47. On ne choisit pas sa famille

Dès le lendemain, je me suis retrouvé dans le quartier des pourris de Paris. J'étais garé devant la grosse baraque d'ces foutues bourgeois. Les mains plaqués sur mon volant, je réfléchissais à comment ça allait se passer... Imaginez qu'ils me ferment la porte à la gueule ?

Trèves de mauvaises pensées, j'y vais et on verra bien comment ça se passera. Je sors de ma voiture et je m'avance vers la gigantesque maison. Je sonne, bizarrement on m'ouvre pas. Faut croire que c'est ma gueule d'arabe qui dérange. Je sonne une seconde fois, alala, qu'est-ce que je ferais pas pour Nicolas...

Cette fois, on ne m'ouvre toujours pas mais je vois une jeune femme qui s'approche de moi. Elle a de longs cheveux blonds, je lui donne la vingtaine ni plus, ni moins.

« La blonde : Bonjour, je peux vous aider ?

- Bonjour. Oui, je cherche les enfants Muller.

La blonde : Heu... Attendez deux minutes. »

Elle avait l'air très surprise donc j'en déduis que je suis bien à la bonne adresse et qu'elle est elle même une des principales concernées. Elle ouvre le portail et sort pour me rejoindre.

« La blonde : Émilie.

- Imran.

Émilie : Si ça ne vous dérange pas, je préfèrerais qu'on poursuive notre conversation dans ma voiture.

- Non, ça me dérange pas. Mais j'ai la mienne garée juste là, donc ce serait plus utile d'y aller.

Émilie : Allons-y alors. -anxieuse-

- C'est moi qui vous fait stressé à ce point ?

Émilie : Non, mais disons que ma mère n'est pas très tolérante et qu'elle me prendrait la tête si elle me voyait avec vous.

- C'est parce que je suis arabe, c'est ça ?

Émilie : En partie, mais pas seulement.

- Au moins ça a le mérite d'être franc.

Émile : Je suis désolée, je ne voulais pas vous vexer.

- C'est pas le cas, ne vous en faites pas. »

Je lui ouvre la portière de ma voiture, elle y monte et je la rejoins côté conducteur. Elle me regarde en me faisant comprendre qu'elle préférait qu'on s'éloigne de son quartier. J'exécute et une fois qu'on a trouvé un endroit plus calme, elle prend les devants et me demande la raison de ma venue.

« Émilie : Alors pourquoi êtes-vous venu jusqu'à chez moi ?

- On peut se tutoyer ?

Émilie : Oui.

- D'accord, je ne sais pas comment tu vas le prendre mais laisse-moi finir avant de ne dire quoi que ce soit.

Émilie : Ça marche.

- Bon voilà, je ne sais pas si tu es au courant mais tes parents se sont quittés dans de mauvaises conditions... Au jour d'aujourd'hui, ton père aimerait reprendre contact avec vous, toi et tes frères et sœurs.

Émilie : Je suis désolée, je ne suis pas en mesure de lui offrir ça.

- Pourquoi ?

Émilie : Il nous a abandonné, donc je ne veux plus rien avoir à faire avec lui. Ce serait trop facile pour lui de revenir une fois que nous sommes grands.

- J'sais pas ce que t'as raconté ta mère, mais je vais être franc cette pétasse t'as menti.

Émilie : Laisses-moi descendre maintenant ! »

Elle essaye d'ouvrir la portière, mais je les déverrouille toutes. Règle numéro 1, ne jamais monter en voiture avec un inconnu et surtout quand il s'avère que cet inconnu est fou.

« Émilie : Ouvres ces foutues portes où j'appelle la police ! »

Elle était en train de fouiller dans son sac. Je lui montre son téléphone en le secouant, et oui j'ai toujours un coup d'avance.

« - C'est ça que tu cherches ?

Émilie : Mais putain t'es un vrai malade !

- Écoutes moi et après je te laisses t'en aller !

Émilie : Qu'est-ce que tu veux ?! Tu ne comprends pas que je ne veux pas le revoir et que ce ne sera pas toi qui m'y obligeras ?!

- Tu lui reproches quoi au juste ? Qu'il t'ai abandonné comme tu dis ? Mais t'es sûre de tes sources ?!

Émilie : Ma mère ne m'aurait jamais menti !

- Qu'est-ce que t'en sais ? Je parie qu'elle s'est trouvée un autre mari pété de thunes et qu'elle s'en bat les couilles de votre vie ! Ce qui est loin d'être le cas de ton papa ! »

Bizarrement, elle n'a pas bronché et s'est contentée de baisser la tête.

« - Ton père s'est retrouvé à la rue après que ta mère l'ai quitté parce que son entreprise a coulé. Il avait plus rien, elle lui a tout prit, y compris vous. Toutes ses années d'absence c'est dans la rue qu'il les a passé, confronté à lui-même. Tu devrais remercier Dieu de l'avoir gardé en vie au lieu de te la jouer fille à maman. Et me sort pas le coup du "il aurait dû revenir avant", t'es pas un homme... Tu peux pas comprendre notre fierté surdimensionnée, mais moi ça je le comprends ! Quel homme voudrait revenir dans un sale état après avoir subi un échec ! »

La petite blonde pleurnichait devant moi. J'y étais peut-être allé un peu fort, mais c'est elle qui m'y a forcé. Elle pleurait des torrents de larmes, et moi je savais plus quoi faire.

« Émilie : Mon... Mon père était à la rue ? Mais... Pourquoi m'aurait-elle menti sur ça ? Je peux le voir ? Où est-il ? Je suis désolée de ne pas t'avoir écouter jusqu'au bout... »

Sans m'en rendre compte je lui ai tapoté l'épaule avec compassion. Lorsque je m'en suis rendu compte j'ai très vite retiré ma main.

« - Vas te débarbouiller, si tu veux je t'y emmènes maintenant.

Émilie : Oui... Mer...merci. »

Elle était en sanglot et moi j'avais juste envie de la balayer. Au moins elle retrouve son père, moi le mien je le reverrai jamais...

Je lui tends une bouteille d'eau et elle sort de ma voiture pour se rincer le visage.

Après ça, elle remonte sans dire un mot pendant que moi je roule jusqu'au studio de Nico.

« - On est arrivé.

Émilie : Non, je peux pas... J'appréhendes trop, j'ai... J'ai peur de le revoir, je ne sais pas pourquoi...

- Prends ton temps. »

Je la voyais angoisser comme une tarée, elle avait un tique avec ses cheveux... Elle les enroulait autour de son doigt, tout comme Amira le fait quand elle stresse...

Depuis que j'ai bougé de l'appartement je n'ai pas encore eu de ses nouvelles. Elle voulait respirer, je lui ai laissé assez de temps je pense. J'irais la voir en rentrant.

« Émilie : C'est bon, je crois que je suis prête...

- On y va alors.

Émilie : Attends...

- Quoi ?

Émilie : Merci pour ce que tu fais pour nous.

- C'est normal. »

Je n'avais pas encore prévenu Nicolas de ma découverte. Je comptais lui faire une surprise, en quelques sortes. J'espère que ça lui fera plaisir.

On descend tous les deux de ma voiture et on se dirige vers le studio de Nicolas. Je passe devant, il n'a pas encore remarqué Émilie qui est derrière moi.

« Nicolas : Ah tiens, tu tombes bien. J'avais à te parler de l'entreprise. »

Il poursuit sa route, je pense qu'il n'a pas vu que sa fille était là. Elle s'était limite cachée derrière moi, je suis sûr qu'il a pas dû la voir derrière mon gabarit.

Il était vraiment dans son délire, même pas il me calculait. Je la fais rentrer quand même et je ferme la porte derrière nous.

« - Nicolas, j'ai une surprise pour toi. J'suis pas venu seul. »

D'un coup il se retourne.

Comment vous expliquer sa réaction ?

C'était intense, si vous aviez vu l'expression de son visage... Il était plus qu'ému.

Sa fille le regardait aussi, timidement.

Ils s'étaient tous les deux reconnus, mutuellement.

Comme une enfant, elle s'est avancée vers lui et a posé sa main sur le visage de son père.

J'ai vu qu'elle avait fermé les yeux, puis que quelques larmes en découlaient.

À ce moment, j'ai regretté d'avoir penser qu'elle faisait des chichis parce qu'elle allait revoir son père... Tandis que moi je ne verrais plus le mien. C'était égoïste de ma part. Mais à ce moment je l'ai bien compris. Ça fait mal de voir qu'on peut passer à coter de quelques choses qu'on aurait pu avoir, d'avoir passé des années dans l'ignorance, vivant dans l'absence d'un être qui nous est chère.

« Émilie : Toutes ces années perdues, je... Je voudrais qu'on les rattrape. »

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