Chapitre deux
Le lendemain matin, j'étais installé à table, mâchant mes céréales, lorsque mon père descendit les escaliers, et se laissa tomber sur la chaise face à moi. J'avais déjà préparé son café et son journal, et le tout était bien installé sur la table, n'attendant plus que lui.
« Bonjour. », Le saluai-je joyeusement. J'aimais bien le voir comme cela, avec la gueule de bois et malade. Le lundi soir, après tout, c'était soirée "vodka".
« Qu'est-ce qu'il y a de si bon en ce jour ? », Grogna-t-il. Je ne répondis pas à cette question. Nous restâmes assis en silence durant quelques minutes, comme on le faisait souvent, jusqu'à que ses yeux ne se portent sur ma main, qui était légèrement violette depuis que j'avais frappé Vic.
« Qu'est-ce qui est arrivé à ta main ? » Questionna-t-il.
« J'ai frappé quelqu'un. » Lui dis-je. Je savais que cela ne m'attirerait aucun ennui. Il serait probablement juste surpris, voire même un peu fier.
« Une petite tapette comme toi, frapper quelqu'un ? », Demanda-t-il, incrédule. « Est-ce qu'il l'avait mérité ? », S'enquit-il ensuite. Je me suis alors demandé s'il pensait que je le méritais à chaque fois qu'il levait la main sur moi. Parfois, je le méritais vraiment, puisque je lui lançais volontairement une pique, ou alors j'oubliais de faire une corvée. Mais les autres fois, il le faisait sans raison.
« Est-ce que maman l'avait mérité ? », Répliquai-je sans réfléchir. Je réalisai ce que je venais de faire, et relevai le regard vers lui, les yeux écarquillés. Il avait l'air franchement agacé. Je n'étais même pas autorisé à mentionner ma mère sous ce toit, et là, je lui rappelais carrément qu'il la frappait. C'était la raison pour laquelle elle était partie.
« Désolé, je ne le pensais pas. », Me rattrapai-je. « Oh, il est déjà si tard ? Je suis en retard pour l'école. »
J'attrapai mon sac au sol, et traversa en courant la salle à manger, pour rejoindre la porte d'entrée. Je pouvais entendre les pas de mon père me suivant. J'ouvris la porte à la volée et m'élançais sur le trottoir, où il n'oserait pas me faire une scène.
« Attend de voir quand tu rentreras à la maison, Kellin. », Me lança-t-il depuis le seuil de la porte. Je me suis contenté de l'ignorer, et continuais d'avancer, regrettant déjà le moment où je devrais rentrer à la maison.
La matinée fut un enfer. Tout le monde se tenait loin de moi, comme si j'étais contagieux. Les élèves me lançaient tous des regards sombres et m'insultaient de tous les noms, encore et encore. J'en avais donc conclu que ce type, Vic, régnait sur tous les étudiants. Je ne savais pas vraiment ce qu'il avait pu raconter sur moi, mais me le mettre à dos avait suffi à ternir mon nom. Tout le monde semblait effrayé par Vic. Par exemple, à chaque fois que je le voyais déambuler dans les couloirs, tout le monde s'écartait de son chemin. Comme si ils avaient peur de lui rentrer dedans, comme je l'avais fait la veille.
Je regrettai d'être allé déjeuner, ce jour-là. Je m'étais installé à une table vide au milieu de la cafétéria, mais n'avait rien pris à manger. Je n'avais pas faim du tout. J'aperçu Vic installé à une table avec Mike, et deux autres mecs. L'un d'eux était Jaime, celui qui m'avait poussé dans le casier la veille. L'autre, c'était Tony, avec qui j'avais quelques cours en commun. Ils étaient tous en train de discuter joyeusement. Cela me paraissait injuste... Je ne leur avais rien fait, et pourtant, j'étais installé tout seul, me sentant terriblement mal, alors que eux, qui étaient responsables de mon calvaire, étaient en train de vivre tranquillement leur vie à quelques mètres de moi.
Mes pensées furent interrompues par un liquide glacé dégoulinant sur ma tête, glissant sur mes cheveux et mon T-shit. Je glapis à cette sensation, ce changement de température brutal. Tout le monde dans la cafétéria avait le regard tourné vers moi, et commençait à rigoler de la situation. Je relevai le regard vers mon agresseur : c'était Craig. Il me contourna sans même un mot, et je l'aperçu adresser un hochement de tête à quelqu'un. Mon regard suivit le sien, pour tomber sur Vic, bien sûr. Oh, alors c'était lui qui était derrière tout cela ? J'aurais dus me douter que Craig n'était qu'une autre de ses marionnettes.
Je me levai, ma chaise grinçant au sol, et quittai la cafétéria pour me réfugier dans les toilettes des garçons. Je commençai à me nettoyer, me débarrassant du milkshake à la vanille qui recouvrait mon T-shirt et mes cheveux. Le tout en maudissant profondément Vic. Ce sacré connard.
Bon, au moins je n'avais pas été enfermé dans un casier aujourd'hui, et je pus donc me rendre à mes cours de l'après-midi. Je jetai un coup d'œil à mon emploi du temps, pour constater que j'avais musique. Cela parvint à me faire sourire. J'avais toujours adoré la musique, même si je ne savais jouer d'aucun instrument. Mais la musique me redonnait confiance. Je savais chanter et utiliser des logiciels pour mixer des chansons, c'était à peu près tout. Je me dirigeai donc vers la salle de musique.
C'était une pièce assez grande, avec des douzaines d'instruments posés contre les murs. Il y avait un tas de chaises au milieu de la salle, mais aucun bureau. Je m'installai sur la chaise la plus éloignée dans le fond, et attendit que la pièce se remplisse lentement. Une femme que j'identifiai comme ma professeure arriva à son tour.
« Très bien, vous savez... » La jeune femme s'arrêta de parler, et tourna la tête en direction de la porte. J'imitai son geste, et vis Vic tracer sa route dans la salle de classe. Je grognai mentalement. Quelle chance, il était là pour ma matière préférée...
« Je suppose que vous avez une bonne justification à votre retard, Monsieur Fuentes ? », lui demanda la prof. Il lui répondit simplement par un sourire moqueur, avant d'aller s'asseoir sur la seule chaise de libre. Juste à côté de moi. A la seconde où il se posa sur le siège, je me sentis nerveux. Je m'assurai de pouvoir l'observer du coin de l'œil, au cas où qu'il m'agresse ou quelque chose du genre, mais il ne m'adressa même pas un regard.
« Comme je disais, vous savez ce que vous avez à faire. Vos productions seront à rendre dans quelques semaines, donc vous avez plutôt intérêt à commencer vos chansons ! », Annonça-t-elle d'une voix aigüe. Tous les élèves quittèrent leur place, pour aller chercher leurs instruments. Je restai installé à ma place, ne pouvant pas m'empêcher de suivre Vic du regard. Il attendait patiemment que les quelques élèves de la classe se poussent de son chemin. Un type avec un sens du style pas terrible, arborant de grosses lunettes et des cheveux en batailles, aperçu Vic derrière lui, et s'éloigna vite de son chemin. Le garçon cogna dans une guitare, et se tourna vers Vic avec un regard effrayé.
« Désolé. », dit-il rapidement, avant d'attraper la guitare en question pour la tendre à Vic. Ce dernier se contenta de la prendre, adressant un signe de la tête au garçon avant de s'éclipser au fond de la salle. C'était quoi le délire avec lui ? Il m'était rentré dedans, avait fait tombé ses livres, et je m'étais retrouvé enfermé dans un casier toute la journée, alors que ce gamin avait presque fait tombé sa guitare en tapant dedans, et il s'en tirait comme ça ? C'était quoi ce bordel ?
« Bonjour, tu dois être Kellin. », me lança une voix. Je relevais le regard, pour voir la prof dressée face à moi. Elle s'installa sur une des chaises à côté de la mienne.
« Je suis Madame Ascot. Laisse-moi t'expliquer comment se déroule cette matière. Ce que tu dois faire, c'est composer une chanson avec n'importe quel instrument qui se trouve dans cette pièce. La chanson soit durer au moins deux minutes et trente secondes. Alors, Kellin, quelle est ton instrument de prédilection ? », M'interrogea-t-elle avec un immense sourire.
« Hé bien... Je sais chanter. » Répondis-je lentement, pas vraiment sûr que cela soit suffisant. Elle fronça les sourcils. Okay, ce n'était donc vraiment pas suffisant.
« Je suis désolée Kellin, mais cela doit fait avec un instrument. Si tu ne sais pas en jouer, tu vas devoir changer de cours... » M'annonça-t-elle avec un regard triste. Je ne voulais pas changer de cours. J'adorais la musique. J'adorais être entouré par la musique.
Bon... quand rien d'autre ne fonctionne... Il ne reste que le mensonge.
« Oh, bien sûr. Je sais jouer du piano. » Répondis-je avec confiance. Je ne savais pas du tout jouer du piano, cependant. J'avais choisi cet instrument car c'était le seul qui n'était pas déjà utilisé. Mais, cela ne devait pas être difficile d'apprendre à jouer du piano pour une chanson de deux minutes trente ?
« Super ! Tu es déjà en retard par rapport au reste de la classe, alors je te conseille de commencer dès maintenant. Bonne chance ! » M'encouragea-t-elle avant de s'éloigner en sautillant pour aller parler à un autre groupe d'élèves. Je grognai, avant de me lever à mon tour pour me diriger vers le piano. Je m'installai sur ce long... tabouret... truc... devant l'instruement. Je baissai mon regard, pour fixer avec désespoir les touches.
« Tu sais pas en jouer, c'est ça ? » Je sursautai en entendant la voix de Vic. Il s'installa à côté de moi, grattant distraitement les cordes de sa guitare acoustique. Je m'éloignai le plus possible de lui.
« Bien sûr que si, je peux. », Mentis-je.
« Alors joue-en. », me défia-t-il. Je relevais le regard vers lui rapidement, et ne put réprimer un sourire en constatant que mon coup d'hier lui avait laissé un léger bleu sur la mâchoire. Ce n'était pas très marqué, mais je pouvais quand même le voir.
« Non. Pourquoi tu me parles, d'abord ? Tu ne devrais pas plutôt être en train de demander à quelqu'un de me frapper à la sortie de l'école ou un truc du genre ? »
« Non, on est quittes. », m'indiqua-t-il, comme si j'étais stupide. Quittes ? Nous n'étions pas vraiment quittes ! Bon, je l'avais frappé au visage, mais il le méritait. Je n'avais pas l'impression que nous étions quittes du tout.
« T'as pas l'habitude de mettre des poings, non ? », dit-il en saisissant doucement ma main blessée dans la sienne. Je tressaillis, et la retirai rapidement.
« Ne me touche pas. », lui lançais-je froidement. « Je... Je n'aime pas quand les gens me touchent. », je ne pus m'empêcher de rajouter sur un ton moins agressif. Je baissais le regard sur le piano, le fixant nerveusement. Il me mettait toujours mal à l'aise, à chaque fois qu'il était près de moi. Je devais simplement être une personne de plus parmi des centaines d'autres à avoir peur de lui, dans cette école.
« Peu importe. », lâcha-t-il en se relevant. Je l'entendis marmonner un « looser » à peine audible, alors qu'il s'éloignait. Cette insulte ne me fit ni chaud ni froid. Mon père me lançait des choses bien plus atroces lorsqu'il se montrait gentil.
Le reste de la journée se passa sans trop d'encombres. Cet après-midi, je n'avais aucuns cours avec Vic ou ce connard de Craig, alors je restais juste seul dans mon coin pendant tout ce temps, jusqu'à que la sonnerie retentisse pour annoncer la fin de la journée, le moment de rentrer à la maison. La maison... là où mon père m'attendait sagement. Je m'attendais à une bonne série de coups en rentrant, après mon attitude de ce matin...
Alors que je sortais de l'école, je commençais à me sentir de plus en plus anxieux, jusqu'au point où je refusai de sortir du parking du lycée. Mon père devrait avoir commencé à boire le temps que je rentre à la maison. Il s'endormait généralement sur le canapé aux alentours de 20 heures, alors peut-être que si je restais ici jusque-là, il n'aurait pas l'occasion de me faire mal... C'était assez pour me décider à ne pas rentrer tout de suite. Je pouvais bien m'assoir là et attendre pendant les cinq prochaines heures, jusqu'à que cela ne soit plus dangereux de rentrer à la maison... Ouais, c'était une bonne idée.
Alors je m'assis contre un mur en brique près de la sortie du parking, puis extirpai mon cahier de mon sac. Je le posai contre mes genoux, pour commencer à écrire des paroles de chansons, un peu au hasard, ce que je faisais souvent lorsque je m'ennuyais. Après, je les ajoutais juste à la pile de cahiers déjà formée chez moi, et ne les laissais jamais revoir la lumière du jour.
Je n'avais aucune idée de combien de temps j'étais resté assis là. Une heure, peut-être ? Tout le monde était déjà parti, même si quelques voitures étaient encore garées sur le parking. Je pensais être seul, du moins, en dehors des professeurs qui restaient après les heures de cours, jusqu'à que j'entende des rires. Je relevai mon regard vers l'entrée du lycée, où j'aperçu un groupe d'élèves quittant l'établissement. Et parmi eux, Mike et Vic. Le groupe se dissipa, et Vic et Mike se rapprochèrent du coin du parking où j'étais installé. Je baissai la tête, me concentrant sur mon carnet en espérant qu'ils passeraient juste à côté de moi et me laisseraient tranquille... Mais ils ne le firent pas.
« Hey, Kellin. Qu'est-ce que tu fais encore ici ? » M'interrogea Mike.
Je relevai le regard vers lui, et lui adressai le plus faux sourire dont j'étais capable à cet instant.
« Oh, je traîne juste, tu sais... », Répondis-je machinalement.
« Tu attends quelqu'un ? »
« Nope. », lui dis-je avant de me replonger dans mon cahier. Je me mis à jouer nerveusement avec les coins de ma page, ce qui était une de mes vieilles habitudes.
« Humm... Et tu ne rentres pas chez toi ? », Me demanda-t-il.
« Je peux pas... ». Ma voix me trahit en se brisant légèrement. J'espérais qu'ils ne l'avaient pas remarqué. C'était tout ce dont j'avais besoin en ce moment tiens, que Vic m'aperçoive beaucoup plus faible que je ne voulais le laisser paraître...
« Bon, euh... j'ai eu le dernier Halo hier, tu veux venir chez moi pour y jouer ? Je crève d'envie de l'essayer ! » Lança Mike. Je relevai le regard vers lui. Il me fixait avec espoir, mais aussi avec un brin de sympathie... Je suppose qu'il avait entendu la faiblesse dans ma voix donc. Sa proposition était tentante. C'était certainement plus intéressant que de rester ici pour les quatre prochaines heures.
Je jetai quand même un regard à Vic. Il me rendit mon regard, avant de hausser les épaules et de se diriger vers sa voiture.
« Ça marche. », répondis-je finalement, avant de me lever pour les suivre. Aller visiter le repère du diable... Bravo Kellin.
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