-𝐍𝐚𝐢̈𝐯𝐞
Naïvement, j'ai cru que puisque je ne pouvais pas compter sur les adultes de mon établissement, je pouvais tout arranger toute seule.
En effet, même si elle avait été moins virulente que le proviseur, notre professeure principale n'avait su que faire et ne nous était d'aucune utilité.
Alors j'étais allée voir ses amis, pour qu'ils m'aident à le défendre plus efficacement; j'ai essayé de prendre les coups à sa place - son corps frêle les supportant de moins en moins bien-; je passais beaucoup de temps en sa compagnie, espérant que ma présence pourrait lui faire oublier la solitude dans laquelle elle vivait.
Mais, bien sûr, malgré ma dérisoire bonne volonté, je ne la protégeais que d'une partie du harcèlement qu'elle continuait à vivre.
Vers la fin de l'année scolaire, en larmes, elle s'était confiée à moi. J'avais alors appris que non seulement ils n'avaient pas stoppé leur terrible jeu mais qu'en plus ils avaient invité certains à les rejoindre ; que quand elle rentrait chez elle, sans nulle part où se cacher, ils s'amusaient à la suivre et à la tourmenter; et que, ayant obtenu, sûrement par une de ses anciennes amies qui avait rejoint leur groupe, son numéro, ils lui envoyaient quotidiennement des messages chargés de haine.
À ce moment-là, j'avais pleuré moi aussi. Pleuré parce que je me sentais impuissante, pleuré parce qu'en voulant tout arranger je lui avais sûrement fait endurer des épreuves pire encore, et pleuré parce que je lisais dans ses yeux et entendais dans sa voix tremblante une souffrance qui dépassait l'entendement, que seuls pouvaient ressentir ceux qui la vivaient.
Elle m'avait aussi avoué qu'elle avait fini par tout dire à ses parents, à qui elle n'avait auparavant rien révélé non plus. C'était, selon ses dires, des personnes très aimables mais fort occupées par leur travail et qui n'avaient que peu de temps à lui consacrer. Ils étaient tombés des nues et avaient décidé de porter plainte, après leur entretien avec le proviseur, si la situation persistait.
Ils pensaient également la faire changer d'établissement, mais préféraient pour cela attendre la fin de l'année, pour voir si cela s'arrangeait et parce que leur fille avait également des amis et des repères en ce lieu.
En apprenant leurs intentions, mon cœur s'était serré à l'idée de voir partir cette fille à laquelle je m'étais beaucoup attachée, mais si cela pouvait lui être salutaire, il n'y avait pas de réticences à avoir.
Elle semblait soulagée à l'idée que quelqu'un prenne enfin les choses en main, et la voir, avec dans ses yeux une lueur d'espoir, était le plus beau cadeau que l'on puisse me faire.
Dans le même temps, elle avait recommencé à me parler de la danse, qui avait été son point d'ancrage, le moyen de rester debout pendant sa période la plus sombre.
Elle avait, disait-elle, commencé à préparer une chorégraphie pour un concours d'entrée dans un lycée réputé, en partie pour ses cours de danse, qui avaient formé les plus grands.
Elle interpréterait un cygne, dont le personnage serait issu du "Lac des Cygnes" de Tchaïkovski, mais dont les mouvements seraient bien loin de ceux trouvés dans ce ballet.
Pour ma part je trouvais que c'était un beau pied de nez à ses détracteurs qui la comparaient à un oiseau ! Sa grâce et ses membres élancés évoquaient en effet le bel oiseau blanc, et non pas un corbeau comme le professeur Rogue dans Harry Potter !
Pendant cette période, qui m'avait semblé bien douce après les terribles événements de l'année, j'avais l'impression que ses harceleurs eux-mêmes étaient moins virulents dans leurs gestes et leurs propos, comme si leur jeu ne les amusait plus autant.
Quand étaient arrivées les vacances d'été, précédant notre entrée en troisième, j'avais l'impression que tout ou presque redevenait comme avant.
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