29 : Retour à La Case Départ

Mon cœur se sert dans ma poitrine. J'ai peur que ce soit trop cliché, que malgré ce message il ne veuille pas me pardonner pour ma jalousie excessive ou carrément, qu'il ne le lise pas en voyant mon nom s'afficher sur l'écran. Mes yeux se posent sur ma fenêtre et une idée me vient. Quoi qu'il arrive, je sais qu'il ne peut pas s'empêcher de regarder vers ma chambre à chaque fois qu'il passe devant la sienne, autant mettre toutes les chances de mon côté.

Je me lève et marque sur une nouvelle page blanche :

« JE T'AIME, JE T'AIMERAIS TOUJOURS »

Je me sens tout de suite plus soulagé alors que je ne sais même pas si ça va marcher. Même avec mon caractère de cochon, la discussion qu'on a eu à cause de notre prof de sport ma ouvert les yeux. La colère qu'il avait contre nous m'a fait comprendre qu'on était tous les quatre des gamins incapables de s'exprimer et régler nos différents calmement. Jules et moi avons beau avoir dix-neuf ans depuis peu, on ne vaut pas mieux qu'un élève de seconde. Espérons que tout reviendra à la normale quand tout le monde aura enfin ouvert les yeux.

Le lendemain, je me dirige tranquillement vers l'arrêt de bus, la mort dans l'âme avec aucune nouvelle de mon merveilleux voisin. De loin, je le vois assis à l'arrêt, le regard perdu dans le vide, les écouteurs dans les oreilles. Le soleil fait rayonner la pointe de ses cheveux couleurs de miel. Sa peau claire semble parfaite en ce beau jour. C'est une torture de le savoir si près et si loin de moi, d'avoir été le gros con que je suis et de ne pas avoir réagi comme un adulte.

- Victor, je n'ai jamais voulu se déchirement...

- Je sais, il me faut juste un peu de temps.

- Je comprends...

Je m'appuie, comme chaque matin, contre la vitre de l'abribus et laisse mon regard se perdre sur les maisons en face. Jusqu'au lycée, aucun de nous ne parle ou ne va vers l'autre. À peine dans le bâtiment, nous nous séparons et je vais me cacher derrière le bahut pour fumer. Ça faisait un moment que je n'avais pas toucher mon paquet, quand tout allait bien entre Victor et moi, mais depuis quelques temps, entre les reproche de Jules et de mon petit ami, mes angoisses ont refait surface.

Je ne me dirige en cours que quand la sonnerie retentie et je trouve quand même une table à l'écart de mes trois amis. Les autres nous maudissent encore de nous détester les uns les autres, mais rien ne peut revenir à la normale en une nuit, même si j'aurais préféré.

Les cours du matin sont lassant et ennuyeux, endormant comme d'habitude la moitié de la classe. Pendant ce temps, je dessine, n'écoutant même pas une parole de tous mes profs. Jules n'est pas non plus concentré, la tête entre ses bras, ayant abandonné son téléphone dans la poche de son jean. Il s'en servait surtout pour avoir des nouvelles de sa sœur et d'être sûr qu'il ne lui arrivait rien, aujourd'hui il ne lui sert plus à rien.

A peine la sonnerie ayant résonné une deuxième fois, mes trois amis se jettent dehors, même Victor, ce qui prouve que toute cette histoire pèse lourdement sur nos épaules. Les cours s'enchainent, la fatigue et l'ennuie me prennent aux tripes. Je suis bien content quand l'heure du déjeuner arrive et je m'échappe rapidement de la classe.

Jules est devant moi, les mains dans les poches la tête baissée, quand des cris étouffés nous ramène tous les deux à la réalité. Malgré le lointain, nous reconnaissons assez distinctement la voix de Léa. Quand il pose les yeux sur moi, nous concluons une trêve silencieuse.

Même si aujourd'hui aucun de nous n'arrive à supporter les autres, nous avons été amis, nous nous aimions, malgré tout, on ne laisse pas un camarade dans la merde par soucis d'égo. Alors nous nous élançons dans les couloirs en suivant le timbre haut perché de l'insupportable meilleure amie du garçon que j'aime.

- Lâche-moi !

Je cours dernière le blond, de plus en plus inquiet. La seule voix qui retentis est celle de Léa, nous ne savons pas qui la prise en otage.

- Mais lâche-moi espèce de mufle bouseux, homophobe, imbu...

Son monologue est rapidement réduit au silence et la piste devient incertaine. Il y a bien trop de couloir dans ce putain de lycée, notre recherche risque d'être infructueuse et Léa de subir des choses pires que ce qu'on a pu infligé à Victor par le passé.

- Merde !

Je me stoppe net quand Jules entre en collision frontale avec Victor. Il perde tous les deux l'équilibre avant de se toiser comme deux lions prêts à se battre.

- Où est Léa ?

- Je la cherche moi aussi.

Nous reprenons notre course dans la seule direction que nous n'avions pas prise mais rien, elle a comme disparue. Nous traversons encore un couloir avant de nous rendre compte, Jules et moi, que Victor à stopper sa course devant la porte des toilettes.

Victor est figé devant la scène qui se déroule sous nos yeux. Je ne pensais pas que les rumeurs qui court sur la jeune fille iraient aussi loin. Je n'ai pas le temps de m'appesantir sur l'ignominie des gens qui fréquente ce bahut, que Jules s'est déjà rué sur Louis. Je suis heureux de ne pas avoir donné le premier coup, on ne pourra pas dire que c'est moi qui l'ai frappé. Mais depuis qu'il me mène à la baguette pour que je reste loin de lui ou il enverra ses sbires s'occuper de Victor, j'entendais le moment idéal pour me vengé.

Rassasiés, nous quittons la pièce et trouvons nos deux amis enlacés. Il me faut toute la force du monde pour soutenir cette vision d'horreur. Ils me donnent envie de vomir. Apparemment, c'est aussi le cas de Jules. Léa s'écarte de Victor quand le garçon de dix-neuf ans mime le dégout puis s'essuie les yeux.

- Merci les garçons.

- Ça ne change rien à ce qu'il s'est passé. Je veux bien te protéger, parce que malgré tout j'ai toujours des sentiments pour toi, mais ça s'arrête là. Je n'oublie pas ce que tu as fait, aussi minime que cela soit.

Jules crache ses mots, et le pire c'est qu'il pense vraiment ce qu'il dit, avant de se détourner et de partir. Je le suis à contre cœur, j'ai envie d'arranger les choses avec lui, et jette un dernier regard vers Victor qui reste résolument impassible. Il pense la même chose que Jules, autant envers moi qu'envers sa meilleure amie.

- Jules !

- Quoi ?

Il s'arrête d'un coup ce qui me force à ralentir la cadence. Il a les sourcils froncés, les dents serrer. Il a toujours du mal à encaisser la trahison de Léa. Je sais que Victor n'y est pour rien, je l'ai admis, tout le reste, je ne peux m'en prendre qu'à moi-même.

- J'aimerais qu'on arrête de se détester. Je m'excuse de ne penser qu'à ma gueule, d'avoir un peu trop penser qu'à ma relation avec Victor. J'ai beaucoup de mal à faire la part des choses, j'ai investie tout ce que j'avais pour arranger les choses avec Victor et je t'ai laissé tout seul, je suis désolé.

Il s'approche de moi, légèrement dérider.

- Je ne t'en veux pas pour ça. Victor, c'est toute ta vie, c'est la partie de toi que tu as enfouis, celle que tu ne voulais pas voir et depuis que tu t'es ouvert à lui, tu vis enfin vraiment. J'avais Léa quand tu n'étais pas là et j'ai peut-être exagéré à la sortie de l'hôpital. J'étais mal, je m'en voulais et je t'ai fait porter le chapeau. Je ne suis plus en colère, je suis déçu.

Je suis complètement perdu. L'autre jour il me disait que j'étais la raison pour laquelle toute sa vie avait basculer, aujourd'hui il s'excuse mais pourtant ça ne lui suffit pas pour oublier.

- Je ne vois pas où tu veux en venir.

- Tu es comme ça Hugo, ce n'est pas de ta faute, mais il faut que je me fasse à l'idée que Victor passe avant moi, que Léa n'est plus là pour te remplacer et que malgré tous les efforts que je pourrais faire, je déteste ton mec pour avoir tourné la tête de ma copine.

Je saisis ce qu'il me dit, enfin. Je sais que rien ne sera simple dorénavant et qu'il va vraiment falloir remédier à ça, mettre les choses sur le tapis une bonne fois pour toute. J'aimerais le rassurer et lui dire qu'il n'a rien à craindre de Victor, mais je sais qu'il ne voudra pas me croire. Dans un dernier sourire, il tourne les talons.

La semaine se déroule avec une vitesse folle. Ma relation avec Victor à reprit à son point de départ, totalement platonique, comme deux amis qui se parlent de temps en temps mais sans rien de plus. Ça a l'air de suffire à mon voisin pour l'instant, mais qu'est-ce que j'aimerais le prendre dans mes bras et l'embrasser, mais je n'ose pas, je ne veux pas le faire fuir encore une fois.

Dans l'ensemble, les choses sont redevenues comme avant, comme avant cette stupide soirée que je n'aurais jamais dû organisée, comme avant que je ne foute notre relation en l'air il y a six ans. Et comme à cette époque, simplement le croiser dans les couloirs n'arrive pas à assouvir ce besoin irréel de l'avoir près de moi en permanence.

Aujourd'hui, le vendredi des vacances, je suis enfin heureux de pouvoir quitter le lycée, arrêter de ressasser sans cesse mes pensées sombres à propos de mon mauvais comportement et celles lubriques qui me prennent aux tripes à chaque fois que je le vois. On est en avril, le BAC se rapproche à grand pas et pourtant ça ne m'angoisse pas. Je ne sais pas quoi faire de mon avenir, il est vrai que j'ai des facilités en biologie et en physique-chimie comme j'adore le dessin mais vu la gueule de mes notes, je ne suis même pas sûr de quitter le lycée.

Je n'ai jamais trouvé ma maison aussi vide et silencieuse. Les seuls bruits qui y résonnent depuis une semaine et plus, sont le bruit des touches du clavier de l'ordinateur de ma mère et des casseroles quand elle fait la cuisine. Tous les soirs depuis que je suis revenu, elle me fait asseoir à la table et me demande comment s'est passer ma journée et si tout se passe bien avec Victor, ou Jules. Au début, je ne rentrais pas dans les détails et puis j'ai très vite compris qu'elle ne lâcherait pas l'affaire, alors je me suis confié, comme si j'écrivais dans un journal intime.

Ce soir, comme tous les soirs, elle me sert avant de s'installer devant moi et de me poser tout un tas de questions.

- Ça va ?

- Super.

Je n'aime pas cette question. Qui y répond vraiment sincèrement ?

- Comment s'est passé ta journée ? Content d'être en vacances ?

- Oui. Il n'y a rien eu de spécial. Comme depuis le début de la semaine, Victor me dit bonjour mais sans plus, comme s'il ne s'était rien passé entre nous et Jules reste muet, mais ça ne m'étonne pas avec ce qu'il a subi.

Elle acquiesce en picorant son assiette. J'ai remarqué qu'elle mangeait moins, ça ne se voit pas encore mais je suis persuadé qu'elle a perdu du poids. J'ai ma petite idée sur le pourquoi du comment qui l'a mis dans un état dépressif. Ça me rend malade de savoir que j'en suis la cause. Elle ose me dire que c'était la meilleure chose à faire, qu'elle ne m'en veut pas mais elle était plus heureuse quand je faisais semblant d'être hétéro et que ma relation avec mes parents était fusionnelle. Ne parlons pas de mon frère, mais je suppose qu'il lui manque autant que mon père.

- Ça reviendra, le deuil n'est pas quelque chose de facile. Et concernant Victor, il changera d'avis, tu es irrésistible.

- Avec ce que je lui ai fait, en six ans et en huit semaines, j'ai peur d'avoir épuiser toutes mes chances.

Elle prend nos assiettes et les amènes à la cuisine. Quand elle revient, elle pose sa main sur mon épaule et ajoute :

- Jamais rien n'est perdu d'avance. Il est amoureux de toi, ne lâche pas l'affaire, il finira par comprendre que malgré ton caractère de cochon, il y a un cœur en guimauve à l'intérieur.

Elle me donne un yaourt puis tourne les talons vers le couloir mais se ravise et revient dans le séjour.

- Au fait, Julie a proposé que vous alliez tous les quatre dans le sud de la France. Vous allez pouvoir mettre les choses au clair.

- Vous savez qu'on va s'entretuer.

Elle me sourit, amusé puis lève les sourcils de façon aguicheuse et me dit :

- Fait en sorte d'être le seul survivant alors.

Elle disparait, j'affiche le même sourire joueur, bluffé par son audace avant que mon portable se mette finalement à vibrer.

Jules, 20h12 : ON EN PARLE DU GUET-A-PANS QUE NOUS A PONDU NOS MÈRES ?

Malgré mon manque évident d'envie, je sais que même si elles nous ont eu, elles n'ont pas tort et j'y crois, un peu.

Je change de conversation, et clique sur le numéro de Victor où mon monologue de vingt-neuf lignes s'affiche sans n'avoir jamais reçu de réponse. Je tape mon message sans y penser et range mon cellulaire avant de finir de manger tranquillement.

Hugo, 20h15 : JE CROIS QUE NOS MÈRES SONT DES COMPLOTEUSES. ÇA NE SE PASSERA PEUT-ÊTRE PAS TROP MAL, ÇA NOUS FERA DU BIEN, A TOUS LES QUATRE.

Une fois dans ma chambre, je sors un sac et y jette tout ce dont j'ai besoin pour partir sans oublier mon maillot de bain. À mon avis, on va aller crécher dans la villa des Brisson sur la côte atlantique, et même si à cette époque de l'année il ne fait pas très chaud, j'irais surement me baigner. Je me rappelle d'y avoir été quelques fois en vacances avec ses parents, quand nous étions encore amis.

Je réponds finalement à Jules que j'ai encore snobé pour faire du charme à mon voisin d'en face.

Je vais ensuite prendre ma douche pour me détendre et tenter de ne pas penser à ce qu'il va se passer demain. Mais je n'y arrive pas, alors en revenant dans ma chambre, je sors une cigarette et m'accoude à ma fenêtre, guettant les moindres mouvements du blond. Il fait visiblement sa valise.

Il me fixe un moment en me remarquant avant d'ouvrir la fenêtre. Ses joues sont rouges et je les vois, même dans la pénombre.

- Tu devrais mettre un tee-shirt ou tu vas être malade.

Je suppose qu'il aurait voulu être un brin méchant, mais ce n'est pas son genre. C'est amusant, comme son embarras, autant en rajouter.

- Tu me donne chaud.

Il lève les yeux au ciel et s'apprête à refermer la fenêtre, incapable de se défendre et ne sachant que répondre, mais je le retiens :

- Attends !

Il revient vers moi alors que je me débarrasse de ce qu'il reste de ma clope que j'ai à peine toucher.

- Je suis content qu'on parte ensemble.

- Même si on n'a pas eu le choix ?

Je vois que je ne suis pas le seul après Jules qui n'a pas envie d'y aller. Je sens qu'on va bien se marrer...

- Même si on n'a pas eu le choix. Je suis persuadé que ça ne peut que nous aider.

Il me sourit, un brin sincère. Ça me réchauffe le cœur.

- Bonne nuit, Hugo.

- Bonne nuit, Victor.

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