Gribouillis

Elle avait toujours admiré les musiciens et s'en était toujours voulu de ne pas en être une. Après tout sa mère lui avait dit à maintes reprises durant son enfance que les gens capable de lire et jouer la musique ont de la valeur ajoutée à leur âme. Les artistes en général aussi,  mais cette maîtrise d'un autre langage, le seul ayant cette dimension universelle et magique, cela valait de l'or ou du moins l'accent que la mère mettait sur cette distinction. Son père lui méprisait carrément l'art et selon lui, la littérature n'était que perte de temps. La jeune femme n'a jamais vraiment compris ce qu'aimais son père mais elle savait qu'il accordait de l'attention à la musique ou du moins la prétention d'en aimer certaines facette.
Cependant tout chez la jeune femme allait à l'encontre de son père.
Elle était une littéraire dans une école d'art et vivait de passion et d'eau de robinet de son petit appartement en proche banlieue de Paris. Et elle rêvait la petite, tellement que s'en devenait maladif. Selon certains cette maladie de la rêverie s'explique selon deux principes complexes mais normaux car retrouvés à tous stades de l'humanité : la créativité et la philosophie.
Enfin, la petite cette année là, était placeuse à l'opéra. Les pourboires généreux des touristes et des bourgeois lui permettaient d'égayer les fins de mois. Mais ce qu'elle préférait dans ce petit boulot c'est l'opportunité de voir les représentations chaque soirs. Ce qu'elle préférait, c'était les ballets, encore mieux s'ils étaient contemporains.
Elle avait pris l'habitude de s'asseoir sur son strapontin et d'admirer l'orchestre et les danseurs. Ah,  les danseurs !  là encore elle ressassait des souvenirs, sa mère ayant fait de la danse des années durant ; et elle qui ne s'y intéresse pas.
Puis qui finit par céder à la tentation, et par quitter le cours médiocre qu'elle suivait après six mois de frustration. En plus d'être dégoûtée par le cours elle était empotée de son corps, ce qui évidement n'aide pas à la tâche.
Alors elle admirait les autres, c'était son passe-temps favoris. À force d'observer elle appris à dessiner. Désormais chaque soir on pouvait voir,  dans le monde de la salle d'opéra sur un strapontin bancal face à la scène, une jeune femme dessiner frénétiquement dans la pénombre de la salle. Elle ne voyait ses dessins qu'une fois rentrée chez elle, des centaines de silhouettes captées sur le papier au rythme de la musique. Les plus mémorables devenaient de vraies illustrations ou des tableaux d'acrylique.
Un soir, elle fut particulièrement éprise par le ballet face à elle. C'était le fauvisme de Matisse qui prenait vie, les couleurs des sentiments de Kandinsky qui s'exposaient tandis que la musique retentissait.
Oh oui, elle était maladivement rêveuse et soufflée par les émotions qui explosent son être ce soir là. Un peu plus tôt, un message de son père, la pension coupée. Pas de nouvelles ni d'une soeur ni d'un frère et puis un amour pas folichon dont elle ne retint même pas le nom, qui aurait pu refiler des champignons peu mignons... Seul l'inséparable duo du graphite sur le papier calibré lui restait fidèle. Et puis le silence et les applaudissements. Comme une foule qui récompense le courage de la petite qui continue après moult incidents à serrer son crayon entre ses longs doigts. Des doigts de pianiste. Près d'un quart d'heure d'applaudissements. C'est le minimum pour quelque chose d'aussi puissant. Un quart d'heure. Trois tours de scène. Elle ne tiens plus et se jette du balcon. Et retombe en feuilles gribouillées. Le monde regarde sa pluie blanche qui s'abattre sur lui. Certains récoltent des bouts de chair qui se froissent sous les paumes. Elle aussi se regarde du haut de son balcon, les mains vides et le corps léger. Sa joie l'avait fait tout lâcher avant de s'en aller ; son rire nerveux et déchaîné qui résonne dans le grand escalier.

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