne bouge pas. Parfois, Tom la confond avec les petites statues qui décorent la porte de l'église.

Elle a le regard dans le vide. Elle semble attendre quelque chose, et elle a les yeux tristes, si tristes. Elle ne dit rien mais elle écoute. Il le sait parce que la première fois qu'il a osé parler, elle a sursauté.

Alors, Tom parle. Il lui parle de sa vie, de son passé, de l'avenir qu'il aurait bien aimé avoir, mais ça ne sert à rien d'avoir bien aimé, une fois qu'il n'est plus temps. Il lui parle des nuages qui sont trop hauts et qui s'enfuient comme des filets de rêve, et de la pluie qui vient l'aider quand il a trop mal, et qui dessine des larmes sur ses joues sèches, et des matins où l'aube se glisse doucement sur les marches de l'église et qui lui fait du bien. Souvent, il lui pose des questions, elle ne répond jamais. Il a cessé d'espérer. Il se dit que, peut-être, elle est tout simplement muette.

Mais ça lui fait du bien. Et il aime à se dire que peut-être, elle aussi, ça la soulage, ce petit rituel. Leur petit secret. Peut-être qu'elle est, comme lui, rassurée de voir qu'il est là aujourd'hui, et qu'il sera là aussi demain. Alors, tous les matins, Tom parle. Elle écoute. Et lorsque la cigarette de Tom est réduite en cendre, il s'en va et se fond dans la ville de béton.