Chapitre 7 : Intrusion (A)

Je me glissai avec un plaisir intense sous le jet d'eau chaude.

Seigneur, que c'est bon.

Je venais de me réveiller après avoir dormi comme un bébé, malgré mon lit inconfortable et la lugubrité de la chambre qu'on m'avait attribuée. Depuis que j'avais ouvert les yeux, je n'avais qu'une seule envie : prendre une douche.

Après tout ce qui s'était passé, j'avais l'impression que le liquide pur qui coulait enfin sur ma peau avait le pouvoir de me laver extérieurement comme intérieurement, en emportant avec lui aussi bien les bactéries et les saletés que toutes les ondes négatives que je m'étais prises en pleine face ces deux derniers jours.

Je fis taire la petite voix qui me souffla que ce n'était que le début, décidant de profiter de l'instant présent, le seul dont je pouvais être sûre.

Tandis que mes muscles se détendaient grâce à l'eau brulante jaillissant contre ma peau, la positive attitude pénétra peu à peu chaque parcelle de mon corps, jusqu'à soulever la commissure de mes lèvres en un sourire apaisé.

Je m'apprêtai à faire le vide, à tout oublier et à lâcher prise dans un instant de pure lâcheté, mais dès que j'eus fermé les yeux, son visage apparu derrière mes paupières.

Bizarrement, l'image qui me vint à l'esprit fut celle de mes cheveux bruns serpentant sur ses épaules massives tandis que j'étais penchée sur lui, en train de lui recoudre l'arcade. Alors que je passais mon aiguille dans sa chair sans qu'il ne bronche une seule seconde, j'en avais profité pour détailler son visage si près de moi.

La conclusion avait été sans appel : il était beau comme un dieu.
Et vu son comportement aux tendances psychopathes, ça me coutait de l'avouer. C'est un peu comme si j'admettais que ça ne tournait vraiment pas rond chez moi non plus...

Mais je n'avais pas pu résister. J'avais d'abord été absorbée par la contemplation de ses traits fins et anguleux. La ligne de sa mâchoire était parfaitement dessinée, délimitant des joues creuses rasées de près et séparées par un nez légèrement en trompette que j'avais trouvé à la fois craquant et si... si sexy, putain.

Puis mes yeux avaient malencontreusement atterri sur sa bouche, assez fine, quoiqu'avec une lèvre inférieure plus pulpeuse qui semblait susurrer... peu importe ce que j'avais imaginé entendre, en tout cas, elle m'avait inspiré bien des choses, cette bouche. Des idées nouvelles qui ne m'avaient encore jamais traversé l'esprit s'étaient introduites en moi comme des serpents sifflants des obscénités irrésistibles. Mon cœur s'était mis à battre si fort que j'avais prié pour que celui qui était la cause de cet emballement ne l'entende pas, malgré le silence qui nous entourait.

Même la petite coupure que j'avais dû lui faire dans le sourcil droit était en parfaite harmonie avec son air de voyou mystérieux et ne faisait qu'accentuer sa force d'attraction.

Le souvenir de ma main passée dans ses cheveux ébènes me revint à l'esprit. Ils étaient courts à l'arrière, dégageant sa nuque, et un peu plus longs sur les cotés, laissant apparaitre ses oreilles. Le reste formait une jungle de mèches aussi indomptables que lui, assez longues, qui lui donnaient un air sauvage tandis qu'elles retombaient librement sur son front et devant ses yeux.

Ah, ses yeux. Toutes les émotions semblaient décuplées lorsqu'elles traversaient ces iris aux cinquante nuances de gris. Si sombres sous l'effet de la fureur, et presque translucides lorsqu'il riait comme il l'avait fait quand il s'était enfin laissé allé avec moi, même si c'était pour se moquer. Ce qui se dégageait de lui était tellement apaisant... pour la première fois, je m'étais sentie pleinement insouciante, plus légère qu'un nuage.

Son rire me revint à l'esprit, aussi clairement et distinctement que s'il avait été là, tout près de moi, pour le faire éclater une nouvelle fois à mes oreilles.

Et soudainement, le rire passa de cristallin à grinçant, de franc à sadique. Le regard emprunt de folie de Blake lorsqu'il avait voulu me frapper, ses pupilles dilatées se mêlant au noir de ses iris furieuses, s'imposa à mon esprit aussi brutalement qu'une claque.

La noirceur se coula de nouveau en moi, recouvrant lourdement les sentiments légers que je ressentais, chassant les quelques rayons de lumière qui m'éclairaient, alors que je me rappelais la sensation que j'avais éprouvée lorsque j'avais croisé ces yeux fous. Je m'étais sentie sombrer dans ce néant, comme si je chutais dans un puis sans fond menant tout droit en enfer...

Une douleur aigue me ramena à la réalité. Mes ongles s'enfonçaient le plus profondément possible dans ma peau, s'agrippant à mon poignet, sur lequel se dessinait un hématome violacé après avoir été enserrée avec autant de force par le démon qui avait pris possession de Blake.

Ça va pas ou quoi ? Arrêtes ça tout de suite, Alexis.

Je me donnai la gifle mentale la plus violente qui soit, et rouvrit soudainement les yeux, les refermant aussi tôt alors que l'eau s'infiltrait sous mes paupières, noyant avec elle mes visions.

Mais qu'est ce qui m'arrivait ? Ce mec était le diable. Il avait l'allure, le tempérament et la personnalité du Diable. Il avait Satan dans ses yeux, dans son cœur et dans ses bras.

Je le connaissais depuis même pas trois jours, et je ne savais absolument rien de lui mise à part qu'il était impulsif, violent, arrogant, cynique et méchant. Et je ne voulais pas en savoir plus. Je n'avais pas besoin d'en savoir plus pour voir clair en lui.

Sa gueule d'ange n'était qu'un masque, aussi appétissant et empoisonné que le fruit interdit du jardin d'Eden.

Je ne ferai pas la même erreur qu'Eve. Je n'étais pas aussi stupide.

Même si je savais parfaitement qu'il ne me laissait pas indifférente...

Je fermai brutalement le robinet. Je n'étais pas sa Bonnie et il n'était certainement pas mon Clyde !

Lui, il est taré, bon sang !

Rejetant la faute de mes visions incontrôlées sur les vapeurs d'eau qui embrumaient autant mon esprit que la salle de bain, je décidai qu'il était temps que je sorte de ma douche.

Je m'enveloppais, grimaçante, dans une serviette rugueuse qui acheva de me ramener à la réalité. Après m'être séchée aussi bien que cette espèce de papier de verre le permettait, j'enfilai des sous-vêtements, mon jean troué, un t-shirt blanc et mes bottines, et descendis au le salon.

Assis au comptoir, Blake tenait une tasse remplie de café dont l'odeur délicieuse emplissait la pièce. Dès que j'arrivai à sa hauteur, il termina sa tasse et se leva sans un mot.

Comment est ce que je pouvais avoir ressenti de l'attirance pour un être aussi exécrable ? Une telle dérive ne se reproduirait plus jamais. J'étais limite prête à ne plus prendre de douche s'il le fallait.

Bon, peut-être pas quand même.

Alors que je le suivais des yeux dans l'escalier en profanant de multiples malédictions à son insu, je l'entendis crier sans se retourner :

- T'as pas intérêt à avoir pris toute l'eau chaude, sinon je te dégomme.

Je lâchais un petit rire méprisant. Les menaces de ce bulldog aux attitudes de mâle alpha me passaient bien au-dessus de la tête, tout compte fait. J'avais saisi son mode de fonctionnement : menaces – crises – mutisme.

Je ne pouvais qu'espérer qu'il ne s'emporte pas au point de me frapper. J'avais déjà eu l'occasion de voir que quand il commençait, il ne s'arrêtait pas.

Chassant ces sombres pensées, et inspirée par la fragrance qui chatouillait mes narines, je me servi une grande tasse de la liqueur noire que j'aimais tant, puis remontai à l'étage.

Alors que l'ennui commençait à s'infiltrer en moi comme un poison me tuant à petit feu, je décidai d'aller faire une ballade. Chase n'était pas là, Blake était dans sa douche, autant en profiter pour respirer l'air frais. L'air qui circulait dans cette baraque était empli de la folie de ses habitants et il commençait à me monter à la tête.

Mais alors que j'arrivais sur le pallier du premier étage, un bruit léger provenant du rez-de-chaussée attira mon attention. J'avais déjà entendu ce son.

C'était le genre de bruit que l'on faisait quand on ne voulait surtout pas se faire remarquer et que l'on marchait le plus délicatement possible sur les lattes d'un parquet grinçant.

Je connaissais ce bruit par cœur. Combien de fois étais-je rentrée chez moi sur la pointe des pieds, en pleine nuit, après mes heures de délinquances, avançant prudemment à chaque pas que je faisais, par peur de réveiller Carl. Le mec de ma mère m'aurait défoncée sur place s'il m'avait attrapée, et j'ai souvent manqué la crise cardiaque en sentant les lattes craqueler sèchement sous mes pieds tétanisés.

Heureusement pour moi, cette espèce de brute ronflait comme un ours.

Reportant mon attention sur la présence indésirable juste en dessous de moi, je rassemblai tout mon courage avant de descendre quelques marches de l'escalier pour enfin me risquer à jeter un regard entre les barreaux de la rampe. Un homme blond, assez grand mais plutôt mince, se tenait dos à moi, une arme dans sa main droite.

Alors que j'essayai de comprendre ce qu'il trafiquait, plissant les yeux pour mieux voir - non sans manquer de maudire ma foutue myopie - il se retourna brusquement vers l'escalier. Le cœur battant, j'eus à peine le temps de me redresser, étouffant de justesse un cri dans ma gorge.

Putain Alexis, bouge-toi, fais quelque chose ! N'importe quoi !

Désormais complètement affolée, mon sang ne fit qu'un tour. Je couru dans le couloir, le plus loin possible de cet éventuel tueur psychopathe. Malheureusement pour moi, j'avais vu assez de navets à la télé pour savoir que c'était la réaction typique des victimes qui n'allaient pas tarder à se faire découper en morceau.

Arrivée au milieu de ma course, alors que je sentais mon pouls cogner contre mes tempes, mon cerveau sembla enfin reprendre du service et me stoppa sur place.

Mais qu'est ce que je foutais bordel ? Fuir la menace n'allait ni la faire disparaître, ni l'empêcher de me fondre dessus.

Respirant un grand coup, je tentai de me calmer pour avoir les idées claires. D'abord, quelles étaient mes options ?

Si j'appelais Blake, déjà je n'étais même pas sûre qu'il réagisse, et même s'il daignait répondre, je me ferai tirer dessus bien avant qu'il ait pu faire quoique ce soit.

Finalement, il ne me restait qu'à faire profile bas et à prier pour que cet intrus parte de lui-même. Et sinon...

Il me fallait une arme pour me défendre. Il y avait très certainement des tas de flingues ici, pas vrai ? Je n'avais qu'à soulever un matelas et...

L'évidence me frappa comme un coup de massue : même si j'en trouvais un seul, je n'étais même pas sûre de savoir m'en servir. Mon hésitation à la gâchette me couterait la vie.

Je n'avais donc rien pour me défendre. Ce triste constat fit monter ma panique en flèche. Toujours immobile dans ce foutu couloir, le cœur battant à tout rompre, je regardai autour de moi, désespérée.

J'entendais toujours l'homme en bas. Sa progression était lente, elle me laisserait sûrement le temps de réfléchir à un plan.

Mais d'abord, il fallait que je me cache. Une pièce avec du mobilier que je pourrai transformer en arme tranchante ou assommante serait toujours mieux que ce couloir de merde.

Dans ma précipitation, j'ouvris la première poignée qui me tomba sous la main et m'engouffrai dans la pièce.

Mauvaise pioche.

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Hello les cop's! ❤️

C'est un chapitre sans dialogues parce que je voulais vraiment qu'on pénètre les pensées d'Alexis, qu'on voit à quel point les événements lui font perdre ses repères (d'où le flash-back à la scène des points de suture, assez incompréhensible quand on sait qu'elle vient de se faire vicos...), et à quel point elle est seule.

Je voulais décrire Blake parce que bon jusque là vous aviez pas trop de détail... même si je suis pour l'imagination et que je ne veux l'associer à aucune célébrité (j'en connais aucune qui lui ressemble aussi mdr)

Mais je vous garanti qu'il y aura plus d'action dans le suivant qui est déjà quasi écrit (j'ai du couper) 😏

A + dans l'bus (ou tout autre endroit où la lecture est possible🤷‍♀️)

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