Chapitre 8 : La fille (A)

Le déclic du révolver raisonna avec celui qui se produisit dans mon cerveau lorsqu'il capta dans quelle pièce je venais de débouler.

Au milieu de la buée environnante, le froid du métal presque collé sur ma tempe contrastait par rapport à la chaleur étouffante qui m'avait saisie dès que j'avais ouvert la porte.

Putain de merde.

- Mais bordel qu'est ce que tu fous ?!

Bien sûr, il avait fallu que j'atterrisse dans la salle de bain.

Et bien sûr, Blake prenait sa douche avec une arme posée pas trop loin de son shampoing, juste au cas où.

Malgré l'urgence de la situation, je ne pu m'empêcher de pousser un las soupir intérieur, juste avant de me rendre compte que j'avais levé les mains en l'air, par réflexe. Me sentant soudain totalement ridicule, je m'empressai de les abaisser et refermai vivement la porte pour que le bruit ne nous trahisse pas, avant de tourner automatiquement la tête vers lui.

Alors qu'il baissait son arme, mes yeux firent l'erreur de suivre son mouvement. Lorsqu'ils tombèrent malencontreusement sur sa... virilité, je m'empressai de les détourner, levant vivement ma paume pour m'empêcher de lorgner comme un chat.

Wow. C'était si... je... enfin il avait... je veux dire... merde.

- Dégages nan ? T'attends quoi ? Une invitation ? T'es pas mon genre, figure toi, planche à pain.

Quoi ? Planche à... NON. Je n'allais pas me laisser déconcentrer par une insulte aussi bas-de-gamme. Blake perdait patience. Il fallait que je lui explique les raisons de mon interruption inopinée dans un moment si... intime

- Il y a un... un homme hyper louche en bas, euh, un grand blond, il a l'air de chercher quelque chose... je ne sais pas ce que...

Je gardais mes yeux rivés au mur en essayant piteusement de lui expliquer la situation sans trop bégayer.

Malgré ma maladresse, il sembla comprendre immédiatement de qui je parlais. Fronçant les sourcils, il coupa l'eau dans la seconde et marmonna un juron tout en enjambant le rebord de la baignoire. Je haussai les sourcils lorsque je le vis se diriger vers la porte, dégoulinant, sans prendre le temps de se sécher et de s'habiller un minimum.

Bon, je veux bien qu'il n'ait pas froid aux yeux, mais il pourrait avoir froid... ailleurs ?

- Attends tu... tu vas y aller comme ça ?

Il me décocha un regard impatient, mais je vis un éclat amusé traverser ses iris sombres.

- Quoi. Tu crois que ce mec n'a jamais vu une bite ?

Zut. Même dans un moment pareil, il trouvait le moyen de se foutre de ma gueule.

Je piquai un fard comme une vraie gamine, roulant des yeux pour masquer ma gêne en espérant qu'il croit que mes joues rougissaient sous le coup de la chaleur. Blake m'étudia quelques secondes avec un étrange sourire, puis attrapa un caleçon posé sur une chaise.

Ah tiens, il n'était pas du style boxer ? Cela-dit, c'est plutôt très sexy ce look d'enfant sage sous ses airs de mauvais garçon... Mais je regrette presque que ce bout de tissus vienne m'empêcher de...

Non mais ça va pas bien ?! Je fis les gros yeux à mon esprit pour s'être égaré vers de telles pensées en un moment pareil. Et, lorsque je me rendis compte que je les avais réellement écarquillés, je m'empressai de cligner des paupières pour chasser cette réaction traitresse.

- C'est Dustin Evans. Le chien-chien de... enfin bref. Fais chier.

Mon regard se fixa de nouveau sur Blake, qui venait d'enfiler rapidement son jean noir et était occupé à fermer sa braguette.

A nouveau, je dû retenir mes pensées de divaguer complètement. Mais merde ! Qu'est ce qui ne tournait pas rond chez moi ? Il allait vraiment falloir que j'apprenne à faire abstraction de cette aura bien trop sensuelle qui émanait de lui. Je ne pouvais pas mourir juste parce que mes yeux n'arrivaient pas à se détacher de ces foutus abdos !

Une pluie d'éclaboussures me ramena à la réalité. Blake s'ébrouait comme un animal, m'aspergeant au passage. Dans une succession de mouvements rapides, il passa la main dans ses cheveux hirsutes, chargea son revolver et sorti sans plus de cérémonie.

Je m'apprêtai à le suivre, quand, au dernier moment, il se retourna vers moi. Un frisson me parcourut l'échine. En croisant ses yeux sombres, je compris que je me retrouvai de nouveau confrontée au Blake agressif. Celui que je commençais à ne connaître que trop bien.

Je devinai à la noirceur de ses iris qu'il lui faudrait peu de chose pour perdre son sang-froid.

- Reste là.

Il n'attendit pas de savoir si j'étais d'accord ou pas avant de reprendre sa progression silencieuse vers le rez-de-chaussée. En même temps, il n'était pas du genre à poser des questions, et encore moins à attendre les réponses...

Mais je commençais à en avoir marre d'être celle à qui on expliquait tout trop tard. Je n'avais plus aucun contrôle sur ma vie, plus aucune emprise sur ma sécurité, moi qui était pourtant habituée à devoir me gérer toute seule.

- Mais... protestai-je, d'une voix bien trop faiblarde à mon gout.

Il fit brusquement volte-face, plantant son regard autoritaire dans le miens.

- Je suis sérieux, Alexis. Tu ne bouges pas.

Son ton ferme ne laissait entendre aucune négociation possible.

Tiens donc, il voulait me protéger mainte...

- Je ne veux surement pas t'avoir dans mes pattes.

Hum, je me disais aussi.

Lâchant un soupir, je fis mine d'acquiescer. De toute façon, je n'avais pas d'autre choix, et ce n'était pas le moment de faire un caprice.

Mais au fond de moi, je savais qu'il était très clairement hors de question que je poireaute seule ici, attendant sagement que mon heure vienne.

Bon, c'est vrai, il était possible que personne ne meurt. Et puis, j'aurai pu avoir un peu plus confiance en Blake. Après tout, je savais qu'il se débrouillait en négociations, bagarres, tout ça. Très bien, même. Je l'avais constaté de mes propres yeux.

Mais il n'était pas invincible. Il fallait qu'il arrête de se croire dans GTA.

Après être restée quelques instants immobile, le temps que Blake ne puisse plus percevoir mes mouvements, je sortis à mon tour de la salle-de-bain.

J'entendis les deux voix graves s'élever depuis le salon, le moindre bruit raisonnant jusqu'à mes oreilles alertes.

- Ah tiens ! Blake Foxter. Toujours en train de pointer ton gros calibre ?

- Duquel tu parles, Evans ? De mon révolver ou de ma queue ?

- Ahah, très drôle. Mais je ne suis pas là pour rigoler. Où est-elle ? Où est la fille ?

Je m'arrêtai net, de bouger comme de respirer, et mon visage se tordit d'incompréhension en même temps que mon ventre se tordait d'angoisse.

Quoi ? C'est quoi ce bordel ? La fille ? C'est moi, la fille ?

Je sais que j'aurai dû rester là, sagement, au milieu du couloir que j'avais fuit quelques instants plus tôt. Mon cerveau me hurlait de me planquer quelque part loin, très loin de cet homme, jusqu'à ce qu'il soit parti.

Pourtant, la boule au ventre, j'ai laissé mes jambes flageolantes reprendre leur mouvement et descendre silencieusement l'escalier. Cachée dans l'ombre, respirant difficilement alors que mon cœur tambourinait dans ma poitrine, j'observai la scène. Mes yeux se fixèrent sur le visage agressif de celui qui était apparemment à ma recherche, derrière l'épaule de Blake. La peau brulée autour de son œil boursoufflé m'arracha une grimace d'effroi. Il était borgne, et ce n'était pas beau à voir.

- Celle que j'ai baisée cette nuit ? Pourquoi, tu ramasses les miettes maintenant, Dustin?

- Fais pas le con Blake.

Le ton de l'homme s'était fait bien plus menaçant d'un seul coup ; il avait sifflé chaque mot, parlant entre ses dents serrées par la frustration.

- Ecoutes mon poulet. Je ne sais pas de qui tu parles, mais je sais qu'il est temps que tu dégages ton petit cul maigrelet de ma baraque.

- Je sais qu'elle est là.

- Je m'en branle de ce qu'un sale chien comme toi sais. Retourne lécher les bottes de ton maitre pour pas qu'il te crame l'autre œil. Je perds patience.

- De toute façon, s'il la veut, il la trouvera. Autant me la filer maintenant Blake. Qu'est ce que ça peut te foutre, à toi ?

Pour la première fois, Blake ne répondit pas. Cela ne présageait rien de bon. Est-ce qu'il allait me livrer à cet homme ? Après tout, ce Dustin n'avait pas tord ; qu'est ce que ça pouvait lui foutre, à lui ? Il me détestait.

- Chase n'est pas là. T'es tout seul Blake. Sois raisonnable et dis moi où est la fille.

Il avait particulièrement accentué ces derniers mots. Mais Blake s'était ressaisi et, retrouvant son habituel air provocant, il poussa un soupir désinvolte.

- Evans, Evans, Evans. Y a pas de gonzesse ici, celles qui passent cette porte, je les baise et ensuite je les jette dehors. Tu sais comment je fonctionne. Mais toi, enculé, t'es pas mon genre, tu vois. T'as tenté ta chance, maintenant dégage.

Au fur et à mesure de sa tirade, son ton s'était fait de plus en plus menaçant, jusqu'à devenir cinglant. J'eus la chair de poule rien qu'en imaginant le regard noir que devait affronter le borgne de son seul œil valide. La testostérone emplissait toute la pièce, laissant présager que les choses n'allaient pas tarder à dégénérer. Mais Dustin, aucunement impressionné, sourit d'un air mauvais.

- Tu fais le malin ? Est ce qu'au moins tu sais contre qui tu...

Merde. Merde, merde, merde.

Je cessai de respirer quand son petit oeil marron se détourna d'un coup pour venir croiser les miens. J'y vis instantanément briller un éclat malsain. Ses paupières se plissèrent dans ma direction tandis que son sourire s'agrandissait, dévoilant une dentition jaunie par les excès.

- Tiens, tiens. J'en vois une qui est plus sage que toi, Foxter.

Blake se retourna presque immédiatement vers le coin d'ombre où je me tenais immobile, et nos regards se croisèrent. Une ride de colère se creusa entre ses sourcils, et j'inspirai brusquement sous l'effet de la confusion lorsque je vis que la détresse qui s'était emparée de moi se reflétai dans le gris de ses iris.

Mon cœur s'emballa, comme s'il voulait crier à mon corps inerte de faire pareil, comme s'il voulait me dire de prendre mes jambes à mon cou pour déguerpir en vitesse quelque part loin d'ici.

Malgré tout, je restai tétanisée lorsque le blond esquissa un mouvement rapide dans ma direction.

- Je crois pas, non.

Blake l'avait empêché d'avancer en lui empoignant violemment l'épaule. Dustin me fixa de son œil sombre durant quelques secondes, qui me parurent des heures. Tout était figé, les trois personnes dans cette pièce, notre respiration, le temps, comme si quelqu'un avait fait un arrêt sur image.

L'autre détourna enfin son attention de moi, tournant lentement la tête vers Blake. Ses mouvements semblaient au ralenti. Il savait qu'une fois qu'il se serait lancé, il n'y aurait plus que deux issus possible : la vie, ou la mort.

Et puis tout s'accéléra. Dustin leva son poing, mais Blake fut plus rapide. D'un mouvement vif, il bloqua l'offensive de son adversaire sur sa droite et, saisissant son bras, le tordit de manière à le retourner. L'autre poussa un cri de douleur, mais se ressaisit rapidement. Se penchant sur le coté, il balança sèchement son coude vers l'arrière, atteignant le nez de Blake, qui explosa en sang. Je m'entendis crier d'effroi, et mes mains cherchèrent la rampe de l'escalier pour me soutenir alors que mes jambes tremblaient trop pour jouer leur rôle.

Tout alla trop vite pour que je puisse voir chaque mouvement, mais Blake dû lâcher prise et l'autre pris le dessus. Ses mouvements étaient précis malgré sa vision réduite, et il avait plus de force que son gabarit ne le laissait croire.

Je me souvins de la première fois que j'avais vu Blake combattre. Il avait maitrisé deux hommes à la fois, et s'était retrouvé couvert de leur sang plus que du sien. Mais avec celui là, ça semblait être différent. Il avait l'air perturbé par un enjeu qui m'échappait.

Il fallait que j'agisse. Je ne pouvais pas rester comme une potiche dans mon coin alors que deux hommes faisaient du corps à corps, l'un pour m'embarquer, l'autre pour l'en empêcher.

Dustin était maintenant dos à moi, son bras serré autour du cou de Blake, en train d'essayer de sortir un révolver de la poche de son blouson malgré les mouvements brusques de Blake pour se dégager.

Avisant la bouteille de whisky sur le bar de la cuisine ouverte, je couru m'en emparer, avant de venir la fracasser sur le crane blond de l'intrus. Celui-ci hurla en basculant en arrière, et lâcha Blake pour tenir sa tête entre ses mains, qui furent rapidement couvertes de sang. Alors que Blake titubait en s'agrippant la gorge, Dustin se retourna vers moi, et, parvenant enfin à sortir son arme de sa poche, la pointa sur mon visage avec un regard emprunt de fureur.

- Sale petite pute ! Tu vas me le payer !

J'étais désarmée. Le canon était à seulement quelques centimètres de mon front.

Le cœur serré, je fermai les yeux, trop lâche pour affronter un regard dans lequel je voyais ma propre mort.

Et le coup de feu partit.

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