31 : Une Journée Avec l'Ennemie

Une musique très forte me réveille en sursaut. Il me faut un moment avant de pouvoir m'habituer à l'obscurité et prendre mon téléphone dans mon pantalon sur le sol pour me rendre compte qu'il n'est que dix heures. Je grogne dans mon coussin avant de me lever pour aller voir ce qu'il se passe. Jules et Victor descendent au même moment et dévisage Léa comme si elle était un extraterrestre.

Nous nous retrouvons tous les trois devant Léa dans le salon, un ballet à la main. Quand elle avise nos têtes, elle éclate de rire mais je ne suis pas vraiment d'humeur.

- Désolée, mais je fais un petit peu de ménage.

- Tu n'étais pas obligé de nous réveiller...

- ...Avec de la musique pourrie.

J'ai du mal à garder les yeux ouverts, de plus en plus énervé. En tout cas, le regard de Jules me fait dire qu'il pense la même chose. On n'est pas du genre lève tôt tous les deux. Surtout après une soirée arrosée qui s'est finit tard dans la nuit.

- J'ai réfléchit et je pense qu'il serait amusant qu'on passe du temps ensemble aujourd'hui.

Jules baille et je me retiens de me rendormir, moi aussi. Elle m'agace, c'est de pire en pire. Je me dirige vers la table de la salle à manger en jetant un coup d'œil au magnifique garçon qui lui sert de meilleur ami.

- J'espère que dans tous tes bagages tu as au moins prit des céréales, histoire que tu serves à quelque chose.

Elle me tire la langue avant de rejoindre la cuisine et de revenir avec un paquet XXL tout neuf. Je suis légèrement lent et Victor en profite pour me souffler mon repas sous le nez. Je pousse un très long soupir avant de le rejoindre dans sa chambre et lui prendre le paquet.

- Je ne vais pas me laisser faire.

- Tu ne peux rien contre moi, chéri.

Je ne sais pas pourquoi je passe mes nerfs sur lui, mais entre les souvenir que j'ai d'hier soir qui se confrontent à mon réveille trop brusque, j'ai un peu de mal à m'amuser de son comportement puéril.

- Des fois, je me maudis d'aimer les mêmes choses que toi.

Je retiens mon rire amer.

- D'aimer les mêmes choses ou simplement de m'aimer moi ?

Victor ouvre la bouche avant de la refermer et de dévier le regard. Quand il reprend la parole, j'ai l'impression qu'il est résigné :

- Je ne vois pas pourquoi tu me blâmes encore alors que c'est toi qui n'est pas capable de m'aimer. Tout allait si bien, je n'ai rien fait pour mériter autant d'injustice.

Il finit par se relever et disparaitre de la pièce. Je ne suis pas d'accord. Depuis le début de notre relation, il me reproche d'avoir passé six ans à le persécuter, alors le blâmer pour ne pas vouloir voir ce qu'il a en face de lui ne me parait pas cher payer. Je vais les rejoindre à contre cœur sans dire un mot.

- Je pensais qu'il serait intéressant qu'on se sépare pour la journée. Je pense que séparer les couples qui s'entendent bien est une bonne idée pour renforcer notre amitié et surtout ce qu'il s'est passé hier soir.

Léa me sourit et je m'imagine l'étranglé pour lui faire ravaler sa fierté. Mais il me faut me faire à l'idée que si je veux que Victor fasse partie de ma vie, encore, et même si je suis en colère, il faut que j'enterre la hache de guerre avec Léa.

- Bonne idée.

Je ne pensais pas que Victor approuverait de passer la journée avec Jules, qu'il ne supporte et qui le déteste. Léa affiche un sourire entendue et je me plie à leurs volontés. Jules est le seul qui reste réticent.

Léa et moi marchons depuis quelques temps sur le front de mer, la brise marine remuant nos cheveux dans tous les sens et laissant bourdonner nos oreilles. Je ne sais pas trop par quoi commencer et mon avis, Léa non plus. Pas à pas, je laisse mon regard divaguer sur l'océan alors que Léa retire chroniquement ses cheveux de sa bouche.

- Je suis désolé d'avoir foutu en l'air ta relation avec Victor.

- Tu t'es déjà excusé.

Elle lève les yeux au ciel avant de poser ses avant-bras sur la rambarde en soupirant.

- Je comprends de mieux en mieux pourquoi vos discussions tournent systématiquement en rond.

Je fronce les sourcils et la rejoint. Je sens les embruns salés véhiculés par le vent océanique.

- C'est-à-dire ?

Elle se tourne vers moi, visiblement irrité par mon comportement. Je ne sais pas trop comment le prendre.

- Tu sais, je n'ai jamais compris pourquoi Victor t'aimais autant. Je sais que vous vous connaissez depuis au moins quatorze ans, que vous avez traversés beaucoup de chose tous les deux, que vous étiez amis, que vous vous aimiez. Mais à sa place, ça ferait longtemps que j'aurais laissé tomber, que je ne serais plus amoureuse de toi.

J'acquiesce. Moi-même, je me suis posé la question des dizaines de fois depuis que je suis sûr qu'il a des sentiments pour moi.

- Mais bon, je ne peux rien y faire et c'est mon meilleur ami. Ce que je veux te dire, c'est qu'il faudrait que tu t'ouvres un peu plus à ceux qui t'entour et pas seulement avec lui.

- J'ai passé neuf ans à m'interdire de ressentir quoique ce soit. C'est compliqué pour moi de changer, même si je m'efforce d'arranger les choses, j'ai toujours eu du mal à faire confiance aux gens, tout ne peut pas s'arranger en quelques jours. Mais que tu le crois ou non, je suis amoureux de lui, je l'aime plus que tout mais j'ai peur de lui dire et qu'il... je n'en sais rien.

Je fais une pause et reprends la marche vers le centre-ville. Léa me suit, attendant patiemment que je m'explique. Mais voyant que je ne rouvre pas la bouche, elle s'en charge :

- Qu'il quoi ? Ça ne peut pas être pire que ce que j'ai fait à Jules.

- Jules est très rancunier et dans une mauvaise passe. Il lui faut du temps pour se remettre de la mort de sa sœur. Il m'a longtemps caché ce qu'il ressentait vraiment pour toi, on se ressemble plus qu'on ne le pense...

- Ne change pas de sujet.

Je lui souris et elle me répond avec la même sincérité. Ma joie s'arrête à la minute où je reviens à la discussion de base.

- Dans mes cauchemars les plus flippant, je lui avouais mes sentiments et il me rit au visage avant de s'en aller. Je crois qu'ils ont encore de l'emprise sur moi. Même si je suis persuadé qu'il m'aime aussi.

Léa hoche la tête avant de poser sa main sur mon épaule dans un esprit de compassion. On remonte les allées piétonnes en parlant de tout et de rien jusqu'à ce que Léa ouvre de grand yeux et s'immobilise devant moi. Je ne comprends pas ce qu'il se passe jusqu'à ce qu'elle essaye de me faire rebrousser chemin et que mon regard se plante sur la table d'un restaurant.

- Dites-moi que je rêve ?!

- Hugo, je ne crois pas que ce soit une bonne idée que tu y aille dans cette état-là.

Je baisse les yeux sur elle. Elle semble vraiment inquiète de la tournure que pourrait prendre les choses.

- C'est vrai, tu as raison.

Elle fait un pas en arrière et fait une moue dubitative.

- Jamais je n'aurais cru t'entendre dire ça.

- Oui, bon, j'avoue être un connard de première mais ce n'est pas pour ça que je ne sais pas écouter les bons conseils.

- Ne gâche pas tout avec lui simplement par jalousie.

- Ce n'est pas déjà le cas ?

Léa sourit, la langue entre les dents, les bras croisés.

- Si seulement c'était la vérité. Ce n'est pas que je t'aime pas, hein, mais je me fais du souci pour Victor.

Un rire cynique sort de ma gorge.

- Il m'a fallu du temps aussi pour te supporter, mais pour le bien de Victor, il faut qu'on fasse la paix.

Elle me tend sa main avant de faire demi-tour et de se diriger vers nos amis. Plus nous avançons, plus ma colère monte et plus j'oublie ce que j'ai dit à Léa quelques minutes plus tôt.

Jules est le premier à nous repérer et ses lèvres se mettent à bouger alors que ses mains se plaquent contre ses joues. Victor se retourne et pose le regard sur nous. Il récupère son verre sur la table et s'affale dans son siège nonchalamment, en asseyant de se faire une contenance. Léa le rejoint mais je suis incapable de lâcher Thomas et son petit sourire espiègle du regard.

- Qu'est-ce qu'il fait ici ?

- Bonjour à toi aussi, Hugo.

Un rire cynique sort de ma gorge. Comment vous voulez que je fasse des efforts si ce con ne descend pas de son piédestal.

- Ne joue pas au plus con que moi.

- Loin de moi l'idée de mettre en rogne monsieur sourire. Il faut dire que tu m'as toujours paru sinistre. (Il tourne la tête vers Victor) Je ne sais vraiment pas ce que tu lui trouves.

Je fulmine. Il me faut toute la misère du monde pour me retenir de le prendre à la gorge comme un chien enragé. Ce mec à la fâcheuse tendance de me mettre hors de moi. Mais je me demande ce qu'il fait ici, c'est impossible que ce soit une coïncidence qu'il soit dans cette ville, en même temps que nous. Je me tourne vers Victor qui m'ignore encore.

- C'est toi qui lui a demandé de venir ?

Il s'étouffe et me fusil du regard. Apparemment, j'ai encore fait une bourde.

- Tu me soul, Hugo. Pourquoi je l'aurais appelé alors qu'on se parle plus depuis un bout de temps et qu'il y a à peine quarante-huit heures je ne savais pas que je viendrais ici. Ces vacances sont faites pour nous retrouver et connaissant ton aversion pour tous les mecs qui m'approche, je n'aurais surement pas tenté le diable.

Je me relève de toute ma hauteur pour le fixer. Tout ce qu'il dit est vrai, ça ne m'étonne pas qu'il pense ça parce que c'est surement ce qu'il en est. Le seul que je connaisse est Thomas et même si Antoine semble le trouvé mignon, il n'irait pas jusque-là. Et je ne suis pas sûr de changer à ce niveau-là, je suis toujours persuadé que Victor est trop bien pour moi et qu'il mérite mieux.

Il se lève en laissant cinq euros sur la table et pousse Léa pour s'en aller. La jolie blonde me lance une moue désolée et Jules me fait les gros yeux. Je pousse un soupir.

- J'espère que tu es content de toi ?

- Tu es loin d'être mon plus gros problème en ce moment, mais ne me pousse pas à bout.

Je plante mon regard abyssal dans le sien verdoyant. Ce mec à vraiment trop de charme, c'est agaçant et le pire c'est qu'il en profite. Je décide qu'il ne vaut pas ma haine et pars à la recherche de Victor. Le problème, c'est que je ne connais pas aussi bien que lui tous les recoins de cette ville, et qu'il me faut un petit moment pour mettre la main sur lui.

- Vic' ! Attends !

Il accélère la cadence quand il entend ma voix, visiblement énervé, et je le rattrape comme je le peux en trottinant.

- S'il te plait...

Je prends délicatement son bras dans ma main mais il se dérobe et m'échappe de nouveau.

- Je suis un crétin !

Il ralentit enfin puis se stoppe et attend que je lui fasse face. Je crois voir un sourire sur ses lèvres, mais le temps de cligner des yeux, il affiche son air renfrogné. J'ai dû rêver. Je reprends ma respiration et déblatère mes conneries :

- Je suis jaloux, possessif, stupide, méchant, rancunier, méfiant, stupide, ... amoureux.

- Tu as dit deux fois stupide.

Je ne retiens pas mon sourire devant sa tendance à toujours me reprendre quand il est question de français. Que de bon souvenir.

- Tu as une tendance à l'auto-flagellation. Jaloux ? Oui, inconditionnellement, mais seulement parce que tu n'as pas confiance en toi et en ce que tu ressens. C'est de la peur. Il faut juste que tu te mettes en tête que tout n'est pas question de compétition.

Il reprend sa route et je le suis à reculons pour être sûr de ne pas perdre son attention en encaissant ses paroles.

- Donc tu me trouve juste jaloux.

- Je pense à beaucoup de mot quand il s'agit de toi : chiant, énervant, horripilant, joueur, stupide, risible, susceptible, fatiguant, incompréhensible... et j'en passe. Mais tout est dû à ta peur de l'échec.

- Et que crois-tu que j'ai peur d'échouer ?

Il prend rapidement mes deux épaules avant la collision avec une poubelle puis me force à faire marche avant pour que je vois où je vais.

- Tu as peur de me perdre, que je me rende compte que tu ne vaux pas la peine, que tu ne puisses pas gérer tes émotions comme tu sais si bien le faire depuis six ans.

- Jules parle un peu trop mais tu te donnes beaucoup d'estime.

Mon meilleur ami a tendance à raconter ma vie à beaucoup trop de gens. C'est comme si je n'avais aucun secret pour Victor et Léa, qu'ils sont déjà au courant de tout ce qui me tracasse. Victor à raison, j'ai peur de ce qu'il se passerait s'il ouvrait les yeux sur ma personne. Quand je vois ses sourcils froncés, je lève les bras en signe de paix.

- Je suis désolé. Tu as raison, je suis sûr la défensive.

- Je me donne beaucoup d'estime parce que je sais que tu en as pour moi. Mais ça aussi tu ne l'avoueras jamais. Je crois que tu vas très vite comprendre que je ne suis pas le genre de personne à m'écraser et gober tout ce que tu me dis.

- Je l'ai déjà compris.

Il lève la main en signe de victoire et soupire. Moi je souris, sa force de caractère est ce qui fait de lui quelqu'un d'extraordinaire.

- Tant mieux.

Je le suis, admirant la courbe de son dos et les muscles de ses fesses. Comment je peux rester concentrer quand j'ai ça sous les yeux en permanence. Quoi que, je n'ai pas à me plaindre. Bref, revenons-en à nos moutons.

- Laisse-moi me racheter.

- On est là pour ça.

Je plisse les yeux, cherchant son visage pour être sûr qu'il ne se fout pas de ma gueule.

- Tu le penses vraiment ?

- Je ne suis pas le genre de personne à mentir.

Je me déride en mettant mon corps en travers de son chemin. Je plonge dans un océan azur aussi calme que ses pensées, la colère ayant déjà quitté le navire. Je viens doucement poser mes mains sur ses joues si parfaites et dépose un léger baiser sur ses lèvres si addictives. Il me faut beaucoup de volonté pour ne pas recommencer et approfondir.

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