4 | 𝘓𝘶𝘪

Au petit matin, alors que le soleil vient à peine de se lever, un jeune homme traverse la basse cours à toute allure. Au milieu des poules et des lapins, il n'a qu'un seul objectif, rejoindre celui qui fait battre son cœur chaque jours.

Il ouvre une petite porte en bois, situe en bas d'un immense tour de pierre, et se faufile dans un petit couloir étroit, avant d'arriver dans une pièce où est tendu un immense rideau blanc. Il le soulève légèrement, et passe de l'autre côté.

Ici, l'objet de tout ses désirs se dresse fièrement au milieu de la pièce. De sa peau blanche comme neige, à ses formes fines, tout est travaillé à la perfection. Le jeune homme le contourne, l'observe, encore et encore. Il passe ses journées à le faire, ses journées à modifier de tous petits détails, que les gens bien moins distingués et cultivés que lui ne pourraient voir. Et en effet, depuis plus d'un an, personne ne voit de changements. Tous le monde au château a l'impression que Bangchan, le jeune homme, passe ses journées à ne rien faire. 

Mais ces journées lui sont très productives. En effet, un jour le menton lui paraît trop pointu, le lendemain trop arrondi. Pour Bangchan, il faut ce soit parfait, il faut qu'il soit parfait. Mais comment atteindre la perfection quand celle ci n'existe pas ? Comment décider d'une perfection quand on est un éternel insatisfait comme lui. 

Car ce qui est parfait aujourd'hui ne le sera pas forcément demain. La vie va si vite.

Après plusieurs heures de travail à travailler sur les doigts de sa main droite, une jeune femme vient l'interrompre dans son travail. 

« Monsieur, son altesse vous attend dans son salon principal. Elle veut absolument vous voir. » La jeune fille s'incline légèrement, et s'en va plus vite qu'elle n'est arrivé.

Bangchan se relève, difficilement. Son dos et ses os lui font mal, à force de se plier en quatre pour lui

Il sort de sa petite pièce, et ferme les yeux, éblouis par le soleil qui est à présent bien haut et lumineux dans le ciel. Il traverse à nouveau la basse cours, et manque de bousculer quelques paysans au passage. 

Il traverse alors le château afin d'atteindre le salon principal, le préféré de sa mère. 

« Bangchan. Ce dernier se baisse afin de saluer sa mère, et celle ci l'invite à s'asseoir sur un fauteuil de satin rouge.

Sa mère s'étire légèrement sur sa chaise, puis se gratte la gorge avant de prendre la parole. 

- on m'a encore fait part de tes journées dans ton atelier.

Bangchan acquiesce.

- Je comprend que tu ais une passion, que tu souhaites la pratiquer, mais tu sais ce que les autres en pensent. Nous ne pouvons plus t'aider, ton père et moi. Nous pensons que tu devrais te marier, ou bien aller te proposer en chevalier pour le roi. 

- mais, vous étiez d'accord, mère, pour que je travaille sur ma sculpture. 

- Avant. Cela fait plus d'un an qu'elle est terminée. Il est temps de la ranger ou de la vendre. Tu ne sais point ce qu'il pourrait arriver à ton père, si le roi apprend que notre fils est un artiste. Tu sais très bien la réputation qu'ont les artistes. 

- je le sais bien, mère. Mais je ne peux pas vendre ma sculpture, je ne l'ai pas terminé. J'ai sans cesse de nouvelles choses à améliorer, à changer. 

- Bangchan, il faut que tu comprennes que tu es totalement obsédé par ta sculpture. Je ne sais pas pourquoi, mais ce n'est pas ce que nous attendons de toi. Conduis toi comme un vrai homme. Je te conseille de la faire déplacer dans la journée, de la vendre ou de l'exposer dans le château, si ça te chante. Range ton atelier, donne tes affaires. 

- mais je ne veux pas arrêter ! Bangchan se lève, pris d'une grande colère. J'aime sculpter, j'aime le sculpter !

Je l'aime.

- je te conseille de le faire aujourd'hui, sinon, ton père en fera une affaire personnelle. Et tu sais bien qu'il ne vaut mieux pas. »

Bangchan ne dit plus rien et s'en va en courant. Il retourne dans son atelier, et s'asseoit sur un petit tabouret, en face de lui.

Il n'est toujours pas parfait pour lui. Mais il l'aime comme ça. 

Il se recroqueville sur lui même et se met à pleurer. Il a passé sa vie à travailler sur lui, il a passé sa vie à l'imaginer, à le sculpter et à lui faire prendre vie. Il n'est pas question qu'il s'en sépare. Si il s'en sépare, alors, il ne sait pas ce qu'il adviendra de lui.

Il ne peut pas vivre sans lui.

Cet homme, taillé dans la pierre. Cet homme, qui prend vie, devant lui. Cet homme qui l'inspire chaque jours, chaque nuits. 

Il l'aime.

Du plus profond de son être. 

Bangchan finit par pleurer toute la soirée, avant de rejoindre son lit, dans la nuit fraîche. 

Cette nuit là fut la plus horrible de sa vie. Il fit des tonnes de cauchemars.

Au petit matin, il se lève, et a comme un drôle de pressentiment, un mauvais pressentiment. 

Il s'approche de sa fenêtre, et alors, non- il ne peut pas y croire. Cela ne peut pas être vrai ?

Bangchan sort en vitesse de sa chambre, il traverse le château en chemise de nuit, et descend dans la basse cour. Cependant, le désastre est bien réel. 

Tout est brûlé.

En cendre.

Son atelier a brûlé cette nuit.

Il court jusqu'au débris de bois et d'objets qu'il a utilisé, autrefois, ou bien même hier, et sa sculpture, son être bien aimé, il n'est plus là.

Il est- mort ?

Bangchan s'effondre sur le sol, pleurant à chaudes larmes. 

L'entièreté de la basse cour l'observe, avec des yeux curieux. Qu'est-ce qui rend le fils du seigneur si malheureux ?

Du haut de sa fenêtre, la femme du seigneur observe son fils.

Il fallait s'y attendre. 

Le seigneur l'avait décidé ainsi.

Mais alors que Bangchan était encore au sol, en train de se morfondre, une douce main vient toucher son épaule. Bangchan tourne légèrement la tête, et découvre une sublime main, des doigts fins, une peu très claire, et un ongle légèrement cassé. 

Un ongle cassé ?

Bangchan se relève soudainement, et se tourne vers la personne qui vient de le toucher.

C'est un jeune homme, d'environ son âge. Ses cheveux sont mis longs, son visage est fin et avenant, sa bouche est petite, ses cils fortement recourbés. Son visage est parfait, son corps est parfait.

C'est ce que Bangchan pense quand il le voit, à ce moment là. 

Il est... tellement beau. 

C'est lui.

Bien sûr que c'est lui.

Bangchan lui sourit, et le jeune homme lui sourit en retour. Puis, il se tourne, et s'en va en marchant, traverse la basse-cour, la Grande Arche en bois et s'en va, dans le village. 

Bangchan reste là, plante, bouche bée. 

Il est là. 

Celui qu'il a toujours attendu.

Celui qu'il a passé sa vie à imaginer, a créer. 

Il était là, devant ses yeux. 

Depuis ce jours, Bangchan attend, du haut de sa tour, de ré apercevoir ce bel homme. Comme une princesse qui attendrait son prince.

Et chaque jour, le jeune homme apparaît, quelques minutes, au milieu de la basse cour. Le temps de livrer du foin, et de sourire à Bangchan.

Bangchan a arrêté la sculpture, il est allé voir le roi et celui ci a fait de lui un chevalier. 

Il fait ce qu'on lui demande de faire, il joue son rôle, parce qu'il sait, au fond de lui,

Qu'il est là. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top