Tâche (duty, dovere) : activité ou un travail à faire.
Vasch ne savait pas comment ni quand son cœur avait commencé à agir de la sorte. Ce dernier semblait défaillir, avoir une vitesse inégale, et lui donnaient presque le tournis. Presque : il ne fallait pas qu'il fasse autre chose que ce qu'il avait toujours fait chez les Vargas, monter la garde. Cela faisait un bon bout de temps qu'il était là, mais il ne l'avait pas vraiment vu passer, s'il devait être honnête et terre à terre avec qui que ce soit. Le seul paramètre qui pouvait être croissant dans ladite période était son avis du cadet de la famille, Féliciano. La vingtaine, l'air jovial et beaucoup trop empathique. Le garde ressentait l'envie de le protéger, depuis qu'il avait remarqué cette "qualité" à double tranchant. C'était normal ! Au vu de comment il agissait, l'autre semblait tout le temps à deux doigts de se faire manger tout cru par des idiots profitant de sa candeur... Et puis c'était son travail, par extension : rien d'anormal là-dedans.
Ce qui était cependant plus incongru était que le brun lui faisait des remarques fantômes, balançait des compliments tendres, dans la chambre qu'ils partageaient et, depuis un moment, pendant qu'il rangeait, le veilleur les entendait (enfin). Ce n'était que des petits bouts d'éloges, et le garde s'obstinait à penser qu'ils provenaient simplement de ses roucoulements du jour ou pire, que ce n'était qu'un fichu entraînement pour ensuite draguer en ville et tester la éloquence de ses mots. Jamais, au grand jamais il n'aurait pu penser que les "tu es mignon aujourd'hui", les "tu sens bon" ou autres "ton pantalon te va bien" sifflés ne lui étaient intimement destinés. Il se détachait si rapidement du suisse, une fois le nez dehors, c'est à ne plus comprendre ! À part pour l'helvète qui savait comment se convaincre de choses auto-étiquetées "logiques".
En n'oubliant pas, qu'au plus profond de son cœur, (même s'il lui fallait un énorme contrôle de lui-même pour rester stoïque), ces remarques lui faisaient quelque chose, il laissait cependant un silence dans le dortoir. Mais le garçon taciturne et peu enclin à la discussion avait vite compris que le plus guilleret détestait les silences, beaucoup trop angoissants et mornes pour lui. Il pouvait le comprendre et compatir comme il se débrouillait, d'un coup d'œil, mais pas partager son point de vue. Quoi raconter à un vénitien qui doit sans doute avoir des ami(e)s, conquêtes et une vie en général beaucoup plus intéressante que les mots que le plus petit peinait à articuler, à n'importe qui et n'importe où ? Ce n'était pas la peine de s'y casser les dents et de mordre la poussière et... de ne plus avoir de petites attentions.
Des petites choses discrètes, le blond en faisait quelquefois, une fois ou deux pour combler un creux dans son horaire et souvent pour sauver la mise au méditerranéen, notamment avec la famille de ce dernier que le côté étourdi n'arrangeait pas. Lui préparer un tupperware pour ne pas qu'il ne rate son pique-nique, repasser une chemise pour pas qu'il ne se prenne de remarque sur son habillement... C'était simplement la tâche de l'employé modèle, humble et droit qu'il était et avait toujours été.
Féliciano le remerciait à chaque fois (enfin, quand il remarquait) à vive voix, enjoué et sérieusement flatté, touché et apaisé, ou du moins quelque chose du genre. Ça valait toujours la peine si c'était pour ne pas voir le sourire du tête en l'air s'estomper.
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Et puis vint une journée qui ressemblait à toutes les autres, où, un peu trop silencieux pendant quelques minutes, ce qui avait intrigué une parcelle de la cervelle de Vasch, l'italien s'était finalement logé dans le dos de l'employé nettoyant une étagère dans leur dortoir (garder la partie de l'autre jeune adulte, en priorité, rangée, était aussi totalement professionnel). Comment est-ce que c'était, déjà ? Un câlin. Une accolade. Pas quelque chose qu'on fait à un garde beaucoup trop coincé, voyons ! Néanmoins, remarquer les joues du bronzé dans son cou fit sursauter ledit coincé. Un peu brusque, il ne fit cependant rien, restant stoïque, comme toujours. Le brun débitait beaucoup trop de paroles sans même les autocensurer. Ses lèvres actives, à leur paroxysme, semblaient brûlantes, de potins, banalités ou de la chaleur évidente et naturelle de sa peau dont Vasch avait la preuve, et puis il eut un frisson. Lui qui craignait nuit et jour que quelqu'un ne fasse qu'une bouchée de l'autre moulin à parole, il eut brusquement envie d'être vorace. Inquiétant. Anormal. Alerte rouge.
- Eh, tu ne veux plus m'écouter ? Tout va bien ? Je suis ennuyeux ? Tu n'aimes pas mes câlins ?
L'italien était souvent angoissé, anxieux et apeuré par les autres. Vouloir rendre tout le monde heureux le rendait encore plus vulnérable : le blond, faisait une tête de moins que l'autre, eut la chair de poule, discrètement dissimulée sous ses habits. Un mouvement de tête négatif, virant presque sur le neutre, pouvant être traduit en mots par "fait ce que tu veux", apaisa l'intrus assez tactile.
Est-ce que le suisse se mettait à rivaliser avec le prédateur, niveau température ? Quelle catastrophe ! Il agrippa ses flancs, effleurant les mains fines de l'autre, tentant de se calmer. Il devait rester imperméable ! Tout ce baratin allait le faire fondre comme du métal brut pour le malaxer à sa guise. Féliciano se fichait sans doute de sa poire et ce n'était que pour le manipuler et mettre le blond dans une mauvaise posture, le rendre coupable, rien d'autre ! Mais il n'arrivait pas à lui en vouloir, mais à s'en vouloir. Ciel, il virait zinzin. Mais ce n'était pas de sa faute, c'était juste son travail, sa tâche ici.
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Est-ce que ce câlin lui servait de salaire immédiat, rendant ses journées un peu moins mornes ? Même deux heures après, affalé dans son lit et brouillé par l'insomnie, son cœur déjà galvanisé depuis bien longtemps mais se refroidissant à nouveau, après être passé plus proche du feu qu'il ne l'ait jamais été, il n'en savait rien. Quel idiot de travail, idiotes de pensées et idiot de Fé... Non, vraiment, ça sonnait trop mal. Et ce serait un risque de perdre son travail et ses contacts avec celui qu'il s'apprêtait à insulter : quel comble.
Le mot qui pourrait définir leur relation, enfin, ce sentiment étripant le plus petit à la moelle sonnait tout autant comme des ongles contre de l'ardoise : ce serait une raison stupide de mordre la poussière que de chercher plus loin, même si les souvenirs des bras brasiers sculptant sa chair et de son cou habile contre le derrière de sa tête rendaient l'oreiller du garde mille fois plus agréable.
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