1 - Petit


J'ouvre les yeux.

Mon regard tombe sur les lattes de plancher poussiéreuses de ma chambre. Je n'ai jamais pensé à les nettoyer. De toute façon, quand je rentre ici, mes bottes boueuses salissent tout de nouveau.

Je me retourne dans mon lit avec un gémissement ensomeillé.

J'écoute la maison grincer. Ses vieilles fondations sont comme de vieux os, le bois ridé se craquelle un peu plus chaque hiver, et la bâtisse lâche de lourdes plaintes au moindre souffle de vent. C'est un miracle qu'elle soit encore debout.

Je reste encore un peu au chaud. Si ça se trouve, c'est ma dernière nuit chez moi, au 7. Le district 7 est l'un des plus pauvres de Panem, et sans doute le plus fourni en végétation. J'y suis né, j'y ai grandi, j'y ai vécu mes plus belles aventures, et j'y mourrai sûrement.

Sauf si je suis désigné pour la Moisson, et que je dois participer aux Hunger Games. Dans ce cas, je mourrai dans une arène.

Sacré jeu annuel, ça. Tout le monde en parle, et regarde 24 enfants venant des douze districts de Panem s'entretuer, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'un. Il faut avouer que là-dessus, le Capitole a eu de l'inspiration.

Les 24 tributs de 12 à 18 ans sont choisis chaque année au jour de la Moisson.

Et il se trouve que c'est aujourd'hui.

Je repousse lassement mes couvertures et sort du lit. Mes pieds laissent de petites empruntes entre les moutons de poussière. Je traverse la chambre, pauvrement meublée, et émerge dans le couloir illuminé par le soleil.

- Tu es bien matinal, ce matin, Rémi, lance Thomas, mon frère.

Il était sur le pas de sa propre chambre, à peine plus vaste que la mienne, et sirotait une tisane dans une tasse ébrechée, ses cheveux blonds enrobés de soleil.

Un sourire fleurit sur mes lèvres. Thomas est mon frère et mon ami. J'ai 16 ans, et il en a 22, mais je me sens plus proche de lui que je ne l'ai jamais été avec ma sœur.

- Mauvaise nuit, j'explique avec désinvolture. Mélane n'est pas réveillée ?

- Non, c'est une première !

- Et papa ?

- Il est allé avec des amis débroussailler un peu. Une vraie jungle, dans la Clairière Est. Ça te dirait d'aller pêcher un peu au lac, avant de se préparer pour la Moisson ?

Je hoche la tête avec véhémence.

- Ça me va, j'arrive.

Je le laisse finir sa tisane tandis que je me dirige vers la salle de bain. Dans cette minuscule pièce au carrelage brisé et aux murs décrépis, une grande bassine en bois, en fait un tonneau coupé en deux, moisit ici depuis plusieurs décennies. N'ayant jamais servit par manque d'eau courante, nous préférons aller nous laver dans le lac, à une centaine de mètres de chez nous, avec tout le reste du district 7 pour nous accompagner.

Néanmoins, nous avons un miroir, et c'est un luxe.

C'est Mélane, ma sœur, qui a économisé pendant deux ans pour parvenir à l'acheter à un brocanteur. Depuis, elle s'y admire tous les matin en lissant fièrement ses jolis cheveux blonds. Elle a toujours été belle, et elle le sait très bien. Le miroir est sans doute son bien le plus précieux.

Bon, d'accord, il est un peu sale, et un bout est brisé, mais on s'y voit quand même avec une clairté déconcertante.

Contrairement à ma sœur, je déteste m'y regarder.

Tournant le dos à cet objet réfléchissant, je m'habille de mes bottes crottées, mon fidèle pantalon de toile usé, et d'un des seuls t-shirt du district qui pourrait m'aller.

Alors que je m'apprête à sortir, mon regard tombe inévitablement dans le miroir de Mélane.

J'ai beau me répéter que je ne suis pas si laid que cela, les moqueries de ma sœur me revienne en tête. Mes yeux bleus, trop renfoncés. Mon nez, trop court. Mes cheveux châtains que je laisse pousser pour dissimuler mon front, trop haut.

Et surtout, le sommet de ma tête qui n'atteint même pas la moitié du miroir.

C'est moi. Rémi Brevi, 16 ans, le nain de 1 m 36 du district 7, l'un des plus pauvres de tout Panem.

- Quelle vie palpitante ! je marmonne.

Je sourit ironiquement à mon reflet, et ouvre la porte. Thomas m'attendait, traçant le pourtour de sa tasse du bout de son index.

- On y va ? me demande-t-il.

J'acquiesçe.

Nous passons devant la chambre close de Mélane, qui dormait encore, traversons le minuscule salon, dans lequel se couche notre père, et sortons par notre porte difforme.

La rue, en fait un sentier terreux bordé de petites cabanes comme la nôtre, est traversée par des charettes surchargées de bois, tirées par des chevaux faméliques. L'industrie du bois et du papier du district 7, c'est bien, mais ça ne permet pas de nourrir une population affamée.

De temps à autres, des bûcherons larges d'épaules passent devant nous, s'attardant sur ma petite taille avant de détourner les yeux.

Thomas et moi marchons quelques instants vers le lac, contournant de larges bûches parfois abandonnées au milieu du chemin. Nous arrivons enfin sur la berge. Le lac est grand, mais on y voit quand même le bout quand on regarde à l'horizon. Il est entièrement entouré de forêt, et c'est pratiquement la seule source d'eau à peu près potable de tout le district, si on oublie que presque tous les habitants s'y lavent quotidiennement.

- On va chercher la barque ? questionne Thomas.

Sans me laisser de temps de répondre, il tire une petite barque en bois sur la berge, dissimulée entre deux arbres. Nous l'avons construite tous les deux l'année dernière, alors que la famine nous poussais à pêcher dans le lac. Depuis, c'est devenu un loisir autant qu'un moyen de survie.

Je monte dedans, Thomas aussi. Je m'empare des rames, et nous conduit vers le milieu du lac. Je préfère ramer que de travailler dans la forêt comme tout le monde. De toute façon, je suis trop petit pour manier quelconque instrument de bûcheron. La seule fois où j'avais tenté d'utiliser une hache, trop lourde pour moi, j'étais tombé en arrière en la levant au-dessus de ma tête. J'étais bien plus jeune, et Thomas m'avait consolé alors que Mélane m'avait observé avec un sourire narquois.

Thomas sort une canne à pêche du fond du bateau et la plonge dans l'eau trouble après y avoir embroché un vers.

- Pas trop inquiet pour la Moisson ? lance-t-il doucement.

- Pas vraiment, je soupire.

- Ton nom est inscrit six fois, cette année, sans compter les tesseraes. Ça ne t'inquiète pas trop ?

- J'essaye de ne pas y penser. Tu as de la chance, tu n'as jamais été choisi, toi.

- Oui, c'est vrai. Quand je repense à tous ces tributs....

Je frissonne. La fille de l'année dernière était morte, pendue par notre propre tribut masculin au sommet d'un arbre.

- Ils sont morts héroïquement, ajoute Thomas.

Je grimace.

- Je préférerais mourir dans mon lit, moi !

Thomas éclate de rire. Sa voix résonne paisiblement au-dessus du lac.

- Tu m'étonne, entre un lit et les Hunger Games...

Je souris, et lève les yeux vers le soleil, qui monte de plus en plus haut dans le ciel. Le temps passe vite quand nous pêchons, j'ai intérêt à surveiller l'heure pour ne pas être en retard pour la Moisson.

Thomas lit dans mes pensées.

- On regarde là-bas s'il y a du poisson, puis on rentre ?

- Hum.

Je m'empare des rames, et nous pousse vers l'endroit indiqué. J'ai de petits bras, mais de la force.

Thomas replonge la canne à pêche dans l'eau.

- Foutus Hunger Games.

***

Bonjour !
Bon, voilà une nouvelle histoire, sur Hunger Games cette fois. J'espère que le premier chapitre vous a plu, je l'ai trouvé un peu désordonné et je ferai mieux la prochaine fois.

Je tiens à dire que toutes les notions de handicap par rapport à Rémi sont en aucun cas dans le but de faire des moqueries, mais pour les besoins de l'histoire !

Je compte puplier un chapitre très aléatoirement, mais tout de même au moins une fois toute les deux semaines.

Bonne journée !

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