Chapitre 1: Je serai là

Lundi 3 Septembre 2018

Louis:

La pluie tombe à flot contre la vitre de ma fenêtre. Le temps maussade reflète tout à fait mon humeur. Je tourne les yeux vers mon réveil, 5:25. Encore une nuit blanche. Je pousse un long soupire. Je n'ai aucune envie de retourner au lycée. Je n'ai plus l'envie de rien d'ailleurs.

La vibration de mon portable dans mes mains, me fait légèrement sursauter. Je fronce les sourcils en voyant l'expéditeur du message. Qu'est-ce qu'il fait déjà levé ? En fait, je ne préfère pas savoir.

<Hayden>:
« Tu as intérêt d'aller au lycée,
c'est la rentrée.
De toute façon,
j'appellerais pour savoir. »

Deuxième soupire d'exaspération. Je n'ai pas besoin d'être materné comme ça. Il est clair que je comptais passer cette journée enfermé dans ma chambre. Malheureusement j'ai promis à Hugo de réussir mes études.

Les larmes me montent aux yeux en pensant à mon frère. Il aurait dû rentrer en deuxième année à la fac, en licence de droit. Chienne de vie ! Je renifle et pince ma lèvre inférieure pour retenir mes larmes.

Vu l'heure plutôt matinale, Hayden devrait dormir, au lieu de me surveiller même à plusieurs kilomètres. Il devrait préparer son entrée à la fac et s'occuper de son mari. Malgré mes protestations intérieures, je lui réponds.

<Moi>:
« Oui papa, ne t'inquiète pas. »

J'ouvre ma fenêtre et m'allume une clope. Je tire dessus et recrache la fumée dehors. Quelques gouttes d'eau rentre dans ma chambre et mouille mon survêtement. Je sais que ce que je suis en train de faire est complètement stupide et hypocrite mais j'ai mes raisons.

Nouvelle vibration, la réponse d'Hayden ne met pas longtemps à arriver.

<Hayden>:
« Tu es déjà réveillé ?
N'oublis pas ce que je t'ai dis,
s'il se passe quoi que ce soit,
tu m'appelles. »

<Moi>:
« Oui PAPA. »

Je verrouille mon portable. Je n'ai plus vraiment le choix à présent, je dois aller au lycée. Hayden est tout à fait capable d'appeler le proviseur pour savoir si je suis bien allé en cours.

Je ne veux pas sortir de cette pièce. Je ne veux pas reprendre un semblant de vie. Je ne veux pas retrouver mes camarades. Je ne veux plus rien. Sauf rejoindre Hugo. Il me manque.

Mes yeux sont attirés par le papier accroché au dessus de mon lit. C'est mon frère qui l'a mis là, c'est la seule raison pour laquelle je ne l'ai pas encore enlevé. C'est une liste de ce que je dois accomplir. Je la connais par coeur à force de l'avoir lu et relu. C'est l'écriture de Hugo, alors à travers ce simple bout de papier, j'ai l'impression de communiquer avec lui. Le premier point est écrit en majuscule et souligner:

1: AVOIR TON DIPLOME !

Je ne peux pas le décevoir, c'est inconcevable. Mais je me sens tellement mal d'avoir la chance de préparer mon futur. Un futur dans lequel la personne la plus importante de ma vie n'en fera pas parti. Je ne devrais pas avoir le droit.

Je lui ai promis. Juré que j'accomplirais tous les points de cette fichue liste. Je m'essuie les joues baignées de larmes. Encore une promesse que je ne tiendrais pas. Je ne suis pas assez solide moralement pour bloquer mes émotions.

Je finis par descendre du rebord de ma fenêtre. J'attrape un caleçon propre dans mon placard et file à la salle de bain. Plus tôt j'y vais et moins je de risque de croiser mes parents. C'est ce qu'on fait depuis deux mois, nous nous évitons. Nous ne sommes plus une famille. Juste des étrangers vivant sous le même toit. Sans Hugo nous ne sommes plus rien.

Je reste sous le jet d'eau dans l'espoir qu'elle noie mon malheur. Elle se mélange à l'eau salée qui coule sur mon visage. Je sens mon coeur se serrer dans ma poitrine. C'est douloureux. Comme l'absence de mon grand-frère.

Je pose mes mains contre le carrelage de la douche en inspirant et expirant plusieurs fois. Cet exercice permet d'anticiper et de calmer les crises d'angoisse. C'est Hayden qui me l'a appris. Après quelques minutes, je reprends une respiration normal.

De retour dans ma chambre, je m'habille avec les premiers vêtements que je trouve. De toute façon ce n'est pas comme si les gens allaient me remarquer. Je suis invisible, le gars qui se fond dans la masse. Je ne suis que Louis Hamilton, celui qui n'a pas d'amis, que personne ne connait. Le mec dont le grand frère est mort d'une leucémie. Il me faut une autre cigarette.

Je jette mes cahiers dans mon sac et sors de mon antre. Flor, notre labrador, est une fois de plus couchée devant la porte de Hugo. Le pieu dans mon coeur s'enfonce un peu plus profondément.

    Ne surtout pas pleurer, ne surtout pas pleurer, ne surtout pas pleurer.

J'avale difficilement ma salive. Je descends les escaliers en essayant de faire abstraction des gémissements de notre chienne. Hugo lui manque aussi.

Comme prévu, mes parents ne sont pas là. Honnêtement je ne sais même pas si ils sont à la maison. Je prends une pomme que je mangerais plus tard. Je suis incapable d'avaler un petit déjeuner. Je quitte cette demeure sans âme.

Je rabats ma capuche sur ma tête pour tenter de me protéger de la pluie. Je préfère marcher. Je ne veux pas prendre le bus et devoir me retrouver au milieu de gens. Je vais certainement finir trempé avant d'arrivé au lycée, mais c'est toujours mieux que le bain de foule.

Une boule se forme dans ma gorge au fur et à mesure que j'approche du lycée.  Je baisse la tête en traversant la cour. Je fixe le sol tout en marchant jusqu'à mon casier. J'accroche ma veste à l'intérieur.

Je sens des regards sur moi, ce qui me mets très mal à l'aise. Peut-être que je suis paranoïaque mais j'ai cette désagréable sensation d'être observé. Je me crispe en voyant Anna arriver à mes côtés.

C'est l'une des rares personnes à qui je parle. Je ne sais pas si je peux la considérer comme une amie mais elle est ce qui s'en rapproche le plus. Je ne lui ai pas reparler depuis la fin des cours, au mois de juin. Pour être exacte, je l'ai ignoré tout l'été.

- Salut Louis, dit-elle.

Je serre les dents à l'entente de sa voix mielleuse et hésitante. Je peux voir d'ici qu'elle prend des pincettes pour me parler. Et je déteste ça. Au moins, elle a la décence de ne pas me demander comment je vais. Je fais un mouvement de tête pour la saluer à mon tour.

Je me sens oppressé. J'entends des murmures dans mon dos. Pour occuper mes mains qui tremblent, je vide quelques affaires dans mon casier.

- J'ai essayé de te joindre tout l'été, reprend-t-elle face à mon silence.

Je ne réponds pas. La raison de mon absence est pourtant évidente. Je l'entends vaguement soupirer.

- Je m'inquiétais pour toi. Tu peux me parler Louis, continue-t-elle.

Je ne sais pas pourquoi elle insiste autant avec moi. Je ne suis pas ce qu'on peut qualifier d'un ami pour elle. La plus part du temps, elle parle et je l'écoute. Je ne lui avais même pas dis pour Hugo. Elle l'a appris en venant chez moi pour un devoir.

- Très bien, je veux juste que tu saches que je suis là pour toi, enchaine-t-elle.

Anna pose sa main sur mon bras d'une façon réconfortante. Je suis absolument affreux avec elle mais je ne suis vraiment pas d'humeur. J'ai la gorge nouée depuis mon arrivé. Aucun mot ne franchirait la barrière de mes lèvres. Je n'ai pas eu de vrai conversations avec quelqu'un depuis des semaines. Mise à part Hayden et Gabriel.

Je finis par hocher la tête. Anna me prend brièvement dans ses bras.

- On se retrouve en classe, déclare-t-elle avant de partir.

Je ferme mon casier la main tremblante. Je vais craquer, je le sens. Je ne veux surtout pas éclater en sanglots en plein milieu du lycée. Je marche avec détermination pour aller jusqu'aux toilettes. Bien évidement je garde la tête baissée. Je ne veux pas croiser le regard de qui que ce soit. 

Quelqu'un bouscule mon épaule. En me retournant je reconnais un mec qui était en cours de math avec moi l'année dernière.

- Oh pardon Louis, je ne t'avais pas vu, commence-t-il.

Je hausse les épaules et m'apprête à continuer mon chemin mais il me bloque.

- J'ai appris pour ton frère, je suis désolé, dit-il d'une voix hésitante.

Les larmes que je retiens menacent de tomber. C'est exactement ce que je voulais éviter. La pitié des gens. Ils veulent se montrer compatissant mais ils n'ont absolument aucune putain d'idée de ce que je suis en train de vivre. Surtout que ce gars ne m'a jamais adressé la parole en un ans. Alors pourquoi se sent-il obligé de me dire ça ?

Je serre les dents et dégage mon épaule de son emprise. Je reprends ma route. Dans les couloirs j'entends encore des murmures sur mon passage. Je n'étais pas prêts pour ça. Je perçois très clairement une fille lancer «regarde, c'est lui dont le frère est mort cet été».

Voilà comment les gens me voient, comme le mec qui a perdu son grand frère. Qu'ils ferment tous leurs gueules ! Ils ne connaissaient même pas Hugo. D'ailleurs comment la nouvelle leur est parvenue ?

Je serre les poings en entendant une autre personne dire « son frère est mort d'une leucémie, ça craint ». Je mords ma lèvre pour retenir un sanglot. Pitié, qu'ils se taisent tous.

Je claque la porte des toilettes. La voix a l'air libre. Je m'agrippe au lavabo, au point de m'en faire blanchir les phalanges. Je fais l'erreur de lever les yeux. Mon reflet me renvoie une image à faire peur.

J'ai d'énormes cernes sous les paupières. Mon teint est si blanc qu'on voit toutes mes veines. Mes pupilles marron n'ont aucuns éclats, elles sont vides de vie et rouges sang. Comme tout le reste de mon âme. Mes joues sont rougis à force d'avoir trop pleuré. Mes cheveux brun sont ternes et pas coiffés. Bref, je fais vraiment peine à voir.

Qu'est-ce que je fais ici ? Hugo je t'en supplie dis-moi quoi faire. Je suis perdu, j'ai besoin de toi.
            J'ai l'impression de mourir de l'intérieur. Je ne suis qu'une coquille vide. J'ai mal, tellement mal que je peux à peine respirer.

Des perles salées inondent mon visage. Je veux remonter le temps. Je veux que Hugo soit encore parmi nous. Je veux qu'il me prenne dans ses bras pour me dire que tout ira bien. Comme il le faisait avant.

Mon coeur se comprime dans ma poitrine. Mes poumons me font souffrir. Je n'arrive plus à respirer, mes jambes flageolent. Je me laisse tomber par terre. Mon corps bascule d'avant en arrière, inlassablement. Je ne contrôle plus rien. 

J'essaye d'appliquer la méthode que Hayden m'a donné mais je n'y arrive pas. Ma respiration est trop bloquée. La tête me tourne.

Mes mains sont tellement crispées autour de mes jambes que je ne parviens pas à récupérer mon portable. J'aurais du appeler mon père de substitution quand j'ai senti la crise venir.

Je ne réagis pas lorsque la porte s'ouvre. Je ne réagis pas non plus lorsqu'une main se pose dans mon dos. Ma vue est brouillée par mes larmes, je ne vois pas qui est devant moi. Une voix lointaine raisonne dans la pièce mais je ne l'entends pas.

D'un seul coup, je me sens pousser contre un corps et des bras passer autour de moi, pour me serrer avec force. Mon oreille est posée contre un coeur qui bat fort. Je me concentre dessus.

Après ce qui me parait être des heures, ma respiration se fait plus régulière. Mon cerveau se re-connecte à la réalité. Comprenant la situation, je me recule en sursaut des bras puissants qui me tenaient.

Un garçon est assit sur le sol à mes côtés. Il est plus grand que moi et assez musclé. Les cheveux châtains. Des yeux marron et un sourire qui me paralyse.

- Noah, lâche-t-il naturellement comme si rien ne s'était passé.

Je ne réponds pas. Je m'essuie les joues avec mes manches. J'expire longuement pour finir de me calmer complètement. Le mec vient de me voir en pleine crise de panique et il agit comme si tout était normal. Je suis au summum de ma gêne.

- Je voulais t'aider, ta crise avait l'air assez importante, continue-t-il.

    Tu n'as pas besoin de le préciser connard, je le sais ! Sa voix rassurante et joyeuse me donne envie de le frapper. Surtout sa gentillesse et son non-jugement. Il aurait tout aussi bien fait de me laisser là.

Je ne le connais pas en plus. Je sais que je l'ai déjà vu quelque part mais je n'arrive pas à me le remettre. Je fixe le sol alors que je le sens me scruter.

- Dis-moi au moins si tu vas mieux ? me demande-t-il avec cette foutu intonation de mec bienveillant.

Je ne peux pas affronter son regard, pas moyen. Je me relève en vitesse et sors des toilettes, les jambes tremblantes, sans me retourner. Je l'entends crier en passant la porte.

- Attends !

J'accélère mon rythme pour le fuir. Je me plante dans un coin et récupère mon portable. Je ne resterais pas une minute de plus ici. Mon coeur s'accélère en voyant un message et d'autres larmes s'échappent.

<Hugo>:
« J'ai pré-programmer ce message
pour le jour de ta rentrée.
J'ai demandé à maman de ne pas
couper ma ligne téléphonique
tout de suite, pour que tu puisse le recevoir. 
Tu vas y arriver Louis, je le sais.
Je crois en toi.
Tu dois profiter de ta dernière année au lycée.
Elle va être l'une des plus importante de ta vie.
Continue les activités que tu faisais,
comme le journalisme. Je sais que tu adore ça.
Ne repousse pas les gens qui essayent de t'aider.
Ouvre ton coeur. Il est ce qu'il y a de plus beau.
Tu es une personne extraordinaire,
laisse les autres le voir aussi. 
Je te protégerais toujours petit frère,
même de là où je suis.
Je suis fière de toi Louis.
N'oublie jamais que je t'aime plus que tout au monde. »

MlleLovegood

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