19 : Début d'Idylle

Mon sommeil a été agité. J'ai passé la nuit entre le demi-sommeil et la douleur constante et déchirante. J'ai enfin compris pourquoi Victor m'en veut autant pour toutes ces années de sévices. Il ne m'a fallu qu'une dérouiller pour m'effondrer comme une chiffe molle, je n'arrive pas à croire qu'il s'en sorte si bien. Ça force mentale est extrêmement puissante.

Quand je me réveille pour la dernière fois, le soleil est déjà levé. Il me faut un moment pour me rappeler où je suis et quel jour on est. La chambre d'ami est sombre, blanche sur ses quatre murs, ne contenant qu'une armoire en chêne massif et un lit au draps blanc dans lesquels je suis entortillé. J'ai rêvé de Victor. Pour une fois, ça n'avait rien d'un cauchemar, c'était même tout le contraire maintenant que je repense aux bribes qu'il m'en reste.

J'attrape mon portable et me rends compte qu'il est encore tôt, la douleur ayant dû me réveiller. Des bruits sourds m'indiquent que je ne suis pas le seul debout. Je me relève avec difficulté, sentant l'ensemble de mes muscles et de mes os à travers la peau de mon torse. On se rend très vite compte de tout ce qui constitue notre corps quand tous nos nerfs sont en éveils. J'enfile difficilement un tee-shirt et mon pantalon de jogging sortit de l'un de mes sacs avant d'ouvrir la porte.

Je débouche sur l'entrée du petit couloir qui dessert la salle de bain du bas et la chambre de ses parents. De l'autre côté, on aperçoit l'encadrement du salon et la porte d'entrée. Quelques plantes trônent ici et là, l'une d'elle au pied de l'imposant escalier qui monte droit vers l'étage en face de la porte principale. En face du salon apparait la cuisine où la petite famille de mon copain déjeune tranquillement.

Victor est penché devant son portable et un bol de céréales qu'il avale machinalement tout en pianotant sur son écran tactile. Il n'a pas encore détecté ma présence. Je lis un message venant de Léa sur l'écran, suivit de la réponse de son meilleur ami.

Léa, 8h34 : JOURNÉE FILM ?

Victor, 8h40 : HUGO EST A LA MAISON.

Léa, 8h45 : BAH... J'AMMÈNE JULES AVEC MOI. JE NE VEUX PAS TENIR LA CHANDELLE.

Alors qu'il s'apprête à répondre, je décide d'expliquer la situation à Victor.

- Jules ne pourra pas venir, son père rentre ce week-end.

Il s'étouffe avec son petit déjeuné et tousse à s'en décrocher la trachée. Je m'amuse de la situation et m'assoie sur la chaise à côté de la sienne. Julie entre dans la cuisine au même moment et me sourit sincèrement avant de dévisager son fils.

- Bonjour, Hugo. Ça va, chéri ?

- Bonjour, Julie.

- Super.

Sa voix parait lointaine après tous ces raclements. Il se reconcentre très vite sur son portable. Je me serre d'en tout le tas de nourriture que Julie a étalé sur la table. Il y a assez à manger pour quinze. Sans compté que mes goûts son identique à ceux de mon petit ami. Après ça, je m'évertue à lire l'ensemble des messages de Jules que j'ai reçu. Il y'en a beaucoup, la plupart parle de Léa et de leur premier rencart. Je m'en veux de ne pas l'avoir soutenue alors qu'il avait l'air très stresser.

Jules, 19h02 : JE VOULAIS SAVOIR COMMENT ÇA VA ? EST-CE QUE LUCAS EST LA ?

Jules, 20h48 : OH ! TU RÉPONDS ? JE M'INQUIÈTE.

Je lui réponds d'un simple « ça va » sans émotion avant de fermer l'application de messagerie. Quand je me rends sur Facebook, une centaine de notification inonde mon cellulaire, toutes dirigées sur la récente nouvelle, allant de l'étonnement aux insultes.

- Ça va ?

Sa voix me sort de ma torpeur et je ferme l'application avant de lâcher l'engin sur la table. Je plonge mon regard dans un océan azur, inquiet à l'extrême. J'ai l'impression qu'il a peur que je ne m'effondre devant lui comme un château de carte au moindre coup de vent, aussi minime soit-il.

- C'est bien plus supportable qu'hier.

Ce n'est qu'une demi-vérité. La douleur est la même à chaque mouvement, mais immobile, je ne sens quasiment rien.

- N'hésite pas à remettre de la crème.

- Oui, maman.

Il affiche un air blasé qui alimente mon sourire. Nous finissons tranquillement de manger avant que je ne le suive jusqu'à l'étage. Pendant l'ascension, son portable vibre. Très vite suivit du mien, que je sors difficilement de ma poche.

Jules, 8h56 : TU ES SÛR ? LÉA M'A INVITÉ, ON SE VOIT TOUT A L'HEURE.

Je me doute que Léa en a informé à son tour Victor.

- Jules amène sa petite sœur.

Je grimace, autant pour ma souffrance grandissante que sur la réalité des choses.

- On va regarder des Disney toute la journée, tu t'en rends compte ?

Il hausse les épaules avant d'entrer dans sa chambre et d'appuyer sur l'interrupteur du volet roulant. C'est perturbant de voir ma fenêtre à travers la sienne, sachant que je ne peux même plus y remettre les pieds. Je décide que ce n'est pas important et attrape le visage de Victor pour l'embrasser. Par respect pour ses parents, je me suis retenu, mais là, ce n'est que pure torture d'avoir ses magnifiques lèvres sous le nez sans pouvoir y gouter. Il se laisse aisément faire.

- Tu as des cernes profondes ce matin.

Je détails un peu plus son visage. Son teint est encore plus blafard que d'habitude et des poches sont visibles sous ses yeux, tirant ses traits. Il a l'air exténué. Il fait la moue avant de ranger sa chambre.

- Je n'ai pas dormi de la nuit.

Il disparait avec ses vêtements de la veille et j'en profite pour retirer mon haut. Quand il réapparait, son visage devient verdâtre et j'ai peur qu'il me vomisse dessus. Son expression trahit autant de dégout que de colère. Toutes deux dirigées vers mon frère. Je le comprends.

- Tu vas me dire ce qu'il s'est passé hier ?

Mes lèvres restent scellées pendant qu'il dévore mon corps des yeux. S'il continu, je ne sais pas si je pourrais me retenir de le jeter sur son lit. J'avance doucement vers lui, pour ne pas le brusqué et pour retenir mes pulsions bestiales. Son doigt vient caresser délicatement l'encre du dragon chinois qui à la gueule ouverte sur mon ventre, en faisant attention à ne pas appuyer pour ne pas me faire mal. Ses gestes s'arrêtent sur mes flans avant de venir suivre les courbes du loup sur ma hanche. Il semble très concentré. Je le regarde faire, retenant les tremblements de plaisir qui suivent la décharge électrique que me provoque sa peau contre la mienne. Il s'arrête finalement sur la tête du dragon et relève les yeux vers les miennes.

- Alors ?

J'avais presque oublié sa question.

- Lucas m'est tombé dessus quand je suis rentré, il m'a envoyé toutes mes affaires à gueule jusqu'à ce que mes parents rentrent. Ma mère n'a rien pu dire, mon père s'est mis à rire avant de voir nos visages sérieux. Je me suis pris une gifle avant de me retrouver à la rue. Rien de très passionnant.

Il s'empare du tube de crème rester coincé entre mes phalanges et la paume de ma main droite et recommence ses caresses indécentes.

- Ça te fait plaisir de me faire souffrir ?

- J'avoue que ce n'est pas déplaisant, non.

Son sourire vient illuminer son visage alors que la torture, autant psychologique que physique ne s'arrête pas le moins du monde.

Quand enfin il arrive au bout de ce supplice, j'attrape vivement son poignet pour coller son torse contre le mien. J'oublie la douleur que ce geste brusque évoque en moi et plonge mon regard dans le sien. Je lis la désapprobation dans ses yeux mais je m'en fou, j'ai besoin de ce contact autant que de sa présence. J'approfondie la pression sur son corps comme pour nous faire fusionner.

- Je suis désolé.

Ses iris se font fuyant, emplie d'une tristesse qui me serre le cœur.

- Ce n'est pas de ta faute alors arrête de t'excuser. Tout ça je l'ai voulu, tu n'y es pour rien. Ça devait arriver un jour ou l'autre, je n'allais pas me cacher indéfiniment derrière des femmes qui ne m'intéressent pas le moins du monde.

Victor semble vraiment comprendre la situation, il acquiesce et s'accroche à mes lèvres comme si c'était la dernière fois. C'est tellement agréable enivrant, régénérant. Dans ses bras, j'ai toujours l'impression que tout se passera bien, que rien ne peut m'atteindre. J'aime cette sensation de force qu'il fait entrer en moi.

- Il faut que je change de tee-shirt maintenant.

- Tu veux de l'aide ?

Un sourire espiègle barre mes lèvres alors que je suis très sérieux. J'ai très envie de passer mes doigts sous l'ourlet de son tee-shirt, de l'en débarrasser et de laisser mes mains parcourir son corps de long en large. Il lève les yeux au ciel avant de s'écarter et de sortir une nouvelle fois de la chambre.

Je descends les escaliers, mon tee-shirt dans la main et croise d'abord Julie qui affiche une moue dubitative. Elle détaille un instant mes tatouages puis continue sa route. Je croise ensuite Jacques, dans le couloir. La tête dans le cul, il me remarque difficilement, se fige puis devient livide. Son regard me sonde à son tour et finalement il fait demi-tour en claquant la porte de sa chambre.

Note à moi-même : ne plus me balader torse nu dans la maison de mon voisin de peur que son père ne fasse une syncope.

Mon téléphone se met à vibrer dans ma poche. Je décroche en voyant qu'il s'agit de Jules.

- T'es vivant ! J'ai eu tellement peur.

- Bonjour à toi aussi.

Jules ricane faussement puis parle à Justine à côté de lui avant de revenir à moi.

- Tu vas bien ?

- Ça aurait pu être pire.

- Ce n'est pas drôle, Hugo.

Je soupire et en perds mon sourire. Je voulais simplement détendre l'atmosphère et puis dans un sens, j'ai raison. Mon père aurait pu me tomber dessus, lui-aussi, il s'est contenté d'une gifle.

- Bref, Léa ne devrait pas tarder, on se voit tout à l'heure.

Il raccroche avant que je ne puisse dire autre chose. J'en profite pour me changer et rejoindre Victor pour l'aider à installer le salon. Je ne sers pas à grand-chose, mais ça ne semble pas le déranger. Je l'admire alors, dans un pull gris léger et un pantalon marron foncé, il est sublime. Bon il l'est toujours, mais plus les jours passent et plus mes yeux le trouve beau. C'est indéniable, je suis fou de lui.

Jules me saute dessus à peine arrivé et ne me lâche qu'une fois Léa et Victor dans le salon. Léa me jette un regard horrifié avant de tourner les talons.

- Il t'a bien amoché.

Je hoche la tête. L'image que m'a renvoyé le miroir dans la salle de bain tout à l'heure était franchement dégradante. Le pire, c'est quand même mon torse.

- Si mon père avait pris le relais, ça aurait été pire.

- Tu tiens le coup ?

Je tourne la tête vers Victor. Sans lui, je me serais effondré. Il est l'exemple même que malgré tout, il y a toujours une issue à nos problèmes. Même si ça ne nous plait pas spécialement à la fin, tout devient supportable avec le temps. Autant la douleur physique que mentale. On fait avec, on se crée une armure qui nous protège du monde extérieur. Il est l'une des seules personnes capables de voir sous ma carapace, mais jamais il ne me demandera de la retirer. La sienne le protège de la rage, de la sensation d'impuissance et de l'humiliation. La mienne me protège contre ma propre autodestruction.

- On regarde quoi ?

Tous assis sur le canapé, la jeune Delgado est la seule assise sur le tapis devant la table basse. Justine se tourne vers nous.

- La reine des neiges.

Je pose ma main sur mon visage pour retenir l'expression de dégout qui menace d'apparaitre alors que Léa et Victor affichent de grands sourires. Je sens le massacre musical à plein nez. Jules, dévisage sa petite sœur, pas spécialement heureux de regarder ce dessin animé. Je suppose qu'il doit ce le farcir souvent à la maison.

Le pire, avec ce film, c'est que dès les premières secondes, on entend les voix faussement criardes des deux amis entonner les paroles de l'introduction. Justine ajoute très vite sa voix à la mélodie tellement douloureuse à mes oreilles. Jules me lance un regard à la fois déçu et désolé. On est parti pour presque deux heures d'horreur.

Quand vient libéré délivré, Jules pousse Léa du canapé pour qu'elle arrête de chanter à quelques centimètres de ses oreilles. Elle s'écrase sur le sol, morte de rire, se perdant dans les paroles. De mon côté, je tente de faire taire Victor en plaquant mes mains sur sa bouche.

Quand vient la fin du film, Léa et Victor n'ont toujours pas arrêtés de rire comme des hyènes. J'ai très vite abandonné, sa voix étant plus puissante que ma force. Je regarde donc l'écran plasma avec un air dédaigneux, prêt à l'exploser d'un simple regard si jamais le film devait se remettre en route. Jules à la tête sous un oreiller prêt à recevoir une nouvelle salve de fausses notes. Je suis officiellement dégouté de la Reine des Neiges et vue son regard, Jules est dans le même état.

- Je m'ennuie.

La jeune fille vient sonner notre délivrance. Victor arrête de rire et se tourne vers le grand frère de la concernée. Voyant qu'il ne réagit pas, Victor se lève finalement.

- Viens avec moi ma chérie.

Il lui prend la main et l'emmène dans le couloir. J'étends mes jambes ankylosées devant moi en baillant. Sans Justine dans nos pattes, on va enfin pouvoir regarder un film de grand.

- Vous avez perdu votre joie de vivre ?

Nos regards mornes se posent sur Victor à l'entrée du salon.

- Je crois que vous m'avez dégouté de la reine des neiges à tout jamais.

Je suis d'accord à cent pourcents avec mon meilleur ami. Déjà que je n'aimais pas ce dessin animé, mais là, je viens de le bannir à tout jamais de mon esprit.

- On regarde quoi maintenant ?

Victor fait défiler les films présents sur son disque dur que nous analysons dans notre coin. Léa se tourne vers nous trois.

- Et pourquoi pas Avatar ?

- Je préférais un film plus soft.

L'écran se fige sur les films à l'initiale commençant par un T.

- Valérian ?

- Ce n'est pas super soft.

Jules à raison. Il est dans le même genre, il est juste plus court.

- Victor s'endort toujours devant.

Il lève les yeux au ciel avant d'appuyer sur star et lance Valérian et la Cité des Milles Planètes. Au bout d'une demi-heure de film, Victor s'est complètement avachie sur moi. Mes jambes tombent dans le vide, lui est recroquevillé sur mon flan, la tête sur ma poitrine, enserrant mon corps de son bras. De l'autre côté du canapé, Léa est littéralement allongé sur Jules qui l'entoure de ses bras. Le salon est silencieux, ne laissant que le film comme animation. Il ne faut qu'un tout petit peu plus de temps à Victor pour fermer les yeux et s'endormir comme un bébé. Il ne manquerait plus qu'il ronfle ou qu'il bave. Léa me sourit en voyant l'état de son meilleur ami et mime avec ses lèvres un « Je te l'avais dit ». Je ressers mes bras autour de lui et il en fait de même avant de se détendre de nouveau. Le reste du film, je passe plus de temps à le regarder dormir qu'à autre chose.

Quand le générique touche à sa fin et que Léa et Jules sont déjà sortis du canapé, je passe le dos de ma main sur la joue de mon copain pour le réveiller. Il bouge légèrement.

- Victor ?

Il grogne accentuant l'appui de sa tête contre la poitrine. Je bénis Lucas de ne pas m'avoir frappé à cet endroit, sinon j'aurais hurlé. Sa main remonte le long de mon ventre, m'incendiant par la même occasion, pour venir se poser sur son visage. Il va falloir qu'il se lève avant que la situation ne m'échappe.

- Réveilles-toi.

Il ouvre finalement les yeux, laissant apparaitre un océan de glace voilé par le sommeil. Je caresse la peau douce de son visage avec mon pouce.

- Le film est fini, il faudrait qu'on aille manger.

Il se relève, encore dans les vapes et pas trop sûr de ses gestes.

- Tu te sens bien ?

- Super. Tu peux me rappeler en quelle année on est.

Je souris, amusé avant de passer ma main dans ses cheveux pour tenter de discipliner sa tignasse.

- On est toujours en 2020. Tu dormais profondément. Aller, viens, on va manger.

Je retire ma jambe de sous ses fesses et lui tend la main pour l'aider à se relever. Nous retrouvons Léa et Jules dans la cuisine. Victor s'assoie autour de l'îlot, visiblement pas encore très sûr de savoir où il se trouve. Je dépose une assiette que sa mère nous a préparé devant lui.

- Tu as une sale tête.

- Merci, Léa, ça fait plaisir.

Elle grimace avant de se remettre à manger. Je m'assoie et commence à en faire de même.

- Bon on fait quoi ce soir ?

- On sort.

- Je ne peux pas laisser Justine ici, toute seule.

Je me renfrogne, déçu de ne pas pouvoir profiter de ma nouvelle liberté. Julie débarque dans la salle et passe sa main dans les cheveux de son fils. Il ressemble de plus en plus à un hérisson mal luné.

- Je peux garder Justine. Par contre je n'ai plus de vêtement à sa taille depuis un moment.

On dirait qu'elle a des oreilles partout cette bonne femme. Je note dans un coin de mon esprit de faire attention à ce que je dis.

- J'ai amené des affaires au cas où elle voudrait faire la sieste.

- Par contre, c'est qui qui conduit ? Je te rappelle que tu es mineur.

Victor lève les yeux au ciel et retire la main de sa mère de son crâne. Je lève la main pour lui dire que c'est moi. Elle acquiesce avant de s'en aller mais avant de sortir elle lance :

- Pas de bêtises.

- Oui, maman.

Victor fini son assiette en quatrième vitesse et nous indique qu'il va dormir pour être en forme ce soir. Je le suis jusque dans sa chambre où il se laisse littéralement tomber comme une crêpe sur le lit.

- À ce point-là ?

Il tourne la tête vers moi, le visage déformé par la couverture et les yeux à moitié fermés

- On en reparlera quand tu ferras une sieste de deux heures après une nuit blanche. J'ai besoin de plus.

Il tire sur ses bras pour remonter jusqu'à son oreiller comme une limace informe et ferme les yeux une fois dessus. Je baisse les yeux puis ferme la porte derrière moi et viens me couche à côté de lui.

- Tu vas passer le reste de ton après-midi à me regarder dormir ?

- C'est à peu près ça.

Il soupire avant de fermer les yeux. Je me rapproche de lui, le forçant à rouvrir les paupières. J'aime bien ce petit jeu d'un deux trois soleil, attendant qu'il baisse de nouveau la garde pour combler la distance minimale qui sépare encore nos deux corps.

Mes yeux dévient sur ses lèvres, comme aimantés à la vision de la plus belle chose que je n'ai jamais vu. Je veux sentir cette explosion en moi, alors je comble l'espace qui nous sépare. J'entrelace mes doigts à ses cheveux pour le retenir contre moi, de peur qu'il ne s'endorme. Une chaleur sourde se déchaine dans mes entrailles, me donnant assez d'audace pour entrouvrir les lèvres et de lécher légèrement ses lèvres. La sensation est exquise, encore plus que de sentir sa bouche contre la mienne. Quand il ouvre enfin la bouche, m'y donnant complètement accès et que nos langues se touchent, une fièvre immense vient prendre possession de mon esprit.

Je perds toute notion du temps et de l'espace, ma chaleur augmente tellement que je transpire à travers mes vêtements. Une vague de plaisir intense traverse mon corps de mon cœur à ma ceinture.

Victor sort de sa léthargie, sa main venant cramponner ma hanche afin que nos corps s'entrechoquent. Je ne pensais pas qu'il était encore possible pour moi de perdre pied, mais quand je sens la bosse dure de son pantalon contre ma propre excitation, j'explose littéralement. Ma respiration est erratique, mon cœur bat à cent à l'heure, mes gestes se font plus pressant autour de son corps, la danse de nos lèvres aussi.

Sa main quitte soudainement ma hanche et se pose à plat contre mon torse pour me faire reculer. Je reprends ma respiration en détaillant son visage pour essayer de comprendre où est le problème. Il fuit mon regard, encore rouge de désir. Je suis perdu et je commence à prendre peur.

- Je... il me faut un peu de temps.

Je retombe sur le matelas, les lèvres pincées et le cœur au bord des lèvres. J'ai dû mal à avaler ma salive, le regard vissé sur le plafond. Je ne comprends pas ce qui peut clocher.

- Hugo, c'est... tu es ma première fois, dans tout, pour tout. J'ai besoin de temps, je ne veux pas aller trop vite.

Je le regarde de nouveau et ses yeux me demandent implicitement de le comprendre, d'accéder à sa requête.

- Tu es aussi ma première fois. Peut-être que j'ai couché avec une fille, une fois, mais je n'ai jamais embrassé de garçon auparavant ni couché avec un garçon.

- Une seule fois ?

Je plisse les yeux et son visage s'empourpre comme à chaque fois qu'on parle de sexe. Il va vraiment falloir de je le décoince. Je souris, amusé.

- C'est tout ce que tu as retenu ?

Victor se mets soudainement à rire et puis très rapidement, de petites gouttes salées dévales silencieusement ses joues. Je reviens vers lui et passe mes pouces sur sa peau pour les effacer.

- Qu'est-ce qui t'arrive ?

- C'est la fatigue. Tu réponds à ma question.

Je souris sincèrement, me replongeant dans les souvenirs de ce moment plutôt gênant de ma vie. Encore une tentative pour l'oublier.

- Je sais que j'ai une réputation assez pourrie, mais je n'ai couché qu'avec une fille et c'était totalement nulle, je n'ai pas arrêté de penser à toi.

Un sourire soulagé et plutôt fier d'être le centre de mon univers se dessine sur son visage pendant qu'il dévisage le plafond. Je ne peux plus détacher mes yeux de lui, de sa fragilité qu'il est prêt à laisser paraitre devant moi. Il me fait confiance et c'est tout ce qui compte à mes yeux.

- Où sont mes lunettes ?

- Sur la table basse.

Il se remet dans la même position que dans lecanapé et s'endort aussitôt. Je ne tarde pas à le suivre, épuisé.

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