La Feldbergklinik
21 janvier
J'ai un rendez-vous de contrôle chez le gynécologue pour le cancer. Le médecin me redit que les cancers de la matrice sont de plus en plus rares et que je suis un cas atypique. Au sujet de l'œdème, il pense qu'il faut du temps et que mon corps va refaire de lui-même un nouveau chemin pour la lymphe. Je suis perplexe et plutôt incrédule. Ça ne « colle » pas avec ce que j'ai lu. Et pourtant, si seulement c'était vrai !
Stade 1 – stade réversible
L'œdème apparaît pendant la journée mais il disparaît complètement ou partiellement si le membre est surélevé. Si vous enfoncez votre doigt dans les tissus, un creux se forme et persiste pendant quelque temps.
Stade 2 – stade spontanément irréversible
Le gonflement ne disparaît plus, même après de longues périodes de repos. La peau est dure, et il devient inutile de surélever le membre touché. Il est difficile, voire impossible d'imprimer un creux dans la peau.
Stade 3 – stade irréversible
Ce stade se caractérise par un gonflement et des modifications cutanées (par exemple sous forme de petites ampoules qui laissent échapper du liquide lymphatique). Une autre forme de ce gonflement est appelée "éléphantiasis"
Je me reconnais maintenant dans le stade 2. Au début, l'œdème était davantage liquide. Maintenant, il est devenu plus dense et fait partie du tissu.
Si je vais faire un séjour à la « Feldbergklinik », le gynécologue est prêt à me faire un certificat d'une semaine à dix jours pour le travail. Mais je sens que, pour lui, ce n'est pas très sérieux : « Il y a beaucoup de cliniques Wellness en Forêt-Noire. Allez donc y faire des vacances. »
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25 janvier
A la consultation ambulatoire de la Feldbergklinik, c'est le docteur Reither qui me reçoit. Pour la première fois, je me sens prise au sérieux ! Il pose beaucoup de questions concernant les antécédents familiaux et les autres maladies. Il regarde et palpe en premier mes pieds, puis la jambe gauche (grimace) et le bas-ventre (grimace). Il me fait lever pour regarder le dos. Il ajoute : « Et les grosses lèvres, c'est comme des collines, n'est-ce pas ? » A ce moment-là, les larmes me viennent et il est tout désolé. Il me dit que je suis au stade 2 et que c'est urgent de faire quelque chose, mais toutes les chambres sont prises jusqu'en juin. Il me demande d'appeler la secrétaire demain et de lui dire que le médecin a précisé que c'est urgent. Il se montre surpris et intéressé par le fait que j'appartiens à une communauté de religieuses. Pour finir, il ne veut pas que je paie les 85 euros convenus. C'est un homme jovial, cordial, plein d'humour. Je crois qu'il m'a prise sous son aile.
En quittant la clinique, je pense avec reconnaissance à ma collègue Nicole. C'est grâce à elle que je suis ici. Un chemin s'ouvre enfin.
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26 janvier
Finalement, je pourrai aller trois semaines à la Feldbergklinik, déjà à partir du 7 février. On me propose une thérapie intensive, c'est-à-dire deux fois par jour 45 minutes de drainage lymphatique, puis la pose de bandages, et de la gymnastique appropriée.
Au travail, le gérant est d'accord : j'ai deux semaines de vacances déjà planifiées auxquelles vient s'ajouter une semaine de maladie. Tout s'arrange. Le gérant demande : « Et après ? Quand vous rentrerez à la maison ?» Je pense qu'il a parfaitement conscience que l'histoire n'est pas finie, même si les médecins ici me disent que ça va s'arranger. Pourtant, je veux toujours espérer et cultiver des pensées positives.
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5 février
C'est une semaine éprouvante. Je dois tout mettre en ordre, acheter les vêtements nécessaires, rassembler et envoyer par e-mail les documents demandés par la clinique. En plus, je participe à deux jours de réunion avec des sœurs de ma communauté. Il faut encore assumer le travail et préparer les bagages.
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7 février
J'arrive à la clinique après un voyage sans histoire avec mon amie Nadia et Marie-Michèle.
Une femme médecin m'accueille pour l'entretien et l'examen d'entrée. J'ai un choc quand elle me dit que les pieds montrent les premiers signes de la maladie. Elle me dit très clairement qu'on ne peut pas guérir d'un œdème lymphatique. Je vais vivre avec lui le restant de mes jours. Je pleure.
Le soir, au repas, j'observe mes compagnons d'infortune : une toute jeune femme, un homme bougon, un couple (Monsieur accompagne Madame), des Italiens de Toscane. Bien des femmes ont les doigts et le bras bandés, d'autres des jambes énormes.
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8 février
Ce matin, le stress :
7 h 05 : Rendez-vous avec la cheffe des thérapeutes
7 h 15 : Contrôle du poids et de la tension
8 h 00 : Première thérapie.
J'arrive tout juste à aller boire une tasse de lait et avaler rapidement un pain beurré entre deux rendez-vous.
Je ne peux pas aller à la gymnastique car il faut encore faire des photos des jambes et un électrocardiogramme.
11 h 00 : Deuxième thérapie, avec Natalia, de Pologne.
C'est tout pour aujourd'hui, à cause du carnaval ! Beaucoup vont assister au cortège en ville.
J'ai plusieurs couches de bandages très serrés et je peine à marcher.
Je sors quand même sous la pluie en marchant comme un canard.
Ce soir, ma tension n'est pas bonne, je le sens. Plusieurs téléphones me rendent la famille et les amis proches.
C'est la première fois que je l'utilise un smartphone. J'apprends rapidement à m'en servir et à communiquer avec WhatsApp.
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10 février
Mercredi des cendres. Il neige. Le paysage est féerique. A la cafétéria, deux employées de la clinique accueillent les nouveaux et fournissent des renseignements pratiques. Elles terminent en disant : « Comme vous avez une maladie qui ne guérit pas, nous espérons que vous garderez un bon souvenir de notre maison et reviendrez un jour. » De retour dans ma chambre, une nouvelle crise de larmes me montre que je n'ai pas encore accepté le diagnostic.
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11 février
Comme chaque matin, je participe à la gymnastique en groupe, avec les bandages. La musique nous entraîne dans des mouvements bien rythmés, avec un ballon, pendant une heure. Je transpire.
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12 février
Ce matin, je mesure 166/102 de tension. J'apprends que des bandages aussi serrés entraînent une augmentation de la tension. Du coup, Natalia me met une couche de bandage en moins. Elle me dit qu'il faudrait aussi bander le ventre, mais elle ne le fait pas à cause de ce problème de tension.
Je commence à connaître quelques patients :
* Cesare, qui m'a demandé une petite prière avant de retourner chez lui en Toscane
* Robert, chauffeur de bus envoyé à la retraite à 56 ans, qui n'a plus de sensations dans le haut des jambes et se déplace avec une canne
* Nina, qui aime danser.
La maison peut accueillir 63 personnes, me dit une femme de ménage. Je vois toujours de nouveaux visages. Ceux qui partent sont aussitôt remplacés. Le délai d'attente est souvent de plusieurs mois. J'ai de la chance.
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15 février
Je commence ma deuxième semaine ici. Je suis plus détendue, maintenant que j'ai compris le fonctionnement de la maison.
A la visite médicale, j'apprends que les résultats d'électrocardiogramme et d'analyse d'urine sont bons. La tension demeure un problème récurrent : 160 ou davantage sur 100 ou davantage. On me prescrit un médicament.
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16 février
Je suis malade dans la nuit, avec diarrhée et vomissements. Peut-être que j'en ai trop fait hier, une heure de gymnastique et deux heures de marche dans la neige.
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23 février
Je reçois les nouveaux collants de compression, de classe 2, sur mesure. Ils sont épais, mais agréables comme une seconde peau. Je suis très contente.
Ce soir, j'ai de nouveau la nausée. Je commence à penser que la tension trop haute est peut-être en cause.
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24 février
Je suis étendue sur une table et une dame marque des repères sur mes jambes pour mesurer l''œdème. Le résultat est excellent. Curieusement, j'ai moins perdu sur la jambe gauche qui est pourtant plus atteinte.
Natalia m'annonce qu'elle a trouvé une place de travail dans mon pays à partir du premier avril.
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27 février
Je rentre à la maison et je retrouve le quotidien, avec plein de choses à ranger. J'envoie une lettre aux amis.
(Voir Annexe 2, lettre aux amis après le séjour à la clinique)
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3 mars
J'apporte au médecin de famille le rapport de la Feldbergklinik. Il montre de l'intérêt et paraît favorablement impressionné par tout le programme de gymnastique de la clinique. Il fait une copie de mes mesures avant et après le séjour là-bas. J'ai perdu jusqu'à 3 cm de circonférence sur les jambes ! Il me dit avoir écrit à la caisse-maladie pour demander une prise en charge. La caisse-maladie a refusé, étant donné que la thérapie se déroule à l'étranger et qu'il ne s'agit pas d'une urgence. Il rédige une ordonnance qui prescrit deux fois par semaine 3/4 d'heure de drainage lymphatique chez une nouvelle physiothérapeute. Et je vais continuer le médicament pour la tension.
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7 mars
Dans ma dernière séance de drainage lymphatique avec Sandra, je ressens des sentiments mitigés : elle m'a tellement souvent redonné du courage, et pourtant, je sentais bien qu'elle n'y croyait plus et qu'il n'y avait plus d'amélioration. Peut-être suis-je trop exigeante ?
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