Chapitre quatre

Le lendemain matin, je quittai la maison plus tôt que d’habitude, pour éviter mon père. Il était en train de dormir sur le sofa lorsque je suis parti, et il y resterait sûrement une grande partie de la journée avant de se réveiller pour recommencer à boire. Je savais que cela n’était qu’une question de temps avant qu’il ne pète un câble et défoule toute sa colère sur moi.

Vu que j’étais en avance, j'ai pris mon temps pour aller à l’école, et sur le chemin, je remarquai que la maison des Fuentes était sur ma route. La voiture de Vic était encore garée dans l’allée, donc je devinai qu’il n’était pas encore parti au lycée, à moins qu’il n’ait décidé d’y aller à pied. Ne souhaitant pas le croiser, je pressais le pas.

Lorsque j’arrivai finalement à l’école, il n’y avait pas encore beaucoup d’élèves. J’avais encore du temps avant que mes cours ne commencent, alors je m’adossais maladroitement contre mon casier pour finir les devoirs de math que je n’avais pas terminé la veille au soir. Les couloirs étaient de plus en plus bruyants, à mesure que les minutes passaient et que les élèves arrivaient. Puis, soudainement, ils se firent totalement silencieux. Je relevais la tête pour regarder ce qu’il se passait. En face de moi se trouvaient Vic, Jaime et Tony. Ils étaient en train de parler à un garçon qui avait l’air d’avoir un ou deux ans de moins que moi. Je ne savais pas ce qu’il avait fait de mal, mais ce que je savais c'était qu'il était la cible de Vic pour la journée. Ce dernier ouvrit le casier dans lequel il m’avait enfermé lors de mon premier jour ici. J’avais mémorisé le code qu’il avait utilisé : 20 – 8 – 3. Je n’avais aucune idée d'à qui appartenait le casier, ni pourquoi Vic en avait le code.

« Grimpe dedans. », Ordonna Vic au garçon, pointant le casier du doigt. Le garçon fit ce qu’on lui demandait sans hésiter. Vic claqua la porte sur lui, riant avec ses amis, puis le couloir retrouva son ambiance, tout le monde se remettant à faire ce qu’il faisait avant d’aller en cours. Je me sentais désolé pour le gamin, puisque je savais ce que cela faisait d’être là-dedans. C’était sombre et étroit, et si il était comme moi, il devait déjà être en train de paniquer, s’imaginant que personne ne le laisserait sortir.

Je savais que j’allais m’attirer des ennuis en faisant cela, mais je le fis quand même : je me dirigeai vers le casier, et après avoir essayé le code trois fois, j’arrivai finalement à l’ouvrir.

« Sors d’ici. », Dis-je au gamin. Il avait l’air effrayé, mais s’échappa rapidement quand même. Lorsque je me retournai, je fis face à Vic, qui avait les bras croisés sur son torse.

« Tu cherches les ennuis, c’est ça ? », Me demanda-t-il avec un regard mi-agacé, mi-amusé.

« Il fallait bien quelqu’un pour défendre le petit gars. », Je répondis doucement. J’essayai de ne pas avoir un ton trop dédaigneux. Il avait dit que nous étions « quittes », mais je venais très certainement gâcher tout cela.

« Suis-moi », M’ordonna-t-il avant de faire demi-tour. Personne, ni même ses amis, ne le suivirent. Je considérai l’idée de ne pas partir avec lui, mais cela ne ferait qu’aggraver les choses. Je ferais mieux d’en terminer avec cela vite fait bien fait. Je le suivis donc à travers quelques couloirs, jusqu’à que l’on traverse des vestiaires, pour finalement arriver dans la pièce de la piscine de l’école.

« Pourquoi est-ce que tu fais tout ça ? » L’écho de sa voix résonnait dans l’immense pièce vide. Je le suivis jusqu’à qu’il se tourne pour me faire face. Nous nous tenions sur le rebord de la piscine. Il allait faire quoi maintenant ? Me noyer ?

« Faire quoi ? », lui demandai-je.

« Me tenir tête. Tu sais que tu vas t'attirer mes foudres, alors pourquoi est-ce que tu le fais ? » Questionna-t-il. Je soupirai et haussai les épaules. Je jetai un regard circulaire autours la pièce, en espérant qu’un professeur nous interrompe.

« Tu vas te venger ou quoi ? » J’étais en train de perdre patience.

« Ca ? Oh, ce n’est pas une vengeance. Ma vengeance c’est toujours une humiliation en public. Ça, c’est juste parce que je ne t’apprécie pas. », Répondit-il. Il se rapprocha de moi, s’arrêtant juste pour me pousser dans la piscine. Lorsque mon corps rentra en contact avec l’eau glacé, j'eus l'impression que l’air avait quitté instantanément mes poumons. Putain, ça les tuerait de chauffer la piscine un peu ? Je remontai à la surface et m’agrippai au rebord, pour jeter un regard noir à Vic, alors qu’il quittait machinalement la pièce. Quel connard.

--

J’étais assez futé pour sauter mon repas ce jour-là. Vic était en train de préparer un mauvais coup, et je me sentais fier de gâcher ce qu’il avait bien pu planifier en n’allant pas à la cafétéria. Je déambulais dans les couloirs, sans but, jusqu’à que je me retrouve face à la salle de musique. Il n’y avait personne à l’intérieur, alors je m’y glissai, pour jeter un regard autours de la pièce. J’aurais bien aimé savoir jouer un des instruments présents dans la pièce, comme cela j’aurais au moins une chance de réussir cette matière. Je m’approchai du piano, et appuyai sur quelques touches mais cela sonnait comme si un enfant de trois ans était en train d’essayer de jouer. Je soupirai, abandonnant rapidement. Je jetai un nouveau coup d’œil dans la salle, et remarquai un ordinateur dans un coin de la pièce. On était supposé l’utiliser pour enregistrer notre morceau. J’étais soudain tenté d’enregistrer ma voix, juste pour voir comment cela sonnait.

J’allumai l’ordinateur, le réglai, puis cherchais une chanson. La seule qui me vint à l’esprit fut « Iris », des Goo Goo Dolls. C’était l’une de mes préférées. Après avoir vérifié que j’étais bien seul dans la pièce, je me mis à chanter a cappella. Ma voix était tremblante au début, mais au fur et à mesure, je pris confiance. Je terminai le premier couplet, et m’apprêtai à chanter le refrain, quand le son d’une guitare acoustique me coupa dans mon élan. Je me retournai pour voir Vic, marchant dans ma direction, grattant les accords sur sa guitare. (NB : Kellin Quinn a vraiment fait une cover de cette chanson, pour vous faire une idée, cherchez "Iris Sleeping With Sirens" sur youtube, ou bien lancez le lecteur sur le côté si vous êtes sur l'ordinateur, et enjoy !)

« Continue de chanter. », M’ordonna-t-il.

« Non. », Je répondis rapidement, le visage brûlant de gêne après avoir été surpris. 

« Fait-le. » Il recommença le refrain à la guitare, encore et encore, mais je restais silencieux. Pourtant, dans ma tête, je continuais de répéter le refrain en boucle, jusqu’à que j’abandonne et le chante pour de vrai. Il me regardait comme si il était surpris par ma voix, et je dois bien l’avouer, cela me fit plaisir. On ne s’arrêta pas au refrain. Il continua de jouer de la guitare, et on finit par faire toute la chanson. Lorsqu’on termina, je me mis à fixer le sol nerveusement. Mon regard se releva pourtant rapidement lorsqu’un applaudissement se fit entendre dans la pièce. Mme. Ascot se tenait dans l’embrasure de la porte, toute seule, nous fixant avec un grand sourire.

« Kellin, Vic, c’était super. », Nous félicita-t-elle. Je ne pense pas que c’était possible de rougir plus que moi à cet instant. Je n’avais jamais chanté devant quelqu’un d’autre que ma mère, jusqu’à maintenant.

« Très bien, changements de plans. Kellin et Vic, vous allez faire votre devoir ensemble. Vic à la guitare, Kellin au chant. »

« Quoi ? Non ! » Vic et moi avions crié en même temps.

« Vous allez le faire. Vous fonctionnez si bien sembles, et j’ai hâte de voir quel genre de chanson vous aller nous produire. », Annonça-t-elle avant de s’installer à son bureau, coupant court à la conversation.

J’échangeais un regard dégoûté avec Vic. Génial.

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Jeudi se passa étrangement calmement. Je n’eus aucune altercation avec Vic ou Craig. Je commençais à croire que Vic avait soit oublié sa revanche, soit il n’en avait juste plus rien à faire. Dans tous les cas, Vendredi, j’ai bêtement pensé que je pouvais aller à la cafétéria pour le repas. J’allais pourtant le sauter, comme je l’avais fait Mercredi et Jeudi, mais j’avais trop faim, et donc j’y étais allé. En plus, ils servaient des lasagnes ce jour-là, mon plat préféré. Je faisais la queue, jetant des regards autours de moi toutes les cinq secondes, un peu paranoïaque. Vic était installé avec ses amis, tout comme Craig, ils n’allaient donc pas s’en prendre à moi, pas tout de suite du moins.

Je pris ma nourriture et me dirigeai vers la table vide la plus proche lorsque quelqu’un me rentra dedans, volontairement, et fit voler le contenu de mon plateau sur mon T-shirt. Toute la cafétéria avait les yeux rivés sur moi, et se mit à rigoler. Je me figeai, et regardai le gamin qui avait fait ça. C’était le même que Vic avait enfermé dans le casier, l’autre jour. Il avait l’air sympathique, et pourtant il s’enfuit sans me dire un mot. C’était à ce moment que je compris que Vic était derrière tout cela. Je relevais le regard vers lui. Il avait un air narquois collé au visage.

Je m’apprêtais à m’enfuir loin de ces rires et de ces regards moqueurs, lorsque Craig éleva sa voix.

« Tapette ! », Cria-t-il, plus fort que tous les rires. Il répéta le mot encore et encore, jusqu’à que le reste de la cafétéria l’imite, me chantant « Tapette » en boucle. Ce n’était pas l’insulte qui me blessait. C’était le fait que des centaines de personnes qui ne me connaissaient même pas se moquent de moi. Ils ne me connaissaient même pas, putain ! Personne, à part Mike, n’avait pris le temps de m’adresser la parole. Ils se contentaient tous de suivre le troupeau, pensant que c’était normal de me faire sentir aussi mal. J’étais humilié. Je me sentais affreusement mal. Cela n’aurait pas dû me déranger comme ça. J’aurais dû me montrer plus fort, mais je ne l’étais pas. Je sortis en courant de la cafétéria et me réfugiai dans les toilettes les plus proches, qui, heureusement, étaient vides.

Je claquais la porte avec colère, et retirai mon T-shirt. Je le rinçai rapidement, avant de l’enfiler de nouveau. Puis, je m’enfermai dans une des cabines de toilettes, fermant brutalement la porte en donnant un coup dedans au passage. Je me laissai finalement tomber au sol, laissant les larmes couler sur mes joues, tout comme ma frustration d’être un rejeté. Pourquoi ? Pourquoi, putain ? Pourquoi je ne pouvais pas juste me fondre dans la masse, comme je l’avais voulu désespérément ? J’étais tellement bouleversé par le fait que tout le monde dans ce lycée soit si horrible. Mais plus que tout, j’étais en colère contre Vic, puisque c’était le plus gros connard de tous.

Je ne restai pas assis là trop longtemps. Enfin, assez longtemps quand même pour rater le déjeuner et la moitié de mon cours de musique. Je songeais à rentrer chez moi, mais je ne trouvais pas la motivation pour me lever et le faire. Du moins, jusqu’à que quelqu’un n’arrive.

« Kellin, t’es là ? » C’était la voix de ce connard sans cœur, qui venait de derrière la porte de la cabine. Ma colère me submergea, et je me levai finalement pour ouvrir la porte brutalement et lui jeter un regard noir.

« Ah, enfin. Mme. Ascot m’a donné la mission de venir te chercher. », M’annonça-t-il machinalement. Ce qui me mit encore plus en colère.

« Est-ce que tu as une idée de ce que tu fais aux gens ? », Criai-je.

« Hm, ouep. », Répondit-il, un brin confus, comme s’il s’en moquait.

« Alors ça fait de toi une personne horrible. Tu tourmentes les gens, et t’en a rien à foutre d’à quel point tu peux les foutre en l’air en faisant ça ! » Je ne lui laissais pas le temps de répondre à mes cris, puisque je le contournai pour sortir des toilettes et de l’école. J’allais rentrer à la maison, me foutant des ennuis que je pourrais avoir en séchant mes derniers cours de la journée. De toutes manières, j’aurais sûrement l’air d’un idiot là-bas, avec mes yeux rouges et mes joues trempées de larmes.

Lorsque j’arrivai chez moi, je n’étais toujours pas calmé. Cela ne me ressemblait pas du tout. Je ne me mettais jamais en colère, avant. J’avais l’habitude d’enfouir cela au fond de moi, pour continuer ma vie pathétique. Mais aujourd’hui, c’était différent. Aujourd’hui, c’était le dernier jour d’une semaine au cours de laquelles des tas de petites embrouilles s’étaient accumulées pour me faire sentir comme une sous-merde. Lorsque je débarquai dans la maison, mon père était là, prêt à me saluer.

« Qu’est-ce que tu fous là ? Tu devrais être à l’école. », Me lança-t-il froidement.

« Ouais, et toi tu devrais avoir un putain de travail, pourtant, c’est pas le cas. » Lui criai-je avant de courir jusqu’à ma chambre. Il me suivit, et une seconde plus tard, je me retrouvai là à le fixer avec de grands yeux.

« Je… J’suis désolé… Je le pensais pas. » Pourquoi est-ce que j’avais une si grande gueule ? Pourquoi est-ce que je continuais de rendre la situation pire qu’elle ne l’était déjà ?

« Oh, tu le pensais Kellin. J’ai essayé d’être laxiste avec toi cette semaine parce que c’était ta première semaine d’école, mais tu dois apprendre à me respecter. », Lâcha-t-il d’un ton furax. Le respecter ? Comment je pouvais respecter un être aussi dégoûtant ? Je ne lui répondis pas cela, ne voulant pas envenimer la situation. A la place, je le laissai me pousser au sol. Je poussai un cri au contact de son pied contre mes cotes.

« Arrête ! S’il-te-plaît, arrête ! », Hurlai-je, mais c’était inutile. Je n’étais pas capable de l’arrêter. Alors je me contentai de me rouler en boule, pour subir ses coups de pieds.

Neuf… Dix… Onze… Douze. Douze fois, il me donna un coup, jusqu’à qu’il se lasse et qu’il quitte la chambre. Avant que la douleur ne s’empare totalement de moi, je me suis levé, et laissé tomber sur mon lit. Je suis resté là, vautré dans mon lit et m’apitoyant sur moi-même.

Et c’est à peu près tout ce que j’ai fait de mon week-end. Je suis juste resté couché dans mon lit, ne voulant penser à rien. A chaque fois qu’une pensée essayait de pénétrer mon esprit, je la repoussai simplement, fermant les yeux et espérant qu’un trou noir s’ouvre dans ma chambre, et m’emporte loin de tout ça.

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