Chapitre 2:
Corrigé ✅
Gabriel :
<Maman>
« J'ai une intervention d'urgence
programmée pour ce soir.
Je ne rentrerais pas cette nuit,
désolé mon ange. Je t'aime. »
J'adore ma mère, réellement. Elle est l'une des personnes les plus importantes de ma vie mais là tout de suite, son message me donne envie de jeter mon portable contre le mur, et je suis quelqu'un de très calme généralement. Je ne l'ai pas vu depuis trois jours ! Je sais qu'être chef du service de cardiologie est un métier très prenant mais quelque fois, elle oublie qu'elle a un fils. Je ne vois déjà pas souvent mon père, vu qu'il est militaire et qu'il est tout le temps en mission. J'ai besoin de mes parents, je n'ai que 17 ans. Je vis seul, étant fils unique.
Heureusement que j'ai le tutorat après les cours. Cela occupera déjà un peu mon après-midi, même si à 17h c'est terminé. Je me ferais une soirée canapé/télé, ou je commencerais la lecture « Les Hauts des Hurlevents ». Nous avons trois semaines pour le lire mais je préfère prendre de l'avance.
Je range mon téléphone dans la poche de mon jeans et reprends mon déjeuner. Je me reconnecte dans la conversation de mes amis. Emma et Arthur que je connais depuis la primaire, nous avons toujours été tous les trois. Ils sont les seuls à être restés auprès de moi, lorsque j'ai avoué préférer les hommes, tous les autres amis que j'avais m'ont tourné le dos. Les autres personnes à notre table sont des amis que nous avons rencontré à notre arrivé au lycée.
- Bon les gars, je vais organiser une fête ce week-end. Mes parents ne sont pas là et je pensais inviter les gens de la classe d'anglais, pour que tout le monde apprenne à se connaître et pour que les nouveaux s'intègrent. Vous en pensez quoi ? nous demande James, un pote de classe depuis la première.
- Oh ouais super idée ! s'exclame Arthur.
- Toutes idées pour faire la fête est super pour toi ! le charrie Emma.
Je rigole doucement. Ces deux-là sont comme chien et chat, ils passent leurs temps à se taquiner mais je les adore, ils embellissent ma vie. Je n'exagère pas. Le débat entre eux dure encore quelques minutes. Il est vrai qu'Arthur aime faire la fête et que n'importe quelle occasion est bonne pour aller s'amuser. Emma est plus « sage » mais elle nous suit pour ne pas nous laisser seuls. Elle est un peu comme une seconde maman, elle est là pour s'assurer qu'aucun de nous ne fasse de bêtises.
- Tu peux compter sur moi, c'est une super idée. Autant que tout le monde s'entende bien, c'est notre dernière année ! je réponds à James.
- Parfait ! C'est samedi soir, je vous donnerais les détails dans la semaine.
Le reste du repas se passe dans la bonne humeur. J'aime être entouré de ces personnes. Après ma quatrième au collège, je ne faisais plus confiance en personne, j'ai été trahi par beaucoup d'amis. La plupart n'ont pas vraiment toléré mon orientation sexuelle. J'ai d'ailleurs subi des moqueries, des blagues douteuses, de l'intimidation et parfois même des humiliations publics mais du jour au lendemain tout c'est arrêté, sans que je ne sache pourquoi. Cette peur de revivre tout ça ne m'a jamais vraiment quitté. Une personne peut prétendre t'apprécier, rigoler et passer du temps avec toi mais d'un seul coup elle peut se retourner contre toi. Je reste sur mes gardes lors de mes nouvelles rencontres.
En sortant du self, je passe à mon casier récupérer mon sac. Emma et Arthur m'accompagnent. Nous nous séparons jamais, sauf quand Emma doit aller aux toilettes et encore, une fois elle m'a forcé à la suivre parce qu'elle me racontait une histoire et qu'elle ne pouvait pas attendre pour me dire la suite. Cette fille est adorable mais folle.
- C'est aujourd'hui que tu dois aller voir Mr Jonhsens pour ton tutorat ? me demande Arthur.
- Oui. On doit finir de répartir les tuteurs et les jours où ils sont disponible avec les élèves qui ont besoin d'aide. Mais nous n'avons pas beaucoup de tuteurs volontaires cette année, alors je pense que ça va me prendre pas mal de mon temps, j'espère...
- Ok, je t'arrête là avant d'avoir le droit à un discours à la Gabriel Arleins. Je te demandais juste une réponse simple, du style oui ou non, me coupe Arthur.
C'est vrai que j'ai souvent tendance à partir dans des explications interminables qui endorment les gens. Mon ex me l'a souvent reproché. C'est peut-être pour cela qu'il m'a trompé d'ailleurs. Je devais surement le souler à force de parler.
- Pardon, je ne le fais pas exprès, je m'excuse en me pinçant les lèvres pour ne pas ajouter autre chose.
- Enfin bref, souffle Emma en rigolant. Tu as pris quel jour cette année ?
- Le mardi et le jeudi normalement mais je pense devoir en prendre plus vu que... je ne continue pas ma phrase, j'allais encore diverger.
- Je ne comprends pas pourquoi tu t'es proposé pour un truc pareil. Tu n'es même pas payé, se lamente Arthur une fois de plus sur ce sujet.
- C'est le principe du volontariat Arthur ! le reprend Emma exaspérée.
Je ferme mon casier, avant de trainer mes deux meilleurs amis pour nos cours de l'après-midi. Je ne sais pas qui je dois remercier pour nous avoir mis tous les trois dans les mêmes cours cette année encore. Plus qu'un an et après l'université, j'ai tellement hâte.
À la fin des cours, je salue Arthur et Emma puis je me dirige vers le bureau de Mr Jonhsens, c'est le professeur responsable de notre groupe de soutien. Il gère toute la paperasse, le planning et il supervise le déroulement des études. Comme cette année je suis en terminale et que je fais parti des meilleurs élèves, il m'a demandé d'être responsable avec lui, je n'ai pas pu refuser.
Je toque à la porte de son bureau, j'entends sa voix me dire d'entrer.
- Re-bonjour Monsieur, je le salue poliment en entrant et je m'installe dans le fauteuil en face de lui.
- Gabriel, j'ai trouvé un nouvel élève pour nous aider et il doit arriver, m'annonce-t-il fièrement.
Au même moment, nous entendons trois petits coups frappés à la porte, curieux je me tourne face à elle.
- Entrez Hayden.
Je manque de m'étouffer avec ma salive. Hayden comme Hayden Spence ? Mes doutes sont vite confirmés, lorsque je le vois entrer dans la pièce. Je tourne vite la tête pour ne pas croiser son regard. Son expression est neutre comme tout le temps. Moi, je me force à garder mon sourire.
À son tour, il salue notre professeur et vient s'assoir à côté de moi, avec son attitude nonchalante. Je me sens mal à l'aise. Je connais ce mec depuis l'école primaire, enfin connaître est un bien grand mot. Il habite la maison en face de la mienne, nous avons toujours été dans les mêmes établissements scolaires. Nos pères travaillent dans la même base militaire mais nous nous sommes jamais adressés la parole de notre vie. C'est légèrement gênant. Surtout si je compte l'énorme coup de foudre que j'ai eu pour lui au collège. Je croise les doigts pour ne pas rougir.
- Je suppose que vous vous connaissez tous les deux ? nous demande Mr Jonhsens.
- Oui. Hayden et moi répondons en même temps et cette fois je le sens, mes joues sont brulantes.
- Bien, comme je vous l'ai dit tout à l'heure Hayden, votre aide nous serait précieuse.
J'écoute d'une oreille discrète Mr J. expliquer à mon camarade le fonctionnement du tutorat. Je regarde du coin de l'œil Hayden, il ne parle pas, il se contente de hocher la tête pour montrer qu'il écoute et comprend. Je sais que c'est un élève brillant, qu'il est le meilleur du lycée. Sous ses airs de mauvais garçon avec ses cheveux noir corbeaux, ces piercings aux oreilles, ses tatouages (oui je sais qu'il en possède un au poignet et un autre sur la poitrine, que j'ai pu voir dans les vestiaires). Ainsi que ses vêtements sombre, il porte tout le temps des pantalons noirs avec des Dc Marteens, on ne se douterait pas qu'il possède un QI plus élevé que la moyenne. D'où je détiens cette information ? De mon père qui le sait de celui de Hayden.
- Gabriel, m'interpelle Mr J. Vous donnerez le planning pour les répartitions des cours à Hayden. Nous allons devoir vous rajoutez un jour de plus à tous les deux, cela vous dérange-t-il ? nous demande le professeur gentiment.
- Non absolument pas, je lui réponds en souriant, je ne sais pas dire non au gens.
Hayden secoue négativement la tête, il ne parle pas ou quoi ? Enfin je suis au courant que ce n'est pas le mec le plus bavard du coin mais tout de même, un peu de respect envers notre professeur. Monsieur Jonhsens semble ravi de cette nouvelle.Finalement, il nous donne à tous les deux, le fameux planning avec les élèves que nous allons devoir prendre en charge, à quelle heure et quels jours. En regardant de plus près, ils n'y a pas tant d'inscrits que ça. Très bien, je n'aurais pas à le donner à Hayden et lui parler! Je sais, je suis lâche.
- Parfait. Je vous remercie infiniment pour vous être porté volontaires. Je sais que cela prend du temps, surtout que vous êtes en terminale mais certains élèves ont besoin d'aide pour comprendre et travailler leurs cours. Nous trouverons une façon de vous remercier.
- Monsieur Jonhsens, excusez-moi mais personnellement je ne fais pas ça pour avoir un quelconque remerciement. Je le fais de bon cœur, je le coupe mais il doit comprendre que je ne le fais pas pour avoir quelque chose en échange, j'adore donner des cours et aider les autres.
- Pareil pour moi, annonce Hayden. Miracle, il a parlé !
J'essaye de rester impassible face à son intervention mais mon corps s'est crispé, mes mains ont arrêté de bouger et je me force à ne pas le regarder. Cela fait bien longtemps que je n'avais pas entendu sa voix. Elle est devenue grave, pleine d'assurance, elle déclenche un frisson le long de ma colonne vertébrale.
Monsieur Jonhsens nous donne rendez-vous demain, mardi, à la bibliothèque pour les premiers cours de l'année. Hayden et moi, nous nous s'occupons des premières après 15h30. Notre professeur nous congédie de son bureau. Je récupère mon sac la main tremblante, c'est quoi ces réactions depuis tout à l'heure ? Jamais mon corps ne m'a fait une chose pareille. Je sens Hayden me suivre lorsque je sors. Il ferme la porte derrière nous. Je devrais lui dire quelque chose non ?
Je me retourne mais Hayden commence déjà à prendre la direction de la sortie du lycée. Je lui cours après. Carrément stupide Gabriel, vraiment.
- Attends ! je lui crie en retenant son bras. Je le sens se raidir, alors je le lâche tout de suite.
Il me regarde surpris et m'intime silencieusement de continuer. Je me racle la gorge, cherchant mes mots. Depuis quand je reste sans voix face à quelqu'un ? Bon Hayden peut être assez intimident mais tout de même. Je mets précipitamment mes mains dans mes poches, pour ne pas qu'il les voit trembler comme des feuilles.
- Oui ?
- Heu... Je... C'est gentil d'avoir accepté... pour... heu... le tutorat, oh mon Dieu la honte, je n'ai jamais autant bégayé de toute ma vie. C'était quoi ça ?!
- Oh, de rien. J'aime bien aider les autres, sa réponse et surtout le son de sa voix me font presque regretté de lui avoir posé une question.
Sa réponse me surprend un peu et il doit le voir sur mon visage car il semble se vexer pendant une seconde. Je le juge surement trop vite mais il ne donne pas cette impression. Je veux dire, de s'intéresser aux autres plus qu'à lui-même. Je n'aime pas cataloguer les gens sans les connaitre et ce n'est pas parce que je vois cette homme depuis la primaire que je le connais personnellement.
Il commence à faire demi-tour mais je culpabilise de lui avoir fait penser une telle chose, alors je le retiens une seconde fois.
- Tu veux que je te raccompagne ? Tu sais comme on habite dans la même rue et tout ça. Et puis il n'y a plus de bus à cette heure-ci, je lui demande hésitant, mais je suis épaté d'avoir sorti une phrase entière sans bloquer sur chaque mot.
- Je suis venu en voiture.
Froid, clair et précis. Je n'ai plus d'excuse pour le retenir. Il part sans se retourner, je le suis du regard traverser le parking. Je ne dois surtout pas retomber là-dedans, je ne veux pas souffrir de nouveau, comme lorsque ces amis se moquaient de moi.
Il n'a jamais participé aux humiliations que l'on m'infligeait et il ne parle plus à ces amis de l'époque mais j'ai peur. Je suis toujours resté à une distance raisonnable de lui pour ne pas replonger. Lui et moi, nous sommes trop différent. Je suis quelqu'un de joyeux, j'aime rire et déconner mais lui c'est tout le contraire, je ne le vois jamais sourire, je ne l'ai jamais vu aux soirées. Je dois garder ça en tête. C'est ce que je me disais à l'époque du collège, pour me défaire de lui, et ce que me répétait Emma.
Je souffle un bon coup et pars à ma voiture. Je mets la musique à fond pour masquer mes propres pensées. Je me gare devant chez moi. Avant de descendre je ne peux pas m'empêcher de regarder la maison d'en face, il n'est pas rentré.
Je jette mon sac dans le hall, à peine passé la porte d'entrée. La solitude me submerge, ma mère me manque, mon père me manque. Parfois j'aimerais que quelqu'un me prenne dans ses bras et me dise que je ne suis pas tout seul, que je n'ai rien à craindre. Je secoue la tête. Je ne suis pas à plaindre, j'ai deux amis extraordinaires, je suis bien entouré au lycée. Je sais que mes parents m'aiment, même si ils ne sont pas souvent présents. Il y a pire que moi.
Je sors mon téléphone et réponds, enfin à ma mère, je ne peux pas me permettre de l'inquiéter.
<Moi>
« D'accord, pas de soucis.
Bon courage à toi maman,
t'es la meilleure des cardiologues !
Tu me manque, je t'aime »
MlleLovegood
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