Chapitre 4 : La Curiosité Est Un Vilain Défaut (A)

             Il se tenait assis sur le canapé, les jambes bien écartées comme tout mâle virile qui se respecte. Penché en avant, ses coudes s'appuyaient sur ses genoux tandis qu'il pianotait sur son iPhone.

Depuis que Chase avait claqué la porte, un silence de mort régnait dans la maison.

Ah non on avait échangé deux-trois mots, Blake et moi.

En fait, je m'étais sentie obligée de préciser que je n'avais pas besoin de lui pour me donner le biberon.

Je ne comptais absolument pas rester enfermée ici toute la journée, et ça m'arrangeait bien s'il pouvait décamper le plus vite possible. Je savais que c'était ce qu'il voulait aussi, pourtant, ça faisait au moins 30 minutes qu'il ne bougeait pas, scotché sur son canapé en cuir défoncé.

J'ouvris la bouche pour une nouvelle tentative, haussant un peu la voix, histoire d'être sûre qu'il m'entende même s'il était ultra concentré sur son petit business.

- Tu peux y aller, je sais me garder toute seule.

Il prit tout son temps pour finir d'écrire son texto avant de se lever et de se tourner vers moi. Ses sourcils étaient froncés et sa narine droite retroussée lorsqu'il lâcha avec un petit rire méprisant:

- Parce que tu penses que j'ai besoin de ton autorisation, maintenant ? Dégage de là.

Après m'avoir empoignée par les épaules et déplacée sans ménagement de la porte sur laquelle j'étais adossée, il s'engouffra dans l'escalier qui menait au sous-sol. Sombre crétin. Il était vraiment insupportable.

Vingt bonnes minutes plus tard, j'étais en train de zieuter la porte en me disant que, de toute façon, il s'en fichait pas mal si j'allais faire un tour dehors, quand je l'entendis remonter l'escalier. Il passa devant moi comme si je n'existais pas et déposa avec une parfaite nonchalance deux revolver et un paquet non-identifié sur le comptoir de la cuisine ouverte.

- Ton truc à faire là, ça implique de décimer la moitié de la population ?

Bon, j'avais peut-être un peu exagéré. Mais il m'intriguait et je voulais le faire réagir.

Il tourna la tête vers moi et me décocha un regard froid comme l'acier. J'avais osé poser une question à Blake Foxter. Non mais, il fallait vraiment qu'il se détende celui-là.

- Premièrement, on se calme, c'est pas comme si j'avais sorti l'artillerie lourde. Deuxièmement, ce que je fais ne te regarde pas. Et troisièmement, ferme-la, tu me fais perdre mon temps.

Je soufflai du nez en haussant les sourcils pour manifester mon exaspération. Quel pauvre type. Il commençait à me mettre hors de moi. Pourtant, je sentis rapidement la panique former une boule au creux de mon ventre quand il enfila son blouson et attrapa son casque.

Et si j'avais rejoins un gang de malfrats recherchés par le FBI, qui passaient leurs journées à tirer sur tout ce qui bougeait ?

Je veux dire, ces mecs étaient des criminels, OK. Mais à quel point ?

Je n'en avais aucune idée.

Putain de merde, mais dans quoi est-ce que je m'étais fourrée?

Moi qui voulais trouver la liberté, j'allais certainement finir ma vie derrière les barreaux si mes deux nouveaux colocataires s'avéraient être des assassins en cavale.

A la perspective d'un tel destin, je voulu en avoir le cœur net.

Pas le choix, il allait falloir que je le suive.

Blake ouvrit la porte et se retourna au dernier moment, me regardant droit dans les yeux. Son regard métallique était menaçant, comme un ciel couvert de nuages noirs.

- Si tu fous un seul pied dehors, t'as intérêt à courir vite. Parce que si tu reviens, je te fracasse, et sinon, comptes sur moi pour te retrouver.

Il claqua la porte. J'attendis que le bruit de moteur s'éloigne avant de me ruer dehors, essayant de faire abstraction de ses paroles.

La moto de Chase avec laquelle il était venu me chercher ce matin était toujours là, mais celle de Blake ainsi que le gros 4x4 noir que j'avais remarqués en arrivant avaient disparu.

C'était ma seule seule chance. Je couru dans la maison et balayai le salon du regard, à la recherche des clés du bolide. Allez, elles ne devaient pas être bien loin... Bingo !

Je tendis la main vers la lueur argentée que je venais d'apercevoir sur le bar, attrapai le casque noir à côté et sortis en trombe de la maison. Je n'avais ni les clés ni le temps pour fermer la porte. Tant pis !

J'enjambai l'énorme moto. Bon dieu mais dans quoi est ce que j'étais en train de m'embarquer. Je n'avais absolument aucune idée de comment me servir de cet engin. J'avais déjà conduit un scooter, mais c'était, disons... pas le même gabarit.

Voyons voir... ça ne doit pas être si compliqué...

Le moteur gronda quand, après avoir tourné la clé, je tournai la poignée d'accélération. La bête fit une sorte de bon et s'arrêta brutalement, me propulsant en avant. Quelle débile, j'avais oublié l'embrayage. Je réessayai en passant la première. Cette fois ci, pas de rodéo. J'avais dompté la bête! Pleine de fierté après cette première victoire, l'adrénaline coulant dans mes veines, j'accélérai un bon coup.

Maintenant, il fallait que je le retrouve.

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Ça faisait bien une demi-heure que je roulais dans les environs, cherchant sa moto et scrutant la moindre personne vêtue de noir avec attention. J'avais d'abord parcouru le quartier d'affaire de Downton Brooklyn, me rappelant des paroles de Chase sur les "méchants businessmen à éradiquer", puis m'étais aventurée dans certains quartiers douteux.

Je commençais vraiment à perdre espoir. J'en avais ma claque de me faire reluquer par des mecs pas nets, et bon, j'avoue, j'avais un peu la frousse aussi.

Mais alors que je m'apprêtais à faire demi tour, une grosse moto noire garée sur une sorte de terrain vague attira mon regard. C'était celle de Blake, j'en étais certaine.

Après m'être garée un peu plus loin, je descendis de ma moto, déposai mon casque et marchai vers l'immeuble délabré, évitant comme je pouvais les déchets qui jonchaient le sol. Cet endroit ne m'inspirait pas confiance du tout, et le silence qui régnait était loin de me rassurer.

Il n'y avait pas de porte. M'avançant d'un pas mal-assuré à l'intérieur du bâtiment désafecté j'entendis des bruits en provenance du sous-sol. Je marquai un temps d'arrêt avant d'ouvrir la grille grinçante qui menait à l'escalier. J'étais morte de trouille.

Pourquoi avais-je voulu retrouver Blake, déjà ?

Respire, Lex. Si ça trouve, c'est que des gosses de 12 ans qui font du skate.

Mais en arrivant à la moitié de l'escalier, je me figeai.

Un homme en costard gris était assis devant une table sur laquelle trônait ce que j'identifiai comme des sachets de drogue. Deux autres mecs bien plus costauds, dont je ne voyais pas le visage, se tenaient debout derrière lui. Enfin, assis en face de l'homme, Blake s'efforçais de maintenir un visage impassible.

Malheureusement, l'escalier était dans son champ de vision, et le mouvement attira son regard. Dès qu'il m'aperçut, son expression changea pendant une demi-seconde, avant qu'il ne rétablisse le contact visuel avec son interlocuteur. Mais ce dernier avait dû remarquer, puisqu'il s'interrompit au milieu de sa phrase et se retourna vers moi.

Lorsque son regard croisa le miens, son sourire malsain s'effaça et la surprise déforma les traits de son visage. Il y eut un instant de flottement. Sa réaction m'avait complètement déstabilisée.

Blake fut le premier à réagir. Il bondit de sa chaise qui se renversa derrière lui et fonça vers l'escalier.

- COURS ! m'hurla-t-il.

- Rattrapez-les ! cria l'homme qui s'était aussi levé.

Perturbée par ce qui venait de se passer, le cri de Blake raisonna d'abord dans mon cerveau, avant de faire l'effet escompté sur mes muscles. Je me mis à monter les escaliers quatre à quatre, mais quand j'arrivai en haut, Blake n'était derrière moi.

J'entendis des bruits de bagarre. Ils l'avaient attrapé. La panique me stoppa net. Blake était grand et musclé, mais seul contre ces deux espèces d'armoires à glace, il allait se faire massacrer!

Malgré ma haine pour ce garçon abjecte, la culpabilité s'empara de moi, et je fis demi tour. Je n'avais pas d'arme, je ne savais pas me battre, mais je descendis les marches aussi vite que je venais de les monter, m'attendant à trouver Blake au sol, en position fœtal, en train de subir les coups des trois hommes, ou maintenu debout avec un pistolet sur la tempe.

Mais la scène qui m'apparut fut toute autre. L'homme en costard avait disparu, et Blake tenais l'un des deux hommes devant lui, son coude replié autour de sa gorge. Alors qu'il lui assenait un coup de crosse sur la tête, je vis le second le tirer par l'épaule et écraser son énorme poing sur son visage. Un cri d'horreur s'échappa de mes lèvres tandis que son sang gicla jusqu'à moi.

J'étais complètement paralysée.

Blake chancela, sa main plaquée sur sa tempe. Porté par je-ne-sais-quelle force, il saisit son adversaire par les épaules et l'écrasa contre le mur. Le craquement de sa tête lorsqu'elle frappa le béton me donna la nausée, et je plaquai ma main sur ma bouche.

Je ne survivrai jamais dans un tel monde de brutes.

Blake couru une nouvelle fois jusqu'à l'escalier. Cette fois, son visage, son t-shirt et ses mains étaient ensanglantés.

- Qu'est ce que tu fous putain, allez, on se tire ! MAINTENANT !

Tirée de ma torpeur, je courus avec lui hors du bâtiment, jusqu'à sa moto. Sur le moment, j'avais complètement oublié celle de Chase, garée quelques mètres plus loin.

Il me balança son casque tandis que je grimpai précipitamment derrière lui, et démarra en trombe. Lancés à pleine vitesse, je m'agrippai à lui pendant tout le trajet, tellement fort que mes jointures blanchirent.

Lorsqu'il s'arrêta enfin, je descendis, chancelante. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine, je n'arrivais plus à respirer. Des larmes coulaient sur mes joues tandis que je fonçai vers la porte d'entrée. Je n'en pouvais plus. Alors que je retirai mon casque au milieu du salon, la porte claqua derrière-moi dans un énorme fracas.

J'eu a peine le temps de me retourner pour voir deux grandes mains se saisir du casque et le jeter par terre avant de m'empoigner par les épaules pour me pousser violemment. Je trébuchais en arrière, avant que mon dos ne vienne s'écraser contre le mur, m'arrachant un cri de douleur.

Blake était hors de lui. Son arcade sourcilière saignait encore, et le rouge écarlate de son sang fit ressortir le gris orageux dans ses yeux lorsqu'il me foudroya du regard.

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