Chapitre cinq

« Kellin. »

J’observais l’extérieur à travers la fenêtre, regardant les oiseaux virevolter autours des arbres.

« Kellin. »

J’aurais bien aimé être un oiseau, pour pouvoir voler au loin et ne jamais revenir.

« Mr. Quinn ! » Je prêtai finalement attention à la voix sévère. Je relevai le regard, et vis Mr. Gee debout face de mon bureau. Je ne savais pas depuis combien de temps il était planté là, et je m’en fichais, en fait. Je reportai mon attention sur la fenêtre, posant mes bras et ma tête sur mon bureau. Du coin de l’œil, j’aperçu une notification d’heure de colle rose tomber sur mon bureau.

« Taré. », Me lança quelqu'un.

« Tapette. » La voix de Craig me ramena à la réalité. Je lui jetais un regard, mais ne lui répondis pas. Le prof décida de l’ignorer aussi, apparemment.

« Alors, Kellin, t’as bien aimé le milkshake de l’autre jour ? », Se moqua Craig.

Je l’ignorai, et regardai mon papier dheure de colle. Attendez, c’était pour quoi ça ? Qu’est-ce que j’avais fait au juste ? J’étais tellement confus aujourd’hui. Je ne comprenais rien de ce qu’il se passait autours de moi.

« Je suppose que t’as l’habitude de recevoir des substances blanches sur toi. », Murmura Craig. Les personnes assises autours de nous ricanèrent à sa blague.

« Pourquoi tu ne demandes pas à ton père ? », Lui répondis-je d’un ton monotone. La classe retint son souffle, à l’entente de ma réplique. Je savais que je regretterai cela plus tard, mais à ce moment-là, je ne m'en souciais pas vraiment. Mr. Gee fit taire la classe avant que Craig n’ait le temps de surenchérir.

J’étais totalement dans ma bulle pour le reste des cours de la matinée. Les professeurs venaient me parler, mais je ne ressentais pas l’envie de leur répondre, ni même d’agir alors que je les entendais. Les gens me soufflaient des insultes, et j’essayai de les ignorer, mais il y avait beaucoup trop de haine pour que je puisse totalement les ignorer. J’essayais de ne pas répondre à ce que j’entendais. Répondre ne faisait que rendre les choses pires, si c’était possible. Pour faire court, je me sentais plus bas que terre.

A l’heure du déjeuner, je me rendis à la cafétéria, mais ne mangeai rien. J’allais directement au fond de la pièce pour m’installer à une table vide, contre un mur, pour que personne ne puisse m’avoir par surprise. Comme d’habitude lorsque j’étais dans la cafétéria, mon regard tomba sur Vic, pour m’assurer qu’il restait loin de moi. Et, à ma grande surprise, il me rendait mon regard. Je détournai rapidement les yeux, pour cette fois regarder Craig. Il était en train de tourmenter un des gamins gothiques aujourd’hui. J’avais envie d’aller le voir et de l’arrêter, mais je ne pouvais pas. A présent, je comprenais pourquoi personne ne tenait tête à Craig et Vic : tout le monde était aussi effrayé par eux que moi.

Je survécu au repas, et me rendis à la salle de musique. J’aurais bien eus besoin de musique aujourd’hui, pourtant je ne me sentais pas motivé, alors j’allai au fond de la pièce, pour m’asseoir contre le mur et sortir mon carnet de note afin d’y rédiger quelques paroles au hasard. La pièce se remplit rapidement, et tous les élèves se dirigèrent automatiquement vers leurs instruments pour continuer de travailler sur leur chanson. Quelques minutes plus tard, Vic s’installa en face de moi au sol. Je pouvais l’entendre pincer les cordes de sa guitare, mais je ne le regardais pas.

« Alors, j’étais en train de penser qu’on pourrait faire une chanson, comme une chanson de rock en acoustique. », Dit-il.

« Peu importe. », Lui répondis-je dans un murmure. J’avais pris soin de baisser les manches de mon sweat pour cacher mes bras. Mon père avait laissé des bleus dessus, sans faire attention. En fait, c’était plutôt ma faute, pour avoir tenté de bloquer ses coups.

« Est-ce que tu as déjà des paroles ? »

Je ne lui répondis pas. Je n’avais pas du tout envie de lui parler.

« Mec, je pensais pas que tu serais aussi fâché d’avoir un peu de nourriture sur toi. », Me lança-t-il d’un ton irrité. Et voilà, il recommençait à me parler comme si ce n’était rien. Il ne pensait pas que c’était grave, mais il avait retourné toute l’école contre moi sans raison, donc pour moi, c’était grave.

« Vic, est-ce que tu peux me laisser seule avec Kellin une seconde, s’il-te-plaît. » La voix aussi douce que du miel de Mme. Ascot venait d’au-dessus de ma tête. Je gardai mon regard rivé sur mon carnet de note, dans lequel je n’écrivais même plus. J’étais juste en train de chiffonner nerveusement les coins de ses pages. Vic se leva et s’en alla sans un mot. Il fut remplacé par Mme. Ascot qui s’agenouilla en face de moi.

« Kellin, mon petit, est-ce que je peux avoir ton attention un instant ? », Demanda-t-elle.

« Seulement si vous me promettez de ne plus m’appeler ‘mon petit’. », Répondis-je dans une voix à peine audible, avant de relever le regard vers elle. Elle m’adressait un sourire gentil, mais néanmoins triste.  

« Okay, Kellin. Certains de tes professeurs ont parlé de toi aujourd’hui. Tu as été dans ta bulle pendant tous les cours, ignorant les professeurs et ne faisant pas ton travail. Là où je veux en venir, c’est que certains d’entre nous sommes inquiets pour toi, et nous aimerions savoir si tu as besoin de notre aide, que ce soit pour l’école ou même ta vie chez toi. Je pourrais arranger un rendez-vous avec le conseiller d’orientation si tu en as besoin. », Conclut-elle de sa voix douce. Je me contentais de secouer la tête négativement, avant de me relever. Je ne lui répondis pas, ou ne lui donnai d’explications. Je sortis simplement de la pièce. Je n’avais pas besoin de sa charité. Les professeurs ici s’en foutaient totalement de ce qui pouvait se passer dans la vie des élèves. J’aurais pu leur parler de Craig et Vic, mais ils n’auraient rien fait à ce propos. Même s’ils le feraient, cela ne ferait qu’aggraver ma situation.

Je me cachais dans les toilettes pour le reste de la journée, ne voulant plus supporter ce monde. Lorsque finalement la sonnerie retentit, j’envisageai de rentrer à la maison, mais je n’avais pas envie de me coltiner une nouvelle heure de colle en plus de celle que j’avais déjà, donc je traçai ma route jusqu’à la salle de retenue. Lorsque j’arrivai, je vis Vic et son ami Tony, ainsi que Craig et son ami Josh, et un autre type que je ne connaissais pas. Je n’eus même pas le temps de trouver une place, puisque un professeur que je n’avais jamais vu avant fit irruption dans la pièce.

 « Bon, les garçons, soyez prêts à bosser. », Annonça l’homme avec un fort accent du sud.

« Perry, Franceschi, trouvez-vous des racloirs. Vous allez détacher les chewing-gums sous les tables du bâtiment des sciences. Allez-y. », Leur ordonna-t-il.

Tony et Josh grognèrent avant de se lever, attrapant au passage leurs outils, et quittèrent la pièce.

 « Fuentes, Ashby. Attrapez des seaux, puis allez chercher des balais serpillères. Vous nettoyez les vestiaires. Allez ! »

Les deux quittèrent la pièce, et je commençai à paniquer. Je devrais passer la prochaine heure seul avec Craig. Après ce que je lui avais dit ce matin, il n’allait pas me laisser m’en sortir facilement. J’étais mort.

« Owens, et… hm… » Le professeur m’adressa un regard interrogatif.

« Kellin Quinn. », Lui répondis-je.

« Bien. Owens, Quinn. Prenez un seau et une brosse. Vous irez à l’arrière de l’école nettoyer les graffitis. »

Je fis ce qui m’étais demandé, et pris le seau. Génial, j’allais à l’arrière de l’école, sans surveillance, avec un des plus gros tyrans de l’école. Bien sûr, cela devait arriver. Je jetai un regard à Craig, alors que nous sortions de la salle. Il avait un sourire démoniaque collé au visage, comme toujours. Il était en train de préparer un coup, j’en étais sûr. Je commençais à devenir vraiment paranoïaque. Je me sentais nerveux et anxieux tout le temps, que ce soit à l’école ou à la maison, et je détestais cette sensation. C’était comme suffoquer. Je marchais dans le couloir, et je fus surpris de voir que Vic et l’autre type était encore plantés là.

« Craig, échange avec moi. », Commanda-Vic.

« Quoi ? Pourquoi ? », Questionna Craig, aussi surpris que moi.

« Je ne peux pas me voir Alan. », Répondit-il.

« Quoi ? Qu’est-ce que j’ai fait ? », Demanda Alan, visiblement offusqué.

« La ferme. », Lui lança Vic avant de se tourner vers Craig. « En plus, je vais pouvoir jouer un peu avec lui. » Vic me fixai avec une mine sérieuse. Pourtant, on était censé être quittes, non ? Non ? Ugh, j’avais un mauvais pressentiment par rapport à tout ça.

« D’accord, peu importe. » Lâcha Craig, et il échangea les seaux avec Vic. Il me jeta un dernier regard noir, avant de s’éloigner dans le couloir avec Alan. Vic marcha dans la direction opposé, mais j’avais les pieds vissés au sol.

« Tu viens ou quoi ? », M’appela Vic. Je soupirai, avant de le suivre dans le couloir, faisant attention à bien rester quelques pas derrière lui.

« Laisse-moi deviner, on doit nettoyer les graffitis à l’arrière de l’école ? », Demanda Vic. Je ne lui répondis pas. Il ralentit, jusqu’à qu’il soit à ma hauteur. Je relevai le regard vers lui.

« Effrayé ? », Questionna-t-il avec un sourire, appréciant clairement mon malaise. Je levai les yeux au ciel, avant de regarder ailleurs. On marcha jusqu’à l’arrière du lycée, sortant à l’extérieur par une issue de secours. L’arrière du bâtiment n’était pas très grand. Il y avait juste une petite parcelle d’herbe, et une clôture encerclant le tout. Je me tournai vers le bâtiment. Les parties du mur accessibles étaient totalement recouvertes de graffiti. Ce n’était pas possible de nettoyer cela en une heure. Je remarquai que certaines parties avaient déjà été grattées, sûrement par d’anciens élèves collés.

Vic remplit nos seaux avec de l’eau, et mélangea le détergeant avec elle. Cela sentait comme un genre de poison. Peut-être que je pouvais en boire pour être envoyé à l’infirmerie ou un truc comme ça. Je décidai cependant de ne pas le faire, et nous commençâmes tous les deux à gratter le mur de brique à la place.

« Alors… T’étais vraiment bouleversé, l’autre jour. », Fit-il remarquer. C’était la deuxième fois qu’il soulevait le sujet. J’aurais aimé qu’il laisse juste tomber cette histoire. Soit il ramenait cela sur le tapis pour m’embêter, soit parce qu’il était…

« Tu es désolé ? », Lui demandai-je sans réfléchir. Il se contenta de me rire au nez.

« Oh, s’il-te-plaît. Mon cœur est incapable de se sentir désolé pour quiconque. », Affirma-t-il. 

« Je n’étais pas au courant que tu avais un cœur. » Je le regardai finalement.

« Ahah, t’es trop drôle. », Répliqua-t-il sarcastiquement. Je reportai simplement mon attention sur les graffitis, et continuai de gratter. Il avait dit à Craig vouloir jouer avec moi, c’était cela qu’il voulait dire ? Il agissait juste comme un connard, comme à son habitude.

« Est-ce qu’il t’arrive de sourire ? T’es genre tout le temps sérieux. », Me lança-t-il. Je lui jetai un regard. Il avait remarqué que j’étais toujours sérieux ?

« Il n’y a rien qui vaille le coup de sourire. », Répondis-je avec honnêteté, puis je me reconcentrai sur mon grattage. Il arrêta de parler pendant un moment, un long moment même. A chaque fois que je lui lançai un regard, il avait cette mine sérieuse collée au visage. Et c’était lui qui disait que j’étais tout le temps sérieux ? C’était lui le gros dur, l’effrayant, l’intimidant. Si quelqu’un était sérieux, c’était bien lui. Il ne nous restait qu’une dizaine de minutes de colle, et j’étais en train de compter les secondes jusqu’à ma liberté. Je détestais être près de lui, peut-être même plus que je détestais être près de mon père.

« Est-ce que tu peux me regarder une seconde ? », Me demanda Vic soudainement.

« Non. », Répondis-je aussitôt. C’était une question étrange.

« Non, je suis sérieux. S’il-te-plaît. Juste une seconde. », Demanda-t-il une nouvelle fois. Je fis non de la tête, ignorant sa question bizarre. Vu que je n’obéissais pas, il s’approcha de moi pour me saisir le bras et me tourner de façon à lui faire face. Il avait posé sa main pile sur un de mes bleus. Je glapis, retirant mon bras et le tenant là où j’avais mal. Je regardai Vic, mais il avait les yeux rivés sur mon bras. Je le lâchais rapidement pour ne pas paraître suspect, mais c’était trop tard, il était déjà curieux. Il saisit mon poignet et m’approcha de lui, avant de remonter ma manche. Il vit l'hématome. Il n’y en avait qu’un, mais il était vraiment vilain.

« Lâche-moi. » Ma voix était tremblante et influencée par la panique. « Je… Je n’aime… »

« Ouais, tu n’aimes pas que les gens te touchent. Je m’en souviens. », Dit-il et il me lâcha. Je ramenai la manche sur mon bras, et les croisai sur mon torse, détournant mon regard du sien. Merde. Voilà les questions…

« Craig a fait ça ? », Demanda-t-il. J’avais envie de mentir et de lui dire que c’était lui, mais je ne le fis pas. Je ne sais pas ce qui me retint de lui mentir, mais je ne le fis pas.

« Non. », Répondis-je.

« C’est ton père ? ». Sa deuxième question était venue rapidement. Je restai silencieux une minute, avant de lui lancer un regard rapide, juste pour apercevoir son visage sans émotions, avant de regarder le sol.

« Peut-être. », Murmurai-je.

« Tu devrais le dire à quelqu’un. » C’était plus un ordre qu’une suggestion. Je reportai mon regard sur lui, prétendant d’être confiant, pour pouvoir lui sortir un mensonge qui arrangerait tout. Si mon père apprenait que j’ai dit à quelqu’un qu’il me frappait, alors j’y aurais le droit pour de bon.

« Non, ça va. C’était un accident. Il ne voulait pas. Il m’a juste attrapé un peu trop brutalement. Je marque facilement. », lui répondis-je comme si ce n’était rien, de la même manière que Vic me parlait.

Il sembla croire le mensonge, même s’il semblait un peu sceptique, mais se remit à gratter le mur. J’en fis de même, jusqu’à ce que je me souvienne comment cette conversation avait commencé.

« Pourquoi voulais-tu que je te regarde ? », Demandai-je. Il soupira, mais continua de gratter le mur.

« Je voulais juste voir quelque chose. »

« Et c’était quoi ? », Questionnai-je, la curiosité me rongeant. Il arrêta ce qu’il faisait pour se tourner vers moi.

« Je voulais voir si tu es suicidaire. », Répondit-il franchement. Je vous jure qu’à ce moment-là, je me suis arrêté de respirer. Quel genre de personne disait ça ? Quel genre de personne pensait à ça, d’abord ? Puis qu’est-ce que cela pouvait lui faire, si j’étais suicidaire ou non ?

« Et est-ce que je le suis ? », Lui demandai-je.

« Je ne sais pas. » Il haussa les épaules. « Tu étais trop effrayé pour que je puisse le voir. Et puis, tu devrais connaître la réponse à cette question toi-même, de toutes manières. » Je ne savais même pas qu’on pouvait savoir si quelqu’un était suicidaire juste en les regardant. Puis même, je ne savais même pas comment Vic pourrait savoir cela.

« Alors ? Tu l’es ? », Demanda-t-il une minute plus tard.

Est-ce que je suis suicidaire ? Je n’y avais jamais pensé, jamais. Bien sûr, j’avais parfois envie de disparaitre, mais je n’avais jamais eu de telles pensées jusqu’à ce que Vic le mentionne. Mais est-ce que j’étais capable de faire une chose pareille ?

« Je ne sais pas. » 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top