ᴄʜᴀᴘɪᴛʀᴇ ⁴ : ᴄᴏɴɴᴏʀ 🏒

3 janvier 2022, Patinoire, 13h05


— Tu sais qui est cette fille ? demande Austin en plissant les yeux vers la patinoire.

— Pas vraiment, mais on va sûrement le découvrir bientôt, répondis-je en haussant les épaules.

Je mens. Évidemment que je me souviens d'elle, mais je préfère ne rien dire pour l'instant. Le coach nous fait signe de nous approcher.

— Oui, coach ! répondons-nous en chœur.

— L'un de vous deux serait intéressé pour patiner en couple avec la jeune femme que vous avez vue ? C'est une championne universitaire et...

— Hope Smith, intervient Austin, coupant le coach.

Je me tourne vers lui, surpris. Il ne savait même pas qui elle était il y a deux minutes. Le coach continue :

— Exactement. Tu la connais, Roy ?

— De nom. Elle patinait avec Owen... je ne me rappelle plus son nom de famille, admet-il.

Je suis de plus en plus perplexe. Depuis quand Austin s'intéresse-t-il au patinage artistique ? Ça n'a jamais été son truc.

— Elle aimerait que l'un de vous deux patine avec elle, explique le coach.

— Hors de question, répondis-je catégoriquement. Le hockey est ma priorité.

Je n'ai rien contre elle, elle a l'air sympa. Mais je ne peux pas me permettre de m'éparpiller, surtout après l'erreur que j'ai faite lors du dernier match.

— Idem, ajoute Austin.

Le coach me lance un regard perçant. Oh non, je sens venir le coup. Il va m'obliger à accepter. Il veut que je me rachète pour cette bagarre qui m'a valu une suspension de deux matchs.


Le match est tendu depuis le coup de sifflet initial. L'atmosphère est électrique, et chaque contact sur la glace semble déclencher une nouvelle vague de frustration chez les deux équipes. C'est le troisième tiers-temps, on mène d'un but, mais l'adversaire nous pousse dans nos retranchements.

Je patine à toute vitesse, le palet collé à ma crosse, je slalome entre deux défenseurs, mais je sens leur présence constante, oppressante. Ils sont partout, cherchent à me bloquer à chaque mouvement. Je réussis à passer, mais à peine ai-je relâché la pression que ça dégénère.

Un de leurs gars, ce salaud en numéro 22, me colle violemment contre la balustrade. Le choc me coupe le souffle un instant, mais je me retourne rapidement. Il me nargue avec ce sourire suffisant. Ce genre de coups est clairement un excès de zèle. On sait tous les deux que c'était volontaire, et que le but était de m'intimider. Mais je ne recule devant personne.

Je sens la colère monter. Je serre les dents, et dans un instant de rage, je balance ma crosse au sol. Le son résonne à peine que je me jette sur lui. Mes poings frappent son torse, cherchant à l'atteindre à travers ses protections. Il riposte immédiatement, ses mains agrippant ma chemise alors qu'il tente de me déséquilibrer.

Je lui assène un crochet, puis un autre, cherchant à atteindre son visage. Je touche enfin, et je le vois vaciller. Mais il ne se laisse pas faire. Il se redresse et me frappe au ventre avec une violence inattendue, me coupant une nouvelle fois le souffle. Je recule d'un pas, mais avant même de pouvoir reprendre mon équilibre, il s'élance à nouveau, son casque heurtant mon menton.

Tout autour de nous, c'est le chaos. Le public hurle, mes coéquipiers se rapprochent, prêts à intervenir, mais je suis aveuglé par la rage. Plus rien n'existe que ce type et l'envie de lui faire regretter son geste. Mes poings continuent de voler, mais les arbitres arrivent enfin, sifflent et nous séparent avant que ça ne dégénère encore plus.

Je suis tiré en arrière, respirant difficilement, la mâchoire serrée et le cœur battant à tout rompre. Le coach me fixe, furieux, et je sais que je suis allé trop loin. L'arbitre siffle la fin de mon match. Suspension immédiate.

Je lève les yeux vers le tableau d'affichage. C'est là que ça me frappe. On est toujours en tête, mais ce n'est plus ça qui compte. J'ai laissé tomber l'équipe. Ce n'était pas une simple bagarre, c'était une erreur de plus dans une série de mauvais choix.

Et je vais devoir en payer le prix.


On dirait bien qu'il voit là une opportunité parfaite pour que je fasse amende honorable.

Je retourne sur la glace avec Austin. Je décide de creuser un peu sur son intérêt soudain pour Hope.

— Alors, d'où tu la connais, cette Hope ?

— De la télé, répond-il. Ma cousine regardait ça, et je l'avais déjà vue quand elle a commencé il y a quelques années. Ensuite, je l'ai croisée à l'université, à la patinoire... Mais je n'étais pas sûr que c'était elle.

— Donc, tu savais qui elle était tout à l'heure, mais t'as rien dit ?

— Pas vraiment. Je n'en étais pas certain à cent pour cent. Pourquoi ça t'intéresse autant, d'ailleurs ?

Hope semble plus connue que je ne le pensais. Peut-être que je devrais vraiment m'ouvrir à autre chose que le hockey...

— Je pense que je vais accepter la proposition du coach, dis-je en haussant les épaules.

Austin éclate de rire, patinant de plus en plus vite.

— Attends, attends, Connor Tremblay va vraiment danser sur des patins ? Toi qui ne sais même pas faire un tour sur toi-même sans prendre un panneau ?

Je le poursuis à pleine vitesse, mais notre course est interrompue par la voix autoritaire du coach :

— Tremblay ! Roy ! Sur le banc ! Si vous ne voulez pas travailler sérieusement, vous resterez les quinze dernières minutes assis et je ne veux pas vous entendre !

Je jette un regard noir à Austin avant de m'asseoir sur le banc, bouillonnant. Je n'ai jamais dansé sur des patins de ma vie, sauf peut-être après une victoire... mais je ne pense pas que gesticuler avec l'équipe compte comme de la danse.

Ça va être un rendez-vous intéressant avec le coach. Je sais qu'il veut que je prenne ce projet au sérieux. Et si ça me permet de regagner sa confiance, peut-être que je devrais vraiment considérer l'idée. Et qui sait, je pourrais aussi en apprendre plus sur Hope en chemin.


3 janvier 2022, Bureau du coach, 13h30


— Tremblay, dans mon bureau.

— Oui, coach.

Je me lève, traînant un peu des pieds. C'est pas comme si je ne savais pas ce qui m'attend. J'entre dans le bureau, et comme d'habitude, il me laisse debout. Lui, s'assoit, calmement, avec cette aura d'autorité pesante.

— Connor, Connor, Connor... Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire de toi ? Suspendu sur deux matchs, dont un hyper important. Et en plus, tu te comportes comme un gamin à la fin de l'entraînement avec Austin... J'ai l'impression que tu délaisses l'équipe pour des conneries. Je me trompe ?

— Non, coach. Enfin, si... J'étais juste préoccupé par mes cours, ça n'arrivera plus.

Je mens à moitié. Oui, les cours me prennent la tête, mais la vérité, c'est que je suis perdu. Je me cache derrière cette excuse, espérant qu'il m'accorde un peu de répit.

— J'espère bien, Connor. Parce que la prochaine fois, je serais beaucoup moins clément avec toi.

Son ton est direct, froid. Il me fixe avec cette intensité qui me met mal à l'aise. Je sens mes paumes devenir moites. Je me tiens droit, mais intérieurement, c'est le chaos.

— T'es le capitaine de cette équipe, merde ! Quand on te voit, c'est la réputation de l'équipe qui est en jeu. Et pour être honnête, en ce moment, c'est pas glorieux, si je peux me permettre.

Je hoche la tête en silence. Il se lève pour se servir un café, me tournant le dos, mais il continue de parler, comme s'il voulait que je sente la gravité de chaque mot, même sans me regarder.

— Tu vas aller voir cette fille, Hope, et tu vas accepter de bosser avec elle. T'as pas le choix. Je veux que tu te montres responsable, que tu sois adulte, que tu prennes tes engagements au sérieux. Pour elle, pour nous. Si tu veux prouver que tu peux devenir un pro du hockey, c'est le moment de le montrer.

Mon estomac se noue. Mais je sais que j'ai merdé et que j'ai besoin de me racheter. Alors je serre les dents.

— Oui, coach.

Je sais que je dois le faire. Prouver que je ne suis pas juste un idiot impulsif qui se laisse bouffer par la colère. Prouver que je vaux encore quelque chose.

— Très bien. Maintenant, hors de ma vue, Tremblay.

Il me libère enfin. Je sors du bureau sans faire de bruit, fermant la porte derrière moi. J'ai l'impression d'étouffer sous la pression, mais je reste impassible. Direction les vestiaires, où je range rapidement mes affaires dans mon casier. Mon esprit est ailleurs. Je sais que j'ai perdu une partie du respect de l'équipe, et ce n'est pas juste une question de patinage ou de matchs ratés. C'est plus profond.

Je prends mon sac de cours et sors du bâtiment, mes pensées encore tournées vers ce qui m'attend. Sortant mon téléphone, je balance un message à Austin.


Connor - 13h35

Je vais devenir une patineuse artistique. 


Sa réponse ne tarde pas.


Austin - 13h35

 Incroyable, mec, je raterai aucune de tes prestations  !


Je soupire, un sourire discret aux lèvres, puis je tape ma réponse avec un peu de malice.


Connor - 13h36

 Je m'assurerai personnellement de te couper les couilles avant.

Je rigole tout seul en imaginant la scène, mais l'ombre de ce qui m'attend plane encore sur moi.


3 janvier 2022, Campus universitaire, 16h50


Je sors des cours, fatigué, mais bien décidé à annoncer la nouvelle à Hope. Je l'aperçois au loin avec la même amie qui l'accompagne chaque fois que je la vois. Je prends une grande respiration et m'avance vers elles. Elles me voient arriver, échangent un regard, puis attendent que je les rejoigne.

— Alors comme ça tu as besoin de moi pour autre chose que te rattraper quand tu es minable ? lui dis-je avec un sourire en coin.

Elle plisse les yeux, réalisant visiblement qu'on s'est déjà croisés, et son regard se durcit.

— Tu voulais me suivre aux toilettes, je te signale, réplique-t-elle sèchement.

Je suis un peu pris de court, mais je me reprends rapidement.

— Je voulais seulement que tu ne te blesses pas, dis-je, sincère.

— Quelle gentille attention de ta part, ironise-t-elle.

Son amie nous interrompt avant que cette joute verbale ne dégénère.

— Alors, c'est toi qui va danser avec Hope ? demande-t-elle, visiblement amusée.

— Patiner, pas danser, je corrige en essayant de paraître détendu.

Hope ne me lâche pas du regard et enchaîne :

— T'as pris la décision tout seul ou on t'a mis un flingue sur la tempe ?

Je souris, légèrement gêné, mais je joue la carte de l'honnêteté :

— Disons qu'on m'a un peu poussé au cul, mais j'étais déjà décidé avant qu'on ne m'y force, si ça peut te rassurer. Et avec les compliments que tu as faits sur mes talents, je pouvais difficilement refuser.

— Des compliments ? Je dirais plutôt que c'était de la critique constructive, si tu me permets, répond-elle avec un sourire en coin.

Je souris à mon tour. Au moins, on arrive à plaisanter sans trop de tensions. Son amie en profite pour intervenir de nouveau.

— Hope, je t'attends devant la patinoire pour travailler ton solo ?

— J'arrive, dit-elle calmement avant de se tourner vers moi, pour la première fois en prononçant mon prénom. Alors Connor, quand aurons-nous la chance de travailler ensemble ?

Ça me surprend de l'entendre dire mon nom comme ça. Je me reprends vite.

— Je suis disponible tous les soirs à partir de 16h50, et tous les matins entre 7h30 et 9h. Le midi, c'est impossible, j'ai hockey de 11h à midi et demi, puis je mange.

— Eh bien, comme je travaille seule le soir, je te propose qu'on se retrouve le matin, de 7h30 à 8h30. Ça nous laissera un peu de temps avant les cours.

— Parfait, dis-je, un peu trop rapidement.

— Rendez-vous demain matin à la patinoire alors, conclut-elle avant de tourner les talons et de partir sans un mot de plus.

Je la regarde s'éloigner avant de prendre la direction opposée, vers l'appartement que je partage avec Austin. Cette fille semble plutôt sympa, finalement. Très différente de notre première rencontre. Travailler avec elle pourrait être moins compliqué que je le pensais, surtout si on peut plaisanter un peu. C'est déjà un bon point.

Je me demande ce que ça donnerait si Austin la rencontrait officiellement, et sobre cette fois. Clairement, c'est tout à fait son style, et en plus, c'est l'idole de sa cousine. Que du positif, non ? Enfin, presque. Ça me gênerait un peu qu'ils sortent ensemble. Mélanger le pro et le perso, ça finit rarement bien, et je n'ai pas besoin de ça en plus de tout le reste.

En attendant, j'ai un autre problème plus immédiat à régler : on s'habille comment pour du patinage artistique  ? Je n'ai jamais vraiment prêté attention à ce genre de trucs. Un jogging devrait faire l'affaire, non  ? Ou alors il y a un code spécial que j'ignore...

Je verrai bien demain.

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