12
3 ans plus tard
─ Tiens tu regardes ça toi ?
Il sursaute à l'entente de la voix de son fiancé. Il sursaute de s'être fait prendre sur le fait. Il n'était pas souvent là quand il regardait le garçon au manteau jaune. Non, c'était son secret. Ça avait toujours été son secret. C'était surtout leur secret commun.
C'était le doux souvenir d'un passé révolu. Le secret qui perdurait entre lui et son premier amour. Les vestiges d'un amour qu'il continuait pourtant de lui porter. Parce qu'il ne pouvait pas l'oublier, jamais il ne le pourrait. Ils s'étaient bien trop aimés. Ce n'était plus le même amour qu'avant, mais il aimait essayer de savoir comment le garçon au manteau jaune allait.
─ C'est qu'en arrière-plan, je bossais sur un projet en même temps.
Un beau mensonge. Parce qu'il ne regardait que celui qui portait un manteau jaune jadis. Il le faisait régulièrement. C'était facile d'avoir de ces nouvelles. Pourtant, il n'en savait pas grand chose dans le fond. Le garçon au manteau jaune ne faisait pas de frasques. On ne lui connaissait pas la moindre histoire.
Et parfois, il se demandait si ça allait également dans sa vie privée, s'il avait réussi à trouver quelqu'un pour l'accompagner. Il ne comprenait pas comment cela pourrait ne pas être possible. Mais ils avaient vieilli et il semblait toujours célibataire. Depuis lui, rien n'avait fuité et parfois cela l'effrayait un peu. Parce que tout ce qu'il voulait, c'était juste un élément qui aurait pu lui faire savoir qu'il était heureux.
─ Depuis quand tu lis des livres sur les girafes ? Je croyais que t'aimais pas les ouvrages documentaires. T'y comprends quelque chose ?
Il soupire avant d'éclater de rire devant l'air taquin de celui qui vient de gentiment se moquer.
─ C'est interdit de se cultiver ?
La moue de son compagnon lui arrache un sourire.
─ Montre ça voir !
Le livre lui est pris des mains et s'ouvre un peu plus loin sous son regard semi-outré de s'être ainsi fait voler son bien. Il observe le regard curieux, le nez qui se fronce quelques secondes.
─ Une thèse. C'est même pas un documentaire. T'es en train de lire une thèse. Je rêve. Aidez-moi ! Qui êtes-vous et qu'avez-vous fait de mon petit ami ?
Le dit petit-ami un poil bavard est attrapé par le poignet, entrainé et se retrouve sur ses genoux alors qu'il lâche un cri. Mais il ne fait pas tomber l'ouvrage qui serre bien fort dans sa main gauche. Il l'observe quelques instants alors qu'il le regarde avec défiance, tenant son livre presque hors de sa portée. Il ne s'en préoccupe pas, il se contente de l'admirer. Il remet place quelques-unes de ses mèches folles tout en lui souriant amoureusement.
─ L'auteur est un ex.
─ Un ex ? Tu lis les thèses de tes plans-culs maintenant ?
─ Non. Un ex comme une personne dont j'ai été plus qu'amoureux avant de te rencontrer.
Le regard de son amant s'adoucit. Il récupère le livre de ses mains et le dépose sur la table à côté de son fauteuil.
─ Pourquoi tu me parles jamais de ton passé ?
─ Parce qu'à une ou deux exceptions, il n'y a rien qui vaille la peine d'être raconté.
Et pourtant, il aurait pu parler du gamin aux yeux noisette pendant des heures. Mais il avait tellement galéré avant d'avoir le cœur qui s'était remis à battre qu'il s'était habitué à éviter le sujet et que ça avait perduré. Parce que le sujet l'avait trop fait souffrir. Les questions auxquelles il ne voulait plus répondre parce que les réponses étaient toujours les mêmes.
Non je n'ai personne. Non ça l'a pas fait. Non je ne viens pas à ta soirée accompagnée. Oui je cherche mais je trouve pas.
Les doutes sans avoir personne à qui se confier. Les blagues sur ses fins de soirées alors qu'il aurait aussi largement préféré avoir quelqu'un contre qui se blottir sans en changer tous les soirs. Son cœur pendant longtemps brisé sans qu'il n'ose en parler, sans qu'il ne sache à qui il pouvait faire suffisamment confiance pour se confier.
Lui n'avait jamais posé de question. Comme s'il avait compris qu'il était des sujets sur lesquels il valait mieux ne pas s'attarder. Alors qu'il avait peut-être été pendant des années la seule personne à qui il avait envie de se confier. Parce qu'il savait que jamais il ne l'aurait jugé. Parce qu'il n'entendait pas ou prétendait ne pas le faire quand le sujet était évoqué à l'époque et qu'il l'avait bien des fois détourné.
─ Tu viens de dire que tu étais amoureux, je suis certain qu'il y a beaucoup à raconter au contraire.
Leurs nez s'effleurent.
─ Un jour, je t'en parlerai, mais pas aujourd'hui.
Peut-être qu'il voulait garder ça pour lui encore un peu.
─ Aujourd'hui, je veux profiter avec toi.
Il approche ses lèvres, mais celles de l'amant se dérobent.
─ Je peux au moins savoir si c'était un gars ou une fille ?
─ Curieux.
Les prunelles pétillent en face des siennes.
─ C'était un gars. Le premier que j'ai embrassé.
─ Tu n'avais vraiment fait que l'embrasser ? Tu as bien changé...
Un petit rire brise le silence de la pièce. Une légère moue est présente sur le visage ami. Celui dont les yeux brillent de malice en face de lui. Ses doigts glissent sur sa joue.
─ Non. On n'avait pas fait que s'embrasser. Est-ce que ça satisfait ta curiosité ?
Le souffle balaye son visage. Il s'écrase sur ses lèvres.
─ C'est un bon début.
Le regard taquin s'illumine. Celui aux yeux chocolat était tout ce dont il pouvait rêver désormais. Ses doigts relèvent son menton et leurs visages se jaugent.
─ Et dire que je pensais que j'étais le premier parce que tu n'as jamais daigné me parler de tes histoires de cœur. M'aurais-tu menti par omission ?
La moue théâtrale s'efface sur un sourire moqueur et un rire cristallin.
─ Tu étais mon premier je t'aime j'espère que ça te suffira ? Ne sois jamais jaloux de mon passé même si je ne t'en avais jamais parlé. Pour toi, je pourrais tout envoyer valser. Pour toi je pourrais affronter le monde entier.
Les lèvres sont immédiatement captées. La joie le transperce. Elle pulse dans le regard opposé quand il s'éloigne un peu. Les fronts sont collés, les nez également. Les doigts d'une main s'entremêlent, les autres jouent avec ses mèches dorées.
─ Un jour.
─ Un jour.
Promesses trop souvent murmurées. Il y croit quand il l'a dans ses bras. Il y croit le corps pressé contre le sien. Il y croit quand leurs bouches se conquièrent. Il y croit quand ils s'offrent tout une nouvelle fois.
Le souffle bat contre sa peau. Les cœurs ont les battements qui ralentissent un peu.
─ Je suis désolé de pas avoir le courage de t'offrir ce dont tu rêves.
Son cœur se serre une seconde. Il approche le corps de son amant et le serre fort contre lui.
─ Faire l'amour en secret, c'est très bien aussi.
Les hochements de tête acquiesçant dans son cou le chatouillent. La douceur des lèvres traine sur sa joue alors qu'il lui rend son étreinte. Il attrape le plaid du canapé et les en recouvre. Le garçon au manteau jaune sait pourtant que l'autre doute. Il le lit dans son regard un peu gêné.
─ On a toute la vie, c'est bien de t'avoir juste pour moi tranquillement.
Comment le juger alors que lui-même avait fait le même choix, brisant le cœur de celui aux yeux noisette et le sien au passage. Il profite avec son petit-ami. Il est heureux quand il sent son cœur qui s'emballe alors qu'il se contente de lui sourire, le regard le fixant rempli d'amour avant de se nicher dans ses bras. Après tant d'années, il était enfin heureux dans sa vie, et il savait que de l'autre côté de la ville, le garçon aux yeux noisette qui venait de se fiancer l'était aussi. Et c'était l'une des choses qui l'avait profondément ravi.
x x x
on approche sérieusement de la fin, il reste un chap et puis ensuite l'épilogue !
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